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Procès putsch manqué : Les témoins emblématiques aux abonnés absents

 

Qui du parquet ou de l’accusé doit transmettre les citations à témoins aux personnes que les différentes parties au procès désirent faire entendre à la barre ?  Le débat sur cette question a été long et parfois houleux si fait qu’on peut affirmer que la guerre des témoins a bel et bien eu lieu hier, mardi 27 mars 2018 à l’audience du putsch manqué qui se déroule à Ouaga 2000. Si d’illustres témoins n’ont pas comparu, à l’instar du Moro Naaba et du président du Faso, d’autres, tout aussi emblématiques ont été cités sur place, les présidents du Sénégal et du Niger. L’audience qui a été suspendue dans la soirée reprendra le vendredi prochain afin que le tribunal puisse apporter des réponses aux questions soulevées.

 

 

Retour sur une journée de procès qui ne manquait pas de mordant.

 

 

 

Habituellement réglé comme une horloge suisse, cette fois, le président du tribunal, Seydou Ouédraogo, a débuté l’audience avec 25 minutes de retard. Il s’en est d’ailleurs excusé. Et comme annoncer la veille,  ce 5e jour du procès devrait être consacré à l’examen des listes de témoins produites par les différentes parties.

 

Mais dès son entame, Me Olivier Yelkouny, l’un des avocats du général Gilbert Diendéré a insisté pour prendre la parole. Quelques minutes plus tôt, avant que le tribunal ne fasse son entrée dans la salle des Banquets de Ouaga 2000, transformé en  prétoire, l’on apercevait aisément les conseils des accusés en pleine concertation. L’objet de ce conciliabule, c’est certainement ce que peut-être Me Yelkouny à traduit au tribunal. Il a affirmé vouloir attirer l’attention des juges sur des faits que la défense estime suffisamment graves pour les passer sous silence. « Nous ne  pouvons pas tolérer que le directeur de la justice militaire (Ndlr : Sita Sangaré) vienne à l’audience et qu’il épie les faits et geste d’un des accusés pour lui faire des remontrances. S’il reproche quelque chose à mon client (Ndlr : Gilbert Diendéré) qu’il vienne le dire à la barre. Nous souhaitons que ce soit la dernière fois qu’il fasse des remontrances publiques à mon client », a-t-il expliqué.

 

Après cette plainte, le président Ouédraogo qui assure la police de l’audience a déclaré prendre acte de la supposée attitude désobligeante du directeur de la justice militaire. « Nous constatons que ces faits se sont déroulés pendant les pauses ou du moins, avant l’entrée du tribunal. Nous allons de concert avec les autres parties éviter que ces choses ne se répètent pas », a-t-il assuré.

 

On pensait alors la parenthèse fermée, mais Me Yérim Thiam, l’un des conseils de Djibril Bassolé, a souhaité, au regard de la « gravité des faits » que le général Diendéré prenne la parole pour s’expliquer. Une requête à laquelle n’a pas accédé Seydou Ouédraogo qui n’en voit pas la nécessité.

 

Place donc enfin à l’examen des listes des témoins ? Pas encore, puisque c’est ce moment qu’attendait Me Dieudonné Bounkoungou, un autre conseil de Djibril Bassolé pour annoncer qu’il avait introduit un mémoire et qu’il aimerait que le tribunal procède à son examen avant d’évoluer. Affirmant avoir reçu le document la veille après la suspension de l’audience, le président a indiqué que la question sera traitée ultérieurement.

 

Comme le veut la procédure, le greffier en chef a donc procédé à la lecture de la première liste de témoins et d’experts, en l’occurrence celle élaborée par le parquet militaire. Elle est forte de 43 noms dont un expert, Younoussa Sanfo. Au nombre des personnes  dont le procureur militaire souhaite le témoignage, on compte l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo, l’archevêque de Bobo-Dioulasso, Monseigneur Paul Ouédraogo, le Haut-représentant du Président du Faso, Chérif Sy, les anciens chefs d’état-major général des armées, les généraux Honoré Nabéré Traoré et Pingrenooma Zagré ainsi que l’actuel, le général Oumarou Sadou. Du côté des politiciens, apparaissent les noms d’Eddie Komboïgo et d’Achille Tapsoba du CDP, et l’humoriste Rasmané Ouédraogo dit « Raso ». 

 

Ces  témoins voulus par le ministère public qui ont tous reçu des citations à comparaître n’étaient pas au complet à l’audience d’hier. Certaines absences ont été justifiées par le procureur, Alioun Zanré qui cite des raisons de voyage ou de santé. Pour ceux qui n’avaient pas d’excuses connues, il a promis de prendre toutes les diligences pour comprendre leur absence et afin qu’ils puissent comparaître les prochains jours.

 

Pas de véritable empoignade sur cette liste de témoins. Juste une interrogation de Me Paulin Salambéré qui a voulu savoir si des personnes (elles sont 5 dans la liste de témoins du parquet) qui étaient entre temps inculpées dans de ce dossier avant de bénéficier de non-lieu, pouvaient être entendus en qualité de témoin.

 

Réponse de la partie civile : « Il n’y a aucun obstacle juridique en cela ». Une position appuyée par le substitut du procureur Sidi Bekaye Sawadogo en reprenant une formule bien connue des juristes : « Ce qui n’est pas interdit est autorisé ».

 

 

 

Roch et le Moro Naaba parmi les absents

 

 

 

Michel Kafando, Roch Marc Christian Kaboré, Yacouba Isaac Zida, Gilles Thibault, Tulinabo Mushingi, le Moro Naaba Baongho, le cardinal Philippe Ouédraogo, le révérend Samuel Yaméogo, le pasteur Mamadou Karambiré… Depuis des mois, ces noms ont commencé à circuler dans la presse, ce sont ceux de personnalités que le principal accusé dans cette affaire, le général Gilbert Diendéré, souhaite faire comparaître comme témoins.  Au regard de leur rang, les voir à la barre relève d’une quadrature du cercle à en croire plus d’un observateur.

 

A l’appel de leur nom donc par le greffier, seuls les murmures dans la salle ont servis de réponse. Comme il fallait s’y attendre aucun de ces témoins prestigieux n’était présent à l’audience. Ainsi, sur les 25 personnes figurant sur la liste du général, seul trois étaient à l’audience : le général de brigade Brice Bayala, le général Pingrenooma Zagré et le colonel-major Kounsaouma Palenfo. Mais tous ont affirmé n’avoir pas reçu de citation à comparaître et ont appris leur qualité de témoin soit dans la presse, dans L’Observateur Paalga en l’occurrence, soit à l’audience d’ouverture du procès parce qu’ils étaient convoqués en tant que possible juge assesseur.

 

Interrogé pour savoir pourquoi aucun des témoins de son client n’a reçu de citation et pourquoi beaucoup n’était pas là, Me Yelkouny  a renvoyé la balle au procureur militaire. Selon lui, l’article 106 du code de justice militaire fait obligation à l’inculpé de notifier au procureur militaire, par simple déclaration au greffe, la liste des témoins qu'il désire faire entendre. Une diligence qu’il a accomplie. Le reste, selon le conseil, est du ressort du parquet militaire qui doit prendre toutes les dispositions utiles pour faire comparaître les témoins cités par l’accusation.

 

Cette interprétation de la loi marque le début d’une longue empoignade entre les différentes parties qui n’ont pas la même lecture, la même interprétation des textes.

 

Le procureur militaire Alioun Zanré a en effet invité la défense à citer « la base légale » qui fait obligation au parquet de citer les témoins qu’elle veut entendre. Le parquet militaire a soutenu que certains avocats ont compris la loi et ont procédé par voie d’huissier afin de citer leurs témoins. Le ministère public a appuyé ses observations par, entre autres, l’article 105 du Code de justice militaire qui dit que « les citations et notifications aux témoins, prévenus, inculpés, sont faites sans frais par la Gendarmerie ou par tous autres agents de la force publique ». Et le substitut Sidi Bekaye Sawadogo de s’interroger « Est-ce que la gendarmerie, c’est le parquet ? Est-ce que la défense a saisi les gendarmes et ils ont refusé de citer les témoins ? ». Pour le ministère public, il paraît incohérent qu’il fasse citer des personnes qui vont sûrement témoigner pour décharger les accusés.

 

Selon  Me Guy Hervé Kam de la partie civile, la loi met tout le monde sur le même pied d’égalité et il appartient à chaque partie de prendre les dispositions pour faire déposer ses témoins. « Pourquoi demander au parquet de citer des témoins dont vous seul savez pourquoi vous les citez ? », a-t-il questionné. Pour son collègue Me Prosper Farama, l’article 106 brandi par la défense à une visée informative : il n’est pas une obligation faite au ministère public. Les avocats de la partie civile par l’entremise de Me Sayouba Neya ont dénoncé également le fait qu’ils n’ont pas pris connaissance de la liste de témoins produite par la défense, comme le stipule la loi. Ils s’opposent par conséquent à l’audition de ces personnes.

 

 

 

«Il revient au parquet militaire de convoquer les témoins »

 

 

 

Revenant à la charge, l’accusation a indiqué que seul le parquet a le pouvoir de saisir les pandores. « J’ignorais que mon client avait le pouvoir de faire injonction à la gendarmerie », s’est étonné l’un des conseils. Me Mamadou Sombié, avocat du lieutenant Jacques Lemon, a embouché la même trompette : « Qui a la force publique avec lui ? C’est le parquet militaire et il lui revenait de prendre toutes les dispositions pour que les témoins soient là ». Me Ollo Larousse Hien fera d’ailleurs remarquer que le ministère public a toujours procédé ainsi dans les précédentes affaires et a affirmé ne pas comprendre ce revirement maintenant qu’il s’agit d’un procès emblématique. Une assertion qu’a réfutée Alioun Zanré.

 

Le débat qui a été parfois houleux a été résumé à la fin en ces termes par le président Seydou Ouédraogo : « On nous demande de dire qui devait citer les témoins ». C’est à la même question que devra répondre les juges dans l’examen de la liste suivante produite par Me Mamadou Sombié puisque les témoins de son client n’ont pas été cité à comparaître. La particularité des témoins de Me Sombié est que certains, comme le général Gilbert Diendéré, le capitaine Abdoulaye Dao se trouvent déjà sur le banc des accusés. « Peut-on être accusé et témoin ? », a interrogé le président du tribunal. Oui pour l’avocat. Non, pour le substitut du procureur Sidi Bekaye qui marque son étonnement : « C’est la première fois que je vois quelqu’un porter une double casquette ». Alioun Zanré soulignera que tous les témoins retenus seront confinés dans une salle pour les empêcher de suivre les débats. « Allez-vous dire à un accusé de se retirer ? ». De plus, les témoins avant de déposer prêtent serment et s’engagent à dire la vérité alors que l’accusé a le droit de mentir pour se tirer d’affaire. Deux prérogatives qu’on ne peut pas cumuler a estimé le procureur militaire. Mais Me Sombié n’en démord pas  pour autant et a renvoyé le parquet à une de ses assertions : « Ce qui n’est pas interdit est permis ». C’est au ministère public, selon lui, d’apporter la preuve  légale qu’on ne peut revêtir ces deux casquettes à la fois. C’est sur ces entrefaites que l’audience a été suspendue à 13h22.

 

 

 

Des témoins nommés Macky Sall et Yayi Boni

 

 

 

A reprise, peu après 14h30, on a poursuivi l’examen des différentes listes de personnes citées par les accusés comme témoins. L’audience a repris avec les témoins souhaités par l’accusé Boué Siénimi Médard. Des trois personnes de sa liste, une seule, Arsène