Polémique sur les hélicoptères taiwanais : Alpha Barry répond à « ceux qui persistent dans l’erreur »
- Écrit par Webmaster Obs
- Imprimer
Dans quelques semaines le Burkina Faso et la République populaire de Chine célébreront le 5e anniversaire de la reprise de leurs relations diplomatiques. Cela dit certains continuent de désigner Taïwan comme un partenaire idéal dans ce contexte de lutte contre le terrorisme. Ils accusent même l’ancien chef de la diplomation Burkinabè, Alpha Barry, qui a conduit les négociations ayant abouti à rebâtir l’axe Ouaga-Pékin, d’avoir refusé des hélicoptères Taiwanais qui nous auraient pu être très utiles contre les terroristes. Passé l’orage de la polémique, l’ex-ministre des Affaires étrangères a, pendant le week-end pascal, répondu « ceux qui persistent dans l’erreur » en donnant certains détails sur deux hélicoptères donnés en son temps par Taipei.
« A propos des prétendus hélicoptères taïwanais arrivés au port de Lomé au moment de la rupture des relations diplomatiques avec Taïwan.
Je pense qu’il faut du sérieux de la part de ceux qui véhiculent ce genre d’intox. D’abord, ils feraient mieux de lire la Constitution de leur pays pour comprendre de qui relèvent les relations extérieures. Comment on peut avoir une vue simpliste du fonctionnement de l’Etat en pensant qu’un ministre des Affaires étrangères peut décider de lui-même et à lui tout seul pour se lever un beau matin, convoquer des journalistes et annoncer la fin des relations diplomatiques avec un autre Etat. Un Etat et un gouvernement ne fonctionnent pas comme cela.
Je ne peux avoir ce pouvoir
Il ne faut pas étaler votre méconnaissance des affaires de l’Etat de cette manière. Ça vous enlève tout le sérieux qu’on peut vous accorder. Mais comme vous persistez dans l’erreur et sur la personne, je me vois obligé de répondre. Sinon dans aucun pays au monde, un ministre des Affaires étrangères ne peut avoir ce pouvoir. Au contraire, dans tous les pays du monde, la diplomatie et la défense sont des domaines de souveraineté qui relèvent du chef de l’Etat. Bref !
Sur la question de fond elle-même, il est faux de dire qu’il y avait des hélicoptères de Taïwan au port de Lomé au moment de la rupture des relations diplomatiques avec ce pays, le 18 mai 2018.
En visite fin mars 2018 au Burkina, le vice-ministre taïwanais des Affaires étrangères annonçait à l’issue de son audience avec le président Roch Kaboré une récente décision de son pays de faire don de 3 hélicoptères au Burkina. Taïwan avait déjà octroyé en 2017 deux hélicoptères de type UH-1H réformés.
Et voici la phrase traduite du ministre taïwanais : notre présidente vient de valider un autre don de 3 hélicoptères de même type.
Je n’ai pas pour habitude de critiquer un don mais je suis obligé de faire ici quelques remarques.
Les hélicoptères de type UH-1H sont une vieille génération d’appareils américains. Et ceux que nous avons reçus n’étaient pas neufs. Ils étaient le fruit d’un assemblage de pièces et de composantes récupérées sur des appareils hors d’usage. En français facile, c’est ce qu’on appelle des appareils réformés ou retapés. C’est pourquoi, le coût estimé des deux appareils n’était que de 8 millions de dollars, c’est-à-dire 4 millions chacun.
Faites vous-même votre idée et vous comprendrez que ce n’est pas pour rien, qu’aucun de ces deux appareils n’a résisté longtemps. A moins de deux ans, aucun de ces hélicos n’était en capacité de voler. Renseignez-vous auprès de la base aérienne.
Comment vaincre avec des hélicos non armés ?
En plus, il s’agit d’hélicoptères non armés. Et le Burkina Faso n’avait pas non plus l’autorisation de les armer. Toutes nos démarches pour avoir cette autorisation de les armer ont été infructueuses.
Dans ce cas, je me demande comment on peut vaincre le terrorisme avec des hélicoptères non armés et qu’on ne peut pas armer.
Or, le ministre taïwanais précise bien qu’il s’agit d’hélicoptères de même type qu’ils allaient donner. Allez-y chercher les archives de ses déclarations à la RTB et vous aurez la preuve.
Donc si on s’en tient à ses déclarations, ce sont 3 hélicoptères réformés (retapés) non armés que nous allions recevoir. Dans ce cas, je ne vois pas comment ces 3 appareils UH-1H pouvaient fondamentalement changer la donne sécuritaire dans notre pays. Ils pouvaient être utiles dans des missions de reconnaissance mais pas dans le combat.
A l’issue de son audience, le vice-ministre chinois a parlé de concrétiser le don dans les plus brefs délais. Il faut savoir que l’opération des deux premiers hélicoptères avait pris deux ans, de 2015 à 2017. Même si les délais sont raccourcis, je ne vois pas comment pour une décision prise en mars (2018), les hélicoptères en question peuvent se retrouver déjà au port de Lomé en mai (2018) soit seulement deux mois plus tard. Alors qu’il faut prendre le temps d’assembler les pièces, de remonter en partie les appareils, de lancer un appel d’offres pour recruter une société de transport et de logistique, de faire les formalités et de les acheminer par bateau de Taipei à Lomé. En deux mois ? Ce n’est évidemment pas possible même avec une volonté d’accélérer le processus.
Donc, dire qu’il y avait des hélicoptères arrivés au port de Lomé à la date du 18 mai, est une pure et grotesque invention. Ce n’est donc pas vrai.
Maintenant quant à penser que la France (pays occidental) peut vous faire pression pour refuser un don de Taïwan et vous pousser dans les bras de la Chine Populaire (communiste) c’est ne rien comprendre du tout à la géopolitique mondiale.
Alpha Barry