Le président ghanéen à Ouaga : Au nom de la raison d’Etat
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Il est reparti comme il était venu, dans une discrétion qui frise la visite impromptue, le rendez-vous à la sauvette. Hélas, ainsi vont les visites officielles de chefs d’Etat depuis le coup d’Etat du 30 septembre 2022.
De celle du président Umaro Emballo Sissoco, président de la Guinée-Bissau et en exercice de la CEDEAO en janvier 2023 à celle d’hier, dernière en date, de Nana Akufo-Addo du Ghana, en passant par celle de Patrice Talon, en février 2023, la presse fait grise mine de n’être jamais prévenue, se contentant d’images et de communiqués peu diserts de la direction de la communication de la présidence du Faso, si elle s’efforce de faire écho de ces visites de personnalités encadrées par trop de silence.
A chaque président et son équipe leur style et leurs priorités de communication, mais à moins de penser que ces visites de personnalités de premier plan sont des non-évènements, sans intérêt pour les Burkinabè, on s’y prendrait mieux pour les en informer. Dans cette non-communication sur les visites présidentielles à Ouagadougou, celle de Patrice Talon restera tristement dans les annales, car sauf erreur ou omission, il n’y eût même pas l’habituel communiqué de presse des services présidentiels, pas même pour servir le refrain officiel convenu pour la circonstance.
Pour la visite du président Akufo-Addo, il y a au moins un communiqué officiel, aussi laconique soit-il, qui indique que « les deux chefs d’Etat ont évoqué des questions majeures de la sous-région, confrontée au défi sécuritaire… échangé sur des sujets d’intérêt commun aux deux peuples, liés par l’histoire et la géographie ».
De fait, l’histoire et la géographie du Burkina et du Ghana sont si chargées qu’il faut plus qu’une langue fourchue présidentielle et des sautes d’humeurs peu diplomatiques pour faire oublier la raison d’Etat. La langue fourchue présidentielle, c’est celle du président Akufo-Addo, qui lors de la dernière session de l’Assemblée générale de l’ONU avait déclaré que les mercenaires du groupe russe Wagner étaient présents au Burkina en échange d’une mine d’or dans le sud du pays. Les sautes d’humeurs sont celles des autorités burkinabè et de leurs relais sur les réseaux sociaux qui étaient montés tout de suite au créneau avec des déclarations à l’emporte-pièce à la sauce d’un souverainisme gauchiste, demandant au président Akufo-Addo de ne mentir que sur ce qui le regarde.
L’ambassadeur du Ghana au Burkina fut convoqué en bonne et due forme pour s’expliquer sur les largesses langagières de son président et Accra dut mandater dare-dare des missi dominici à Ouagadougou pour calmer le jeu.
La visite du président ghanéen à son homologue burkinabè est sans doute en rapport avec cette tempête diplomatique dans un verre d’eau qui n’avait pas besoin d’être. Les défis sont si nombreux dans cette situation de crise sécuritaire persistante dans la sous-région qu’il faut une bonne dose de sérénité dans la coopération bilatérale et régionale pour maximiser les efforts de résilience et les chances de succès.
C’est là une bonne raison d’Etat qui vaut aux autorités ghanéennes, après la langue fourchue du président Akufo-Addo, la sagesse d’une pondération dans une attitude du diplomatiquement correct. Une attitude qui devrait inspirer plus d’un à Ouagadougou. Qui a dit qu’« on ne gagne pas une guerre en s’isolant », ajoutons surtout de ses voisins ? On n’est pas si loin de l’époque où Thomas Sankara et Jerry John Rawlings disaient : « Burkina /Ghana, same determination, same fight ».
Pourvu que cette brève visite de Nana Akufo-Addo à Ibrahim Traoré remette au goût du jour cette détermination commune de tous les pays de la sous-région, et le Burkina en premier, à entretenir une coopération bilatérale apaisée au nom de la raison d’Etat, de l’histoire et de la géographie.
Zéphirin Kpoda
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