Trafic d’héroïne: Une mule au TGI Ouaga II
- Écrit par Webmaster Obs
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D’origine étrangère, Izumaco Ukachukwu alias Tobi Kobi a comparu hier 30 novembre 2022 au Tribunal de grande instance Ouaga II pour trafic illicite d’héroïne. Le 6 décembre 2017, sa troisième tentative d’expédier cette drogue dure à l’international en passant par le Burkina Faso s’était tout simplement soldée par un échec. Interpellé par la police judiciaire, il ne tarde pas à reconnaître les faits et à la barre, demande la clémence de la juridiction. Il a finalement été condamné à 7 ans dont 4 ferme et 3 avec sursis. Ayant déjà passé 5 ans derrière les barreaux, il est désormais libre de ses mouvements.
Une mule. Vous connaissez ? N’y voyez surtout pas la femelle du mulet, cet équidé issu du croisement d’un âne et d’une jument et encore moins cette personne butée ou têtue. Voyez plutôt cette personne qui transporte des marchandises illicites, de la drogue en particulier, pour le compte d’organisations criminelles. C’est ce qualificatif que le procureur général près la cour d’appel de Ouagadougou a utilisé pour désigner Izumaco Ukachukwu alias Tobi Kobi. Il est métallurgiste de profession et fabrique des pièces détachées de véhicules dans son pays d’origine. Des pièces qui sont transformées à la demande de son boss ou d’autres demandeurs de sorte à pouvoir y enfuir des bâtons d’héroïne. Il conduit dans un premier temps le camion dont le colis est vautré dans la « tête » vers le Burkina Faso puis dans un deuxième temps expédie cette drogue dérivée de la morphine par DHL dans des contrées comme la Nouvelle Zélande, l’Australie et les Philippines. Pour ce service, il est rétribué à environ 143 000 francs CFA. Le premier voyage se passe sans accroc. Le deuxième se passe presque bien puisque l’étape du Burkina est franchie mais le colis est détecté en Allemagne et le nom de l’expéditeur qu’il est, est désormais fiché. Se dirigeant pour la troisième fois au Pays des hommes intègres où son boss lui a fait savoir que le transfert y est moins cher, le camion, passé au crible à un bureau de contrôle douanier, vomit ses secrets. Tobi Kobi transportait ce 6 décembre 2017 ce stupéfiant dont le transport, la commercialisation, la consommation, la production, le transit, entre autres, sont bannis par la législation burkinabè. La police judiciaire débarque aussitôt pour le cueillir et il est par la suite mis en examen pour trafic illicite d’héroïne. Des faits qu’il reconnaît immédiatement et précise que la personne qui l’accompagnait ce jour n’y est pour rien dans cette affaire. Cette dernière, d’origine étrangère également, devait lui servir d’interprète puisqu’il ne maîtrise pas la langue de Molière. Ce que l’intéressée de sexe féminin n’avait jamais cessé de clamer depuis leur interpellation. Faisant planer un doute dans l’esprit du juge d’instruction, elle sera purement et simplement relaxée.
Le parquet requiert 20 ans ferme et 5 millions d’amende
A la barre, Tobi Kobi ne nie pas avoir transgressé les règles de la société, à la question de savoir ce qu’il a à dire après la lecture de l’arrêt de renvoi. « Merci beaucoup, j’apprécie tout ce que vous faites. Ce qu’il a dit est exactement ce qui s’est passé », dit-il, dans la langue de Shakespeare. Il ne sait plus comment il a été embarqué dans cette affaire mais c’est sûr qu’il en a beaucoup souffert, sa famille aussi puisqu’il est derrière les barreaux à Ouaga depuis 5 ans. Sa santé également n’est plus au beau fixe à en juger par sa démarche : un problème au niveau de la colonne vertébrale. « J’implore votre pitié. Si vous me permettez de sortir d’ici, je ne vois pas ce qui pourrait me remettre dans cette affaire », supplie-t-il.
Pour le parquet général, les faits sont suffisamment établis. Tobi Kobi est de ceux qui jouent un rôle central, pour ne pas dire les chevilles ouvrières, dans la circulation des stupéfiants. Et s’en est suivi un « cours » sur les mules qu’il voit comme des « destructeurs du tissu social ». De plus, l’organisation que ce dernier se serait enrichi de manière illicite. Les 5 kg expédiés par Tobi selon ses calculs équivalent 151 millions de francs CFA. « Le Burkina n’est plus seulement un pays de transit de la drogue mais de consommation aussi. Et avec le contexte de terrorisme que nous connaissons, ce sont ces produits qui font que leurs consommateurs n’ont plus la notion du danger. Eux, ils tirent pour tirer et ne savent plus qu’ils peuvent en mourir aussi », argue celui qui défend les intérêts de la société avant de requérir 20 ans de prison ferme et 5 millions d’amende contre l’accusé.
L’avocate de l’accusé, elle, reconnait que le dossier est très sensible mais espère que la cour tiendra compte de la coopération de son client et de cette sorte de « naïveté » qui l’a toujours animé. Loin d’être un criminel, son client, qui vit dans la précarité, a dû sauter dans un créneau qu’il promet abandonner.
Après une heure de délibération, Tobi Kobi a été condamné à 7 ans de prison dont 4 ferme et 3 avec sursis. Et comme il a déjà passé 5 ans au cachot, il est libre de ses mouvements et va certainement aller retrouver son gosse qui n’avait que trois ans à son arrestation.
Aboubacar Dermé