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Procès de présumés terroristes au Sénégal: Quand la religion entre au prétoire…

Quand ce procès va-t-il vraiment débuter et entrer dans le vif du sujet pour que les Sénégalais soient enfin situés ? Déjà reporté deux fois pour des « problèmes de procédure judiciaire», le jugement des 32 présumés terroristes sénégalais a de nouveau été renvoyé, cette fois, au 9 avril prochain pour une erreur de procédure qui confine à la faute professionnelle. Le juge d’instruction a, en effet, tout simplement oublié de mentionner les identités de deux des prévenus, accusés d’avoir voulu mettre sur pied une nébuleuse jihadiste dans un des rares pays de la zone sahélo-saharienne à s’être jusque-là prémuni contre ce péril. Un procès historique, s’il en est, puisqu’en plus d’être une première il passionne forcément dans ce Sénégal où l’écrasante majorité des populations est de confession musulmane. Il n’y avait qu’à voir l’ambiance qui régnait hier dans la salle d’audience, littéralement prise d’assaut par quelque 1 300 personnes, pour s’en convaincre. Une salle dans laquelle en faisant son entrée l’accusé vedette, l’imam Alioune Ndao, a servi du « Salam Alaykoum » (la paix soit avec vous) à la foule, qui lui a répondu. Une audience durant laquelle une partie des prévenus n’a pas daigné se lever à l’entrée des membres du tribunal, obligeant le président Samba Kane à y mettre le Holà.

Il faudra sans doute attendre l’examen au fond de l’affaire pour se faire une idée plus précise des accusations qui pèsent sur ces 32 présumés jihadistes et sur leur bien-fondé. Mais le fait qu’ils soient tous des fils du pays de la Téranga montre, s’ils sont reconnus coupables, que la multinationale du terrorisme n’a plus besoin d’importer des kamikazes pour semer la mort et la désolation et qu’elle peut recruter ses hommes sur place. Et Allah seul sait à quel point ces moudjahidins savent prospérer sur les terrains fertiles faits de misère rampante et d’embrigadement spirituel, un cocktail forcément détonant.

Si des procès impliquant des terroristes présumés ou bien réels sont maintenant courants dans des pays occidentaux comme la France, la Belgique ou les Etats-Unis, ces derniers ont rarement eu droit aux « honneurs du prétoire » sous nos cieux, pourtant régulièrement frappés par l’hydre. Et cela, faute notamment d’un arsenal juridique conséquent et de magistrats spécialisés en la matière.

On dit souvent de la politique que lorsqu’elle entre dans un prétoire, la justice en sort. Il en est sûrement de même avec la religion. Dans ce Sénégal où l’islam confrérique est quasiment religion d’Etat, l’institution judiciaire s’est montrée marquée à la toge par des talibés surchauffés. Alors, saura-t-elle résister aux pressions, d’où qu’elles viennent et quelles que soient leurs formes, pour faire son travail en toute sérénité et rendre la justice au nom du peuple sénégalais et non au nom de Dieu ?

H. Marie Ouédraogo

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