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8-Mars : Les femmes ont pris le pouvoir à L’Obs.

 

Alors que ce jeudi 8 mars 2018 certaines femmes des villes et campagnes ont pris d’assaut les lieux de réjouissances pour célébrer la journée du 8-Mars, celles de L’Observateur Paalga ont décidé d’investir la rédaction, dont elles ont pris les commandes. Une manière pour nos amazones de la plume de traduire en actes le thème de cette année : « La participation de la femme à la gouvernance : état des lieux, défis et perspectives. » Cette édition du jour, intégralement conçue par « l’autre moitié du… journal », est donc le plus beau cadeau qu’elle a tenu à offrir aux lecteurs de L’Obs.

 

 

Tout est parti d’une banale plaisanterie. A l’occasion de la traditionnelle réunion des journalistes, le directeur des rédactions, Ousseni Ilboudo, jamais à une saillie près, s’est mis à taquiner les femmes lorsque le sujet du 8-Mars a été évoqué. Le chef suggère qu’elles gèrent l’édition le jour j. Lancée comme un défi, l’idée suscite aussitôt moult commentaires, les uns et les autres s’en amusent et imaginent ce à quoi pourrait ressembler une journée de travail avec aux commandes des femmes. En définitive, ce qui semblait être une blague de rédaction, est adopté à l’unanimité des hommes et des femmes. Et on commence par changer les principaux postes de responsabilité. « Le vieil Edouard Ouédraogo » est ainsi éjecté, doucement, de son fauteuil : la nouvelle directrice de publication s’appelle : Hermione Marie Ouédraogo, la plus ancienne. La direction des rédactions est évidemment touchée par cette épidémie de féminisation : Ousseni Ilboudo cède sa place à Alima Séogo/Koanda, responsable de la rubrique « Carnet de santé ». Quant au rédacteur en chef, Alain Zongo, dit Saint Robespierre, il est renvoyé à ses chères guillotines, il faut de la douceur féminine : Ebou Mireille Bayala. On a aussi une nouvelle secrétaire de rédaction : J. Benjamine Kaboré.

 

Maintenant qu’elles sont  aux affaires, place à l’inquiétude. Comment ça va se passer ? Serons-nous à la hauteur de la tâche ? Ce sont autant  de questions que se posaient les nouveaux maîtres de L’Obs. Mais pas le temps de douter longtemps puisqu’il faut tout de suite se mettre à la tâche et  produire l’édition spéciale 8-Mars, prévue pour le lendemain 7 mars 2018. Immédiatement, des équipes féminines sont mises sur pied, certaines s’improvisent même photographes. La règle étant que tout doit être fait par les femmes, les hommes se tiennent justes prêts à apporter, le cas échéant un, coup de main.

 

Jeudi 8 mars. C’est le jour j. Il est neuf heures passées de quelques minutes lorsque  nous mettons les pieds dans la salle de rédaction encore déserte. Installée devant notre ordinateur, nous voyons les collègues arriver les uns après les autres. Lorsque Mme Séogo entre dans la pièce, tout de suite on lui fait savoir que le DR arrive toujours en dernière position pour la réunion. On ne tardera pas à faire la même remarque à Mireille Bayala à son arrivée. Il faut que tout ait l’air normal. Les deux décident alors de s’éclipser pour ne revenir qu’à la dernière minute, comme le veut l’usage. Lorsque leurs prédécesseurs  font leur entrée à la rédaction, ils sont obligés de se trouver des places autres  que celles où ils s’asseyent habituellement. Ils sont considérés comme tout autre journaliste. Leurs places sont occupées par les deux chefs du jour.

 

Pour ouvrir la conférence, Mme Séogo va tenter de se mettre dans la peau du vrai directeur des rédactions, essayant d’imiter ses expressions et ses tics. Ce qui amuse tout le monde, à commencer par le principal intéressé lui-même. Ce sera ainsi tout au long de la réunion. Et si l’on avait cru que l’on serait laissé à nous-mêmes, eh bien nous avions eu tort car, comme le dit si bien l’expression, là où il y a des femmes, les hommes ne sont pas loin. En fin de compte tout s’est bien passé, c’est en tout cas ce qu’ont indiqué les patronnes d’un jour. « Jusqu’hier on ne savait pas comment les choses allaient se passer concrètement », a indiqué Mireille Bayala. «Je l’avoue je me suis posé beaucoup de questions cette nuit », a avoué Alima Koanda. « Vu les nombreuses tâches qu’occupe le directeur des rédactions, je me suis demandé si je pourrais jouer le jeu. Dieu merci, la réunion s’est bien passée, tout le monde était là pour nous appuyer. Donc jusque-là tout se passe bien », a-t-elle ajouté. Pour la responsable de la rubrique « Carnet de santé », c’est un plaisir d’occuper cette place, vu le thème du 8-Mars de cette année. A son avis, si la gent féminine veut qu’on lui confie des postes de responsabilité, elle doit apprendre aussi à être responsable. Par ailleurs, elle a avoué ressentir une certaine pression puisqu’il s’agit de l’édition la plus importante de la semaine. « Nous avons la Lettre pour Laye à écrire. Il faut beaucoup d’éléments. Certains promettent des sujets, mais reste à savoir si ça va rentrer et à quel moment », a-t-elle expliqué. Pour les deux femmes, il s’agit là d’une bonne initiative car cela permet de s’exercer et de savoir si elles pourraient un jour assumer ce type de responsabilité. « Tant qu’on ne se met pas à la place du chef, on a du mal à se faire une idée de l’ampleur de sa tâche. Par exemple, quand j’ai reçu les correspondances pour faire les programmations, j’ai senti les regards des uns et des autres qui se demandaient qui j’allais mettre sur tel ou tel reportage. Il y en a même qui s’amusaient à me dire de ne pas mettre leur nom… », dixit la rédactrice en chef, pour qui ce travail est plus compliqué pour une femme. Mère d’un bébé de quatre mois, elle a été obligée de se ménager pour mieux jouer son rôle.

