Promotion Faso Dan Fani et maroquinerie : « Le rôle des chefferies traditionnelles mérite une reconnaissance officielle »
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Les chefferies traditionnelles et coutumières sont les principales parties prenantes à la création du Faso Dan Fani et de la promotion de celui-ci. C’est l’avis de l’auteur de l’écrit ci-après, Issaka Sourwena, qui regrette que cette contribution ne soit pas officiellement reconnue par l’Etat.
Depuis que les êtres humains sont passés de l’état de nature à l’état de culture, se vêtir, se chausser et se coiffer sont devenus des besoins biologiques primaires de même que se nourrir, se désaltérer et se loger. C’est ainsi que les vêtements, les chaussures et les couvre-chefs réunis sous l’appellation générique d’articles vestimentaires, font partie, dès cette période, des signes distinctifs entre les humains, entre les groupes socio-ethniques, entre les membres d’un même groupe social ; plus spécifiquement entre les hommes et les femmes, entre les aînés et les cadets, entre les gouvernants et les gouvernés, etc. Ils servent également d’éléments de différenciation entre les types de société au plan diachronique : l’Egypte et la Grèce antiques, la Grèce antique et Rome, Rome et le Moyen-Age, le Moyen-Age et la Renaissance, la Renaissance et la période moderne, la période moderne et l’époque contemporaine. Plus près de nous, les sociétés traditionnelles africaines et la société occidentale contemporaine, en dépit des interactions entre elles, sont deux types bien différents d’expression vestimentaire tant du point des matières premières que de celui des aspects stylistiques. En effet, alors qu’en Afrique et notamment au Burkina Faso traditionnel, ce sont le coton et le cuir qui constituent les éléments de base de l’habillement, en Occident il faut y ajouter la soie, le lin, le nylon, la popeline, le tergal, le polyester, le polyamide…
Le faso danfani, un patrimoine dont tous les Burkinabè sont fiers
Quelles que soient les appartenances politiques, idéologiques et doctrinales des Burkinabè au sujet de l’avènement du Conseil national de la révolution (CNR) au pouvoir par le biais du coup d’Etat du 4 août 1983 sous le leadership du capitaine Thomas Sankara, ils sont tous unanimes sur le fait que les quatre ans de révolution ont marqué de façon indélébile l’histoire politique, sociale et économique de leur pays. Ainsi, la revalorisation de nos produits locaux fait partie des actes forts de la Révolution démocratique et populaire (RDP) parmi lesquels la promotion du Faso danfani (FDF) et de la maroquinerie ont occupé une bonne place. Au début, réticents du fait à cause de la cherté des pagnes et du caractère contraignant du port d’habits confectionnés avec ce matériau bien de chez nous, beaucoup de Burkinabè l’ont, au fil des années, intégré dans leur goût vestimentaire de premier plan. Ce changement de comportement relativement rapide à l’échelle d’un pays de la taille du Burkina Faso a été, entre autres, l’aboutissement des orientations de l’organe dirigeant, le CNR, des actions de sensibilisation des militants des Comités de défense de la révolution (CDR) et de la prise de conscience de citoyens qui n’étaient pas forcément connus pour avoir de la sympathie à l’endroit du mouvement révolutionnaire. Cet intérêt pour le FDF s’est manifesté, au-delà du tissu générique lui-même, à travers une diversité de types de fils, de coupes et de couleurs. Avec l’accession au pouvoir du Front populaire du capitaine Blaise Compaoré issu du coup d’Etat sanglant du 15 octobre 1987 jusqu’à la tenue du référendum constitutionnel du 2 juin 1991 et la promulgation de la Constitution de la IVe République le 11 juin 1991, ce fut, pour le FDF, l’ère de nouvelles coupes et de l’introduction de la broderie mises en valeur sur les photos officielles du chef de l’Etat de l’époque Blaise Compaoré.
Une mise entre parenthèses à partir des années 1990 suivie d’un regain d’intérêt depuis l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014
Malheureusement, à partir de 1991, année de retour du pays à un nouvel ordre constitutionnel démocratique, il s’est ensuivi un désintérêt lent et tendanciel vis-à-vis du FDF. Il a fallu attendre la survenue de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 pour que la Transition conduite par Michel Kafando lui redonnât, à l’image du Premier Yacouba Zida dont la garde-robe regorgeait d’ensembles FDF, son prestige des années révolutionnaires. Cela dit, c’est le président Roch Marc Christian Kaboré qui, tout au long de sa présidence, a « resystematisé » le port du FDF et en a fait le matériau de prédilection de son habillement sans oublier les styles, les coupes et les couleurs qui vont avec. Beaucoup de ses compatriotes, sans contrainte aucune de sa part, lui ont emboîté le pas ; comme quoi lorsque les dirigeants font preuve d’exemplarité, les citoyens sont disposés à les suivre et à les imiter. La réciproque est tout aussi vraie. A l’instar de l’enfant dont les psychologues disent qu’il apprend par imitation et que son moi est un généreux cadeau des aînés, les gouvernés, en termes de comportement vis-à-vis des valeurs et des lois qui régissent le fonctionnement des collectivités politiques, sont prédisposés à s’inscrire dans la même dynamique en fonction de leurs conditions sociales d’existence.
