Rio +20 : Notre point focal en parle
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1992-2012. Vingt ans se sont écoulés entre le Sommet de Rio sur le développement durable, appelé Sommet de la planète Terre, et la 3e conférence mondiale sur le développement durable dénommé Rio+20 qui aura lieu du 20 au 22 juin 2012 prochain. Quelles sont les enjeux de cette rencontre pour le Burkina, qu'implique le concept de développement durable pour le Pays des hommes intègres ? Ce sont là, entre autres, les points développés en entretien le jeudi 31 mai 2012 avec Rasmané Ouédraogo, point focal national développement durable et par ailleurs Directeur de la division des politiques environnementales au niveau du Secrétariat permanent du Conseil national pour l'environnement et le développement durable (SP/CONEDD).
Au total 20 experts venant du Premier ministère, du ministère de l'Environnement et du Développement durable, de l'Assemblée nationale, de la société civile et du secteur privé représenteront le Burkina Faso à la 3e conférence mondiale sur le développement durable, RIO+20. Cette délégation sera conduite par le ministre de l'Environnement et du Développement durable.
Quarante ans donc après la 1re conférence mondiale de l'environnement et du développement humain qui s'est tenue à Stockholm en Suède en 1972 et 20 ans après le Sommet de la planète Terre à Rio de Janeiro, au Brésil en 1992, la capitale économique brésilienne accueille le 3e sommet du genre qui portera sur l'économie verte dans la perspective du développement durable et de l'éradication de la pauvreté. Le bilan des 40 années écoulées laisse entrevoir des résultats mitigés dans la mesure où beaucoup d'engagements pris n'ont pas été respectés.
C'est l'avis de Rasmané Ouédraogo, le point focal national développement durable, qui nous a reçu en entretien le jeudi 31 mai 2012 au secrétariat permanent du Conseil national pour l'environnement et le développement durable (SP/CONEDD) : "Si on prend le cas des conventions, nos partenaires n'ont pas suffisamment mis la main à la poche en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Sur le plan financier également, les Etats qui avaient besoin d'accompagnement ne l'ont pas été suffisamment. Ce qui explique que les objectifs n'aient pas été atteints".
Ce qui ne veut pas dire pour autant que tout est sombre, selon M. Ouédraogo, car des progrès ont été néanmoins enregistrés notamment au niveau du cadre institutionnel avec la mise en place des conseils nationaux de développement durable (SP/CONEDD au Burkina) et l'élaboration de stratégies nationales de développement durable (SCADD) : "Concernant l'engagement politique sur lequel doit se pencher le Sommet de Rio, outre le ministère de l'Environnement et du Développement durable, nous avons le MAEP qui a pris en compte les questions d'environnement et de développement durable. Des politiques et stratégies ont été aussi élaborées, notamment des codes forestiers et de l'environnement. Et quand on regarde le programme des engagements nationaux avec 8 000 villages, 8 000 forêts ou une école, un bosquet, ce sont des indicateurs qui montrent que beaucoup de choses ont été réalisées".
Cependant, le point focal national de développement durable reconnaît que, malgré tout, il y a une persistance de la pauvreté et de la dégradation de l'environnement aggravée par une insuffisance de prise en compte des questions environnementales dans la planification nationale : "Nous essayons de rattraper cela par des politiques sectorielles en cours d'élaboration et nous avons organisé en novembre 2011 les états généraux de l'environnement et du développement durable où nous avons fait une recommandation très forte qui consistait à élaborer une politique nationale du développement durable qui sera assortie d'une loi pour permettre à tous les acteurs de pouvoir aller de l'avant. Nous sommes aussi en train de finaliser les critères indicateurs de développement durable et projets de développement au Burkina".
Pour ce qui est des engagements des chefs d'Etat dont l'analyse sera au centre du prochain sommet, ces derniers ont décidé, entre autres, que les pays développés doivent consacrer 0,7% de leur PIB au développement des pays pauvres et émergents, et qu'on accorde aussi des facilités d'annulation de la dette. Ils entendent mettre en œuvre le plan stratégique qui concerne le renforcement des capacités et le transfert des technologies ainsi que permettre de profiter des opportunités du financement des changements climatiques notamment les financements additionnels. Un autre point est que le programme des Nations-unies basé à Nairobi soit transformé en une institution spécialisée des Nations unies pour l'environnement.
A deux semaines de Rio+20, quelle est donc la position du Burkina ? "Nous pensons qu'il faut renforcer les institutions du NEPAD, renforcer les conseils nationaux de développement durable, et renforcer le conseil économique et social des Nations-unies qui va coordonner toute cette dynamique au niveau mondial. Nous disons aussi que le Burkina s'engage pour l'économie verte parce que nous savons que nous pouvons la promouvoir à travers la valorisation des produits forestiers non ligneux et l'assainissement qui sont des secteurs porteurs. Mais pour y arriver, il nous faudra mettre en place un mécanisme progressif".
Pour Rasmané Ouédraogo, la définition du développement durable c'est-à-dire un développement au profit des générations présentes et à venir est valable pour tout le monde, même pour un pays pauvre comme le Burkina. "Ce qui est très important c'est que le développement durable met en synergie trois piliers : économique, social et environnemental. La Francophonie recommande d'en ajouter un quatrième : le culturel. Mais dans beaucoup de pays et pas seulement le Burkina, le pilier environnemental demeure le parent pauvre. En dehors de la compréhension même du concept qui est vu sous un angle réducteur parce qu'il n'y a pas beaucoup de gens qui l'appréhendent, il y a donc le problème de la prise en compte du pilier environnemental dans la planification.
Avec les évaluations environnementales, on constate qu'en prenant en compte l'environnement on peut produire plus en polluant moins.
Il faut faire souvent de l'arbitrage entre ces piliers car si l'on veut construire par exemple une école, on ne va pas voir si elle est rentable, mais on va sûrement voir si elle n'est pas dans une zone inondable et si elle est accessible...".
Y a-t-il justement une chance que le message écologique passe dans un pays pauvre comme le Burkina où tout est prioritaire ?
Foi de M. Ouédraogo, le message passe et doit passer parce que 80% de la population vit des ressources naturelles : "Qui dit ressources naturelles dit composantes de l'environnement : eau, terre, etc. Si 80% de la population en vit, le développement durable qui est un paradigme doit devenir le leitmotiv du Burkina et j'en veux pour preuve la SCADD qu'il faut mettre en œuvre en prenant en compte tous les piliers en synergie". Et de conclure que le développement durable est un passage obligé pour le Pays des hommes intègres.
Hyacinthe Sanou