Le Goncourt 2024 : Un prix politique ?
- Écrit par Webmaster Obs
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Sur les quatre finalistes, on savait que le prix se jouait entre Houris de Kamel Daoud et Jaracanda de Gaël Faye, deux auteurs très connus du public et dont les romans sont déjà des succès de librairie, Jaracanda arrivant en tête des ventes, selon Livres Hebdo.
Le jury du Goncourt a préféré Houris, un roman sur la décennie noire en Algérie, la guerre civile des années 1990 ayant opposé l'armée régulière aux islamistes qui ont pris les armes après qu’on leur a ravi leur victoire aux élections. Celle-ci a fait des milliers de morts. Toutefois, un armistice intervenu entre les belligérants a amnistié tous les crimes de cette période et une loi a interdit que l'on évoque cette période sanglante. Donc Houris tombe sous les coups de cette loi en Algérie où il a d’ailleurs été interdit dès sa sortie. Gallimard, l’éditeur du roman, en a fait les frais puisqu'il n'a pas été invité au Salon du livre d'Alger de cette année.
Kamel Daoud est un journaliste et écrivain dont le premier roman, Meursault contre-enquête, un roman qui donne un nom et une vie à l’Arabe tué par Meursault dans l’Etranger de Camus, a décroché le prix Goncourt 2009 du premier roman. L’homme est une belle plume et un polémiste dont les éditos dans Le Point en ont fait une personnalité publique très clivante, à qui beaucoup reprochent d’avoir une position proche de l’Extrême droite française sur les questions de racisme, d’immigration et sur l’islam ou sur la dette coloniale.
Houris mérite sans doute son sacre pour sa qualité littéraire, mais les premières sorties du président du jury Goncourt et du lauréat dans la pesse, ils sont malheureusement focalisés sur l’aspect politique du roman, ce qui ne va pas arranger la réception de l’ouvrage en Algérie et dans sa diaspora en France. En effet, l’auteur a rendu hommage à la France comme pays de la liberté d’expression, « je sais qu’on aime le French Bashing mais pour moi, ce pays-là, c’est un pays d’accueil pour les écrivains », offrant pain bénit à ces contempteurs qui trouvent qu’il est un intellectuel de service, un Arabe alibi, un Harki qui sert le maître sans l’incommoder en crachant sur sa culture, sur le monde arabe tout en refusant de critiquer la politique française dans le monde, Israël dans la guerre à Gaza et au-delà, une géopolitique belliqueuse qui est responsable des tragédies dans le monde arabe.
La bonne nouvelle dans les grands prix littéraires de cette année est que le Goncourt a récompensé un écrivain franco-algérien et que le Renaudot est revenu à Jaracanda, roman d’un auteur franco-rwandais. Ce qui veut dire qu’il y a en œuvre un processus de décentrement de la littérature française de l’Hexagone vers les territoires francophones d’Afrique. Le butin de guerre de Kateb Yacine, la langue française, retrouve ainsi de la vigueur sur ces terres et s’impose de plus en plus dans la littérature française hexagonale. Belle revanche !