Menu

Fondation Bill & Melinda Gates : «Nous allons faire en sorte que les femmes acquièrent plus de pouvoir»(Melinda Gates)

Après une visite de 72 heures au Pays des hommes intègres qui a pris fin le mercredi 24 janvier 2018, la cofondatrice de la Fondation Bill & Melinda Gates poursuit son périple africain au Kenya. Au Burkina, l’hôte de marque a mis à profit son séjour pour s’entretenir avec « d’éminents membres du gouvernement afin de mieux comprendre les priorités en matière de développement et de trouver des mécanismes pour accélérer les progrès dans les domaines de la nutrition et de la planification familiale ». Ainsi, au nom de sa fondation, Melinda Gates a consenti à augmenter son soutien et de le porter à 23,5 milliards FCFA et ce, sur 3 ans, pour le financement des programmes en santé et en nutrition au Burkina.

Mais avant son arrivée, Melinda Gates, alors qu’elle était aux Etats-Unis, a accordé par téléphone une interview « exclusive » le jeudi 18 janvier 2018 au journal L’Observateur Paalga, dans laquelle elle a livré des messages tout aussi importants. Lisez!

 

 

Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur votre rôle au sein de la Fondation ? Qu’est-ce qui vous a poussée à vous lancer dans cette œuvre philanthropique ?

Bien entendu ! Je suis coprésidente de la Fondation avec mon mari, Bill. Il nous a semblé à tous les deux que les revenus de Microsoft devaient être redistribués à la société et que, pour ce faire, le meilleur moyen était d’agir selon nos convictions profondes. Et ce que nous croyons vraiment, c’est que toutes les vies ont la même valeur, partout dans le monde. D’où notre volonté de mettre notre capital philanthropique au service de cette mission, qui consiste à donner aux gens les moyens d’améliorer leurs conditions de vie. Nous investissons notamment en Afrique, dans le domaine de la santé, parce que les personnes qui débutent leur vie en bonne santé ont plus de perspectives. Si notre action cible en premier lieu la santé, elle concerne également, dans un second temps, les conditions de vie et les moyens de subsistance. L’objectif est d’aider les gens à sortir de la pauvreté en leur donnant accès aux outils dont ils ont besoin, que ce soit dans le secteur de l’agriculture ou celui des services financiers.

Quel est l’objectif de votre visite au Burkina Faso, et qu’en attendez-vous ?

Pour moi, il s’agit vraiment d’un voyage d’apprentissage. Je me rends dans les pays africains pour écouter et savoir ce qu’il est possible d’entreprendre. Ainsi, en Afrique de l’Ouest je suis allée dans des pays comme le Sénégal, le Niger, le Mali et le Nigeria. Mon objectif principal est d’en apprendre plus sur le formidable travail qui a été réalisé dans le domaine de la planification familiale grâce au partenariat de Ouagadougou, créé en 2011. Je veux savoir comment des progrès aussi considérables en matière de planification familiale ont été possibles dans ce pays et en apprendre plus aussi sur la nutrition et l’agriculture.

Pourquoi votre choix s’est-il porté sur la planification familiale ? Et dans quelle mesure s’agit-il d’un investissement clé au Burkina Faso et plus généralement en Afrique de l’Ouest ?

À travers le monde, on observe que lorsqu’un enfant ou un adulte commence sa vie en bonne santé, il a plus de chances de suivre des études, de s’épanouir et de réaliser tout son potentiel, quelle que soit la voie qu’il a choisie.

Pour les enfants, la vaccination joue à ce titre un rôle primordial, en augmentant leurs chances de survie au-delà de cinq ans. Pour les femmes, cette bonne santé passe par des services de planification familiale. Lorsque les femmes peuvent espacer les naissances de leurs enfants d’au moins trois ans, ceux-ci ont plus de chances de survivre au-delà de leur cinquième anniversaire. Et quand ses enfants ne sont pas malades et qu’elle n’est pas sans cesse confrontée à des maladies dans sa famille, la femme économise des ressources et du temps, ce qui lui permet de mener des activités productives avec ses enfants, de cultiver son champ et de gagner de l’argent pour envoyer sa progéniture à l’école.

Tout commence donc par la santé, et la planification familiale constitue vraiment l’un des piliers de la santé pour toute la famille.

Quels sont les moyens les plus efficaces de lutte contre le taux élevé de malnutrition au Burkina Faso ?

Je pense que les efforts doivent cibler les établissements de soins de santé primaires, car il s’agit du premier endroit où les femmes se rendent pour bénéficier de services de santé. Il faut aussi former les agents de santé communautaires, qui sont généralement ceux qui peuvent entrer en contact avec les femmes à l’échelle locale.

Il est essentiel de former les agents de santé pour qu’ils puissent sensibiliser, à leur tour, les femmes à la nutrition, notamment en ce qui concerne les jeunes enfants et sur l’allaitement maternel exclusif dès les premières heures de la vie ainsi que l’alimentation complémentaire après les six premiers mois.

Il faut former les agents de santé communautaire ainsi que les établissements de soins de santé primaires pour qu’ils fassent passer les bons messages, aussi bien dans les villages qu’au niveau des centres de santé où les femmes se rendent pour accoucher.

Selon vous, de quels atouts dispose le gouvernement burkinabè pour améliorer la planification familiale et la nutrition au niveau national ?