 

Comment Ousseni Ilboudo, affectueusement appelé collègue par la DR d’un jour, apprécie-t-il déjà le rendement de ces dames ? Pour notre interlocuteur que beaucoup qualifient d’inégalable, compte tenu de ses compétences managériales et intellectuelles, les femmes apprennent à nager très rapidement une fois qu’on les jette à l’eau. « Je suis le premier à m’en réjouir », a-t-il fait savoir, précisant qu’elles sont là depuis un certain temps et qu’elles connaissent les habitudes et les règles de la maison. Etant donné que c’est la première fois que ce type d’initiative est mis en œuvre, les responsables sont d’avis que cette édition pourra être considérée comme historique. Tous ceux que nous avons interrogés, les principales intéressées y compris, pensent que cette idée doit être pérennisée. Pour les chefs, il n’y a vraiment pas de doute là-dessus. Ils ont même fait savoir que l’idée serait étendue aux autres services.

 

 

 

Zalissa Soré

 

 

 

 

 

Encadré 1 :

 

Ours

 

 

 

Directrice de publication : Hermione Marie Ouédraogo

 

Directrice des rédactions : Alima Séogo/Koanda

 

Rédactrice en chef : Ebou Mireille Bayala

 

Secrétaire de rédaction : J. Benjamine Kaboré

 

Equipe rédactionnelle :

 

- Zalissa Soré

 

- Félicité Zongo

 

- Assiata Savadogo

 

 

 

 

 

Encadré 2 :

 

«Je ne peux pas encore passer le chéquier»

 

 

 

Il est presque midi et nous sommes chacune occupée à exécuter la tâche qui lui a été confiée lorsque le DR de tous les jours nous annonce  que le DP va venir nous faire un p’tit coucou. Effectivement, lorsqu’Edouard Ouédraogo entre dans la salle, on lit facilement la joie sur son visage. Serrant la main de chacune, il a cherché à savoir qui occupe quel poste, souriant à chaque fois qu’il avait la réponse. Comme les autres, il a trouvé l’idée originale, même s’il a déclaré ne pas être prêt à remettre le chéquier. Néanmoins, il a bien voulu assurer le viatique à cette occasion. C’est en tout cas ce qui nous a été annoncé après son départ.

 

Une heure après, nous avons effectivement reçu une variété de mets. Du gonré, du zamnin, du poulet, des frites et des boissons. Nous nous sommes bien régalés avec les hommes, qui sont toujours là pour nous appuyer en toutes circonstances, comme vous pouvez le constater.

 

 

Z.S.

 

 

 

Encadré 3

 

Ousseni Ilboudo, directeur des rédactions

 

« Je suis le premier à me réjouir de ce putsch »

 

 

 

C’est parti d’une plaisanterie et l’idée a été adoptée par tous. Nous trouvons que c’est assez original, sinon même génial. C’est pour amener les femmes à se responsabiliser davantage, à prendre le pouvoir, comme on dit dans le bon sens du terme. Elles sont tout aussi capables que les hommes, que ce soit dans le journalisme ou dans tout autre domaine. C’est une belle opportunité pour nous de les jeter à l’eau. Et on a vu qu’elles apprennent à nager très rapidement, je suis le premier à me réjouir de ce « putsch ». Elles sont là depuis un certain temps, elles connaissent les habitudes et les règles. Elles essaient de rentrer dans le moule de la façon la plus naturelle possible. Je ne pense pas qu’elles aient eu besoin de se fabriquer des personnages. Ce sont des choses qu’elles observent tous les jours et qu’elles peuvent même améliorer à l’occasion.  Le journal que les femmes vont concevoir et réaliser est historique à mon avis, car c’est la première fois qu’on a ce genre d’idée que l’on met en œuvre. Dommage que cette fête ne dure qu’une journée.

 

Je pense qu’il faut la pérenniser et l’étendre. Pour le moment, on s’est contenté de la rédaction mais je pense qu’on pourrait étendre l’initiative aux autres services comme la PAO (Publication assistée par ordinateur). C’est vrai il y a les opératrices de saisie qui ne sont pas des secrétaires de rédaction mais rien n’empêche de les initier à l’approche du 8-Mars prochain. Au service commercial, il y a déjà des dames. Ça peut être expérimenté avec bonheur. C’est vrai que c’est la Journée des femmes mais les hommes ne sont jamais loin. Nous sommes là pour les appuyer.

 

Mon message, c’est qu’elles prennent leur responsabilité et s’engagent fermement. On a tendance à croire que ce métier-là n’est pas fait pour les femmes. Pourtant, certaines d’entre elles se débrouillent parfois beaucoup mieux que des hommes. Nous souhaitons qu’elles s’affirment davantage avec les atouts et les limites qui peuvent être les leurs.

 

Cela dit, si on a pu expérimenter l’idée cette année, c’est parce que rarement on a eu un nombre aussi élevé de femmes à la rédaction. Elles sont sept actuellement, une vraie équipe donc. Il y a eu des moments où elles n’étaient que deux ou trois. Dans ces conditions, c’était difficile. C’est la preuve qu’elles s’investissent davantage dans le métier et qu’elles se départent des carcans traditionnels qui ont souvent entouré cette profession. Dans la plupart des écoles de journalisme, la majorité des apprenants sont des étudiantes.

 

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