Les différents responsables étatiques de premier plan qui ont peu ou prou contribué à nous donner cette identité que toute l’Afrique (et même le monde) nous reconnaît aujourd’hui méritent la reconnaissance et la gratitude de leurs concitoyens. A leur tour, ces derniers devront apporter davantage leur part contributive pour d’autres sources de fierté car comme l’enseignaient les Grecs de l’Antiquité « Quiconque se contente d'un simple succès, sans vouloir faire d'effort ultérieur pour obtenir d'autres succès, se repose ainsi sur sa victoire et ses lauriers » et court ainsi à sa perte. C’est pour cela qu’il est de bon aloi de soutenir fermement nos forces combattantes contre l’hydre terroriste.
Les chefs traditionnels et coutumiers, des légitimités au cœur de l’âme du FDF
Avant d’en venir au fait, il n’est pas inapproprié de revenir aux sources anthropologiques du vêtement. Si les articles vestimentaires, du fait du fond culturel qu’ils véhiculent, font partie de ce qui nous distingue de l’animal, il s’ensuit également que nous nous exprimons par ce que nous portons. A travers les matériaux qui en sont à la base, ses coupes, ses couleurs et ses mensurations, le vêtement, en plus de la valeur qu’il confère à celui qui le porte, révèle le sexe, l’origine sociale, la catégorie socioprofessionnelle, l’appartenance régionale de l’individu pour ne citer que ces aspects. C’est dire s’il est le reflet des rapports de classes et participe ainsi à déterminer la place de chacun dans l’arène sociale. Or, à des degrés divers dans les sociétés traditionnelles ou considérées comme telles, les chefs traditionnels et coutumiers sont, du fait de leur pouvoir, de leur position et de leur statut, les principales parties prenantes de la création du FDF et de la promotion de celui-ci. En effet, les champs de coton de ceux-ci étaient, au moins, parmi les plus étendus. De plus, les créateurs et ceux à qui les créations sont destinées devaient, dans certaines sociétés, avoir l’accord du chef traditionnel avant de les porter. Par ailleurs, les garde-robes des chefs traditionnels et coutumiers sont, en principe et depuis toujours, constituées de vêtements à base de FDF. En outre, ils sont des maîtres d’ouvrage des objets d’art et d’artisanat dont le Salon international de l’artisanat (SIAO) tire son objet.
Le rôle des chefs traditionnels et coutumiers dans l’audience du FDF renié par la RDP et négligé par les régimes de la IVe République
Mais hélas, la Révolution démocratique et populaire, après avoir reconnu, célébré et promu le FDF a, sur des bases politiques et idéologiques, a refusé catégoriquement de reconnaître la contribution de la chefferie traditionnelle et coutumière dans la naissance, la pérennisation et l’amélioration qualitative de ce produit de notre artisanat. Du reste, il n’y avait rien d’étonnant à cela puisque les garants de nos traditions et de nos coutumes étaient considérés comme des ennemis de classe de la RDP. N’ont-ils pas été qualifiés par le discours d’orientation du 2 octobre 1983 de « forces rétrogrades qui tirent leur puissance des structures traditionnelles de type féodal de notre société. »?. Ainsi, contrairement à la chèvre du village, la RDP s’est délectée du karité mûr mais sans avoir quelque égard pour le vent grâce auquel les fruits sont tombés.
Le Front populaire et les différents régimes de la IVe République n’ont pas fait mieux en termes de gratitude vis-à-vis de la chefferie traditionnelle et coutumière sur le dossier du FDF même s’ils ont été bienveillants (pour des raisons essentiellement politiques) à l’endroit des légitimités qui la composent à travers les différentes marques de considération et (bientôt) la loi portant statut de la chefferie coutumière et traditionnelle qui sera une réalité. Dans la même optique, il est pertinent que la non-évocation de cette institution dans la naissance et dans la promotion du FDF soit corrigée officiellement non seulement pour rester fidèle à l’histoire mais aussi pour témoigner la reconnaissance par l’Etat de la contribution constante des chefs traditionnels et coutumiers dans la construction d’un Burkina Faso cohésif et fort.
Issaka Sourwema
Dawelg Naaba Boalga