Eh bien, si je suis ici, c’est justement pour en apprendre plus à ce sujet. J’ai pu consulter des statistiques très positives, notamment en ce qui concerne la planification familiale, avec une forte hausse de la prévalence de la contraception, ce qui est extrêmement encourageant. Le taux de retard de croissance est également en recul depuis de nombreuses années.

Je suis venue m’informer sur les efforts qui ont abouti à ces avancées, afin d’en faire profiter à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Je m’interroge également sur les prochaines étapes. De quels investissements les autorités ont-elles besoin pour faire en sorte que le taux de prévalence contraceptive continue de progresser et que le taux de retard de croissance, lui, continue de diminuer ? Je suis donc ici pour écouter et en apprendre plus sur les actions envisageables à l’avenir.

Pensez-vous que le gouvernement en a fait assez, notamment pour les femmes marginalisées ?

Je pense qu’il est toujours possible d’en faire plus. Quand je lis que l’allaitement maternel immédiat et exclusif ne concerne que 42 % des nouveau-nés, je me dis qu’il faut renforcer les efforts de communication pour que les femmes adoptent ces pratiques qui peuvent sauver des vies. C’est donc l’un des sujets que je souhaite aborder avec le gouvernement. Est-ce que ce type de messages n’atteint encore que les femmes qui vivent en milieu urbain ou est-ce que les autorités s’efforcent également d’informer les femmes des régions rurales les plus éloignées ? Vous savez, quand on considère les progrès remarquables accomplis par le gouvernement en matière du taux de retard de croissance, qui est passé de 43 % en 2006 à 27 % en 2017, la question qui se pose ensuite est celle des mesures à mettre en œuvre pour le ramener en dessous de 10 %. Que faut-il faire d’autre et dans quelle mesure tous ces efforts couvrent-ils toutes les femmes sur l’ensemble du territoire ? C’est aussi ce que j’aimerais savoir.

L’un des plus grands défis auxquels les journalistes au Burkina Faso sont confrontés en particulier est le manque de données fiables en matière de santé. Comment pouvons-nous faire face à cette difficulté, notamment en qui concerne les pays de l’Afrique de l’Ouest ?

Je pense en effet que les données sur la santé sont d’une importance vitale, car pour savoir où investir, où augmenter les effectifs et où étendre les efforts de communication, il faut des données fiables.

À l’heure où l’utilisation des téléphones mobiles se répand dans de nombreux pays, y compris dans de nombreux pays d’Afrique de l’Ouest, il est impératif que les pouvoirs publics investissent dans des infrastructures technologiques de qualité pour que les agents de santé communautaires puissent se déplacer et recueillir des données avec leur téléphone. Ils pourront ainsi poser aux femmes des questions pertinentes sur la planification familiale, la nutrition, l’allaitement maternel, les contraceptifs et les vaccins et expédier, grâce à leur téléphone, toutes ces informations à un serveur central, de sorte que les autorités aient accès à des statistiques village par village et puissent agir en conséquence.

Je pense donc vraiment que les investissements dans ce type d’infrastructures joueront un rôle important dans un pays comme le Burkina Faso et dans de nombreux autres pays d’Afrique de l’Ouest.

Vous êtes beaucoup admirée pour vos prises de position en faveur des droits des femmes. Que fait votre Fondation pour promouvoir l’égalité des femmes, particulièrement au Burkina Faso ?

Laissez-moi d’abord vous remercier d’avoir abordé ce sujet. Je crois qu’il faut renforcer l’autonomie de chaque femme partout dans le monde au sein de sa famille et de son foyer, qu’importe l’endroit où elle vit, et que ce soit dans un village éloigné ou une grande ville, et quelles que soient ses activités à l’extérieur. En tant que Fondation, nous passons vraiment au crible tous les domaines dans lesquels nous intervenons, qu’il s’agisse de la santé, de l’agriculture ou des services financiers, afin de déterminer si les programmes que nous élaborons avec nos partenaires bénéficient spécifiquement aux femmes. Supposons que vous vouliez diffuser des semences plus résistantes à la sécheresse dans le cadre d’un programme agricole pour augmenter les rendements, même en cas de faibles précipitations, dans un pays comme le Burkina Faso, le Sénégal ou l’Éthiopie. Vous partirez la plupart du temps du principe que la diffusion desdites semences s’effectuera de manière homogène et profitera autant aux agriculteurs qu’aux agricultrices, ce qui est faux, car on sait qu’en réalité, les services de vulgarisation traditionnels atteignent moins les femmes que les hommes.

Il faut donc savoir où se rendent les femmes, comment elles obtiennent des informations et comment les atteindre avec ces nouveaux « outils », qu’il s’agisse d’une graine ou d’un outil de santé.

Toutes nos stratégies et toutes nos actions dans le cadre de la Fondation doivent donc prendre en compte les femmes. Nous voulons vraiment faire en sorte qu’elles acquièrent plus de pouvoir pour faire entendre leur voix ou peser dans les prises de décisions. C’est une problématique dont nous tenons compte dans nos programmes, qui sont de plus en plus nombreux à travers le monde.

Quels sont les projets de votre Fondation pour les prochaines années dans le domaine de la santé au Burkina Faso ?

Si le Burkina Faso poursuit ses investissements essentiels en faveur de la santé et du bien-être des femmes et des enfants, notamment dans les domaines de la planification familiale et de la nutrition, les perspectives d’avenir s’amélioreront considérablement pour la prochaine génération. Notre Fondationœuvrera aux côtés de ses partenaires dans le pays pour que ce scénario se concrétise.

 

 

Alima Séogo Koanda

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut