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Intelligence africaine de la foi : Un carême «Ubuntu» : c’est-à-dire ?

Je vous propose de vivre le Carême sous le signe d’« Ubuntu ». De quoi s’agit-il ? Pour rendre compte de la signification de cette notion et de l’esprit de ce que je propose, commençons par relater l’évènement suivant : le 10 décembre 2013, au stade de Soweto, à Johannesburg, devant plus de quarante mille personnes, Barack Obama rend hommage au père de la nation Arc-en-ciel décédé cinq jours plus tôt.

 

 

Il salue en Mandela l’homme de l’Ubuntu, « un mot, déclare-t-il, qui incarne le plus grand don de Mandela, celui d’avoir reconnu que nous sommes tous unis par des liens invisibles, que l’humanité repose sur un même fondement, et que nous nous réalisons en donnant de nous-mêmes aux autres et en veillant à leurs besoins ».

En réfléchissant, je me suis dit que ce mot « Ubuntu » pouvait être un mot-guide pour vivre le Carême en contexte africain. Je voudrais le prendre comme un point d’appui pour valoriser les notions de « don de soi », de « solidarité » et de « partage» …, toutes choses que le chrétien est appelé à vivre intensément pendant le Carême. Il s’agira de faire valoir la nécessité du « faire ensemble », du « vivre ensemble» pour que notre vie, celle des autres et celle du monde avancent dans le bon sens.

Mais avant tout, d’où vient le mot « Ubuntu » et que peut-on dire de plus sur son sens ? Les historiens considèrent que cette notion, si proche des concepts d’humanité et de fraternité, a été l’un des socles spirituels de la longue lutte de Nelson Mandela et de ses compagnons contre la ségrégation raciale mais également de sa politique de réconciliation nationale une fois l’apartheid vaincu.

Mais la racine du mot est présente dans la plupart des langues bantoues (du lingala au kikongo, du kiswahili au kinyarwanda et kirundi, du xhosa au zoulou). Son origine remonte donc à l’aube des temps. Mais il indique le même horizon, et comporte la même exigence éthique. « Je suis un être humain par et pour les autres » : voilà, en peu de mots, ce que signifie le mot « Ubuntu ».

Le concept d’Ubuntu appréhende l’individu dans sa relation aux autres. Il s’oppose à l’idée selon laquelle « nous sommes parce que je suis ».  Là où le cogito cartésien fait dire « je pense, donc je suis », le cogito africain dira « je suis, parce que nous sommes ».  Ce cogito africain est un cogito social qui invite en toutes circonstances à privilégier l’intérêt commun sur celui de sa seule individualité, mais aussi à chercher toujours à s’identifier aux autres, y compris à leurs sentiments hostiles, pour régler sa propre vie.

Le « Je suis parce que nous sommes » transcende, dépasse, surmonte les a priori, les préjugés, les critiques, les jalousies, les commérages pour donner la possibilité à chaque individu de se construire, de se penser en tant qu’être humain libre et responsable au sein de la famille, de la société. La notion d’Ubuntu nous dit que seuls, nous ne sommes rien.

Que nous devrions pouvoir respecter chaque être humain tel qu’il est (ses limites, ses faiblesses, ses forces). L’Ubuntu implique le respect de l’humanité d’autrui. Elle repose sur la valeur irréductible de la vie humaine. Cela induit une éthique qui repose sur la prééminence de la compréhension sur le conflit, de la solidarité sur la division, du don de soi sur le repli et l’égocentrisme. Tout cela demande à être approfondi, mais ce sera pour la prochaine fois. A suivre donc…

 

 

 

Père Jean-Paul Sagadou

Assomptionniste

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