Prolongation de la Transition : 5 ans ferme pour le capitaine Traoré
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Puisque la présidence est une sorte de prison où le locataire des lieux ne s’appartient plus vraiment, ça sera donc 5 ans ferme pour le capitaine Ibrahim Traoré. Tirant notamment argument de ce que la situation sécuritaire et humanitaire s’est considérablement améliorée et qu’il faut, de ce fait, consolider la dynamique pour sortir définitivement notre pays de l’ ornière, ainsi en ont décidé les forces vives du Burkina réunies les samedi 25 et dimanche 26 mai 2024 pour des Assisses nationales sur la suite de la Transition.
Mais comme il y a déjà 18 mois, l’affaire ayant été mâchée en amont, elle a été pliée en une journée, en à peine 4-5 heures chrono et sous les hurlements des partisans du régime qui manifestaient dehors. De toutes les façons, à supposer même qu’il y en eut qui n’étaient pas convaincus du bien-fondé du projet, qui était assez fou pour ramer à contre-courant des désidératas du « grand manitou » ? Pour mémoire, rappelons que le 14 octobre 2022, après le coup d’Etat qui l’a emmené au pouvoir le 22 septembre, les mêmes composantes s’étaient retrouvées pour adopter une Charte et le désigner président de cette nouvelle Transition qui se termine le 1er juillet prochain. D’où ces retrouvailles du week-end.
C’est la fin d’un faux suspense dans la mesure où il n’ y avait pas le moindre doute que le bail de IB serait renouvelé. Juste se posait la question de la durée puisque les Wayiyans depuis de longs mois battaient campagne sur les réseaux sociaux pour un « mandat » de cinq, dix, vingt ans, voire jusqu’à ce que mort s’ensuive pour les plus enflammés d’entre eux qui voulaient ni plus ni moins qu’une présidence à vie. Du coup, celui que Dieu dans sa grande bonté a envoyé pour sauver la patrie des hommes intègres avait-il d’autre choix que de suivre la direction indiquée par ceux que lui-même appelle sa « boussole » en espérant qu’elle ne soit pas détraquée?
Il faut même reconnaître que les représentants des différentes couches socioprofessionnelles ont été pour le moins raisonnables, eux qui ne lui ont accordé que seulement 60 mois, même si la mouture initiale en proposait 42 . Un quinquennat donc, en attendant les élections puisque la Charte modifiée autorise celui qui est désormais président du Faso tout court (et non plus de la Transition) à se présenter aux élections municipales, législatives et présidentielle quand aura sonné l’heure du retour à une vie constitutionnelle normale. Mais pour faire bonne mesure et ne pas donner le sentiment que le costume a été taillé juste à sa mesure, on a inclu à cette short list, le Premier ministre et le président de l’Assemblée législative de transition.
Pour autant on ne saurait oublier qu’IB , dans l’euphorie de son putsch , avait donné sa parole d’officier qu’il n’était pas là pour le pouvoir et qu’il était même pressé de retourner au front d’où il était revenu pour chasser le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. On l’entend encore rassurer les Burkinabè dans ses premières interviews qu’il lui fallait juste quelques mois pour ramener la sécurité car l’enlisement était dû, de son avis d’expert, « à de petits détails, des problèmes logistiques mineurs », si fait que le délai de 18 mois imposé par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest était, au demeurant, trop large. Pour quelqu’un qui jurait, la main sur le cœur, qu’il n’était pas intéressé par la pouvoir, que ça l’empêchait du reste de dormir, se taper cinq années supplémentaires à la tête du pays en attendant de légitimer par les urnes ce qu’il a arraché par les armes a de quoi laisser pantois ? Que s’est-il passé entre temps ? Seulement l’ardent désir de sauver notre chère patrie en perdition ou bien, comme nul n’en échappe, même pas les plus désintéressés, il a pris goût à la chose ? En tout cas le médecin qui s’est imposé au chevet du grand malade semble avoir fait un mauvais diagnostic dès le départ pour se rendre compte, après coup (de feu) et à l’exercice de la réalité du pouvoir de la complexité de l’état clinique du patient burkinabè.
Car les miracles de rémission attendus du messie IB ainsi que le présentent ses partisans ne se sont pas réalisés et 18 mois après, nonobstant les acquisitions colossales de matériel (fusils d’assaut, blindés, vecteurs aériens, etc.), les recrutements massifs de militaires, de paramilitaires et de volontaires pour la défense de la patrie, malgré la reconfiguration du maillage sécuritaire du territoire et l’extraordinaire engagement de nos Forces de défense et de sécurité sur le terrain, malgré les énormes sacrifices consentis par les Burkinabè pour l’effort de guerre, force est de reconnaître que la reconquête du territoire et la réinstallation des personnes déplacées internes ne se font pas à grandes enjambées. Pour quelqu’un qui était arrivé avec une potion magique pour régler les quelques « problèmes logistiques» qui grippaient la machine sécuritaire, il faut avouer que les résultats sont plus que mitigés dans ce Burkina où ceux qui sont réinstallés croisent ceux qui fuient. Et ce n’est pas l’omerta de la communication officielle sur nos pertes militaires et civiles qui y changera grand-chose. Et pour ne rien arranger, ceux qui critiquaient jadis les hauts gradés qui sont devenus des bourgeois pendant que les soldats tombent et bouffent la vache enragée au front semblent à leur tour s’être embourgeoisés et roulent carrosse à Ouaga. Pendant que les éléments continuent de tomber comme des mouches. On vous l’avait bien dit, aucune révolution n’a jamais aboli les privilèges, elle change juste de privilégiés.
Ajoutez à cela la chape de plomb qui s’est abattue sur le pays et que les raisons sécuritaires à elles seules n’expliquent pas à plus forte raison n’excusent pas, la situation économique et financière plus que préoccupante malgré les initiatives volontaristes et on a un aperçu peu reluisant du contexte dans lequel se tenaient les Assises. Bien sûr, on pourra toujours se défausser sur l’impérialisme et ses valets locaux, responsables de nos contreperformances sécuritaires et de nos difficultés sociales et économiques puisque nous ne sommes jamais responsables de rien.
Maintenant donc qu’IB le Terrible a son lenga, un bonus même plus consistant que le principal, on attend de voir ce qu’il va faire de son nouveau «mandat». On peut s’attendre à un changement de Premier ministre et à ce qu’il y ait une petite ouverture politique en direction des partis convives qui ont accepté de prendre part au jamboree de Ouaga 2000 mais cela s’accompagnera-t-il d’un réel apaisement sociopolitique dans ce Burkina où depuis un an et demi, toute critique de l’homme fort du moment vaut crime de lèse-majesté, où les voix discordantes sont menacées, parfois de mort, ou enrôlées de force pour le front, où les décisions de justice sont royalement ignorées par …le premier magistrat du pays qui s’est fait pourtant investir par les « Grands juges » en promettant de respecter la Constitution ?
On peut raisonnablement en douter tant les nouveaux maîtres du pays, sûrs de leur fait et de leur force, n’ont que faire des jérémiades de ceux qui leur conjurent de savoir raison garder. Pour leur propre bien et celui du pays. Car les vertiges du trône sont si vite arrivés or il n’ y a pas loin du Capitole à la Roche Tarpéienne. Et tous les dirigeants, pour peu qu’ils soient lucides, sont censés le savoir. Mais bon, pourvu seulement qu’ Ibrahim Traoré II réalise ce qui avait justifié son entrée fracassante sur la scène politique et qu’il avait promis nous ramener en un tour de main : la paix, la sécurité et la cohésion perdues derrière lesquelles nous courons désespérément .
La rédaction
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