Incarcération Jean-Claude Bouda : Première victime emblématique du délit d’apparence ?
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L’information a fait l’effet d’une bombe dont on ne sait pas encore jusqu’où ira le souffle de la déflagration. En effet, hier mardi 26 mai 2020, l’ancien ministre burkinabè de la Défense et des Anciens Combattants, Jean-Claude Bouda, a été entendu par la justice, puis placé sous mandat de dépôt. Cette incarcération à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou fait suite à une plainte en mai 2019 du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) pour des faits de «délit d'apparence, d’enrichissement illicite, de fausses déclaration d'intérêts et de patrimoine et délit d'acceptation de cadeaux indus».
Cette affaire fait suite, rappelons-le, à la publication, courant 2018 dans les médias et réseaux sociaux, d’une photo de la résidence de Jean-Claude Bouda, alors ministre de la Défense et des Anciens Combattants, dans son fief à Manga qui abritait les festivités du 58e anniversaire de l’indépendance.
« Bunker » pour les uns, « Château digne du conte ‘‘Les mille et Une Nuits’’ » pour les autres, l’existence de cette immense bâtisse avait d’autant plus choqué les Burkinabè que l’environnement immédiat puait la misère.
Il faut remonter à sa première nomination en 2016 comme ministre de la Jeunesse, de la Formation et de l’Insertion professionnelle pour comprendre l’accusation de délit d’apparence contre celui qui est aujourd’hui la première victime emblématique de ce genre dans notre pays.
Dans sa déclaration de biens qu’il avait l’obligation de faire, cette villa cossue ne figurait pas dans le patrimoine du ministre dont le compte courant UBA était crédité de 738 938 F alors que le compte d’épargne Ecobank n’affichait que 87 750 F. Certes au titre des biens immeubles il était propriétaire d’un terrain de 800 m2 à Manga d’une valeur de 27 millions et d’un autre à Ouagadougou évalué à 45 millions, d’un champ de 30 ha à Gogo (province du Zoundwéogo) et d’un non-loti de 2 293,12 m2 ; autant dire une possession bien modeste pour ne pas dire maigrichonne pour quelqu’un qui est né avec une cuillère d’argent dans la bouche (1) et qui depuis une trentaine d’années a occupé d’importantes fonctions comme DG de sociétés d’Etat et ministre.
A-t-il fait de petits arrangements avec la vérité ? C’est en tout cas cette affaire qui le rattrape aujourd’hui, car connaissant les revenus licites d’un ministre de la République, beaucoup se demandaient comment ce duplex que certains estiment à au moins 350 millions a pu être érigé en si peu de temps.
Certes l’incriminé a tenté de se justifier quand la polémique a éclaté, mais on n’est pas sûr qu’il ait convaincu grand monde, en tout cas pas le procureur qui l’a fait déférer à la MACO en attendant la suite de cette affaire.
Qu’à cela ne tienne
Il faut donc se féliciter de l’évolution de ce dossier qui montre, si besoin en était, que la justice est devenue indépendante dans notre pays même si une hirondelle ne fait pas le printemps judiciaire.
Qui aurait imaginé, il n’y a pas longtemps de cela, qu’un ministre de la République, soit-il ancien, et qui plus est très proche, pour ne pas dire un pote très sûr du président du Faso, vivrait pareils ennuis judiciaires ?
Doit-on comprendre que le locataire de Kosyam l’a définitivement lâché ou qu’il ne pouvait rien pour arrêter le rouleau compresseur ?
Qu’à cela ne tienne, il faut se garder de condamner d’office l’ancien ministre, comme beaucoup le font sans attendre un éventuel procès. Puisque jusqu’à preuve du contraire il est présumé innocent.
Alain Saint Robespierre
(1) Il est le fils de Paul Bouda, réputé être un grand propriétaire immobilier à Ouagadougou.
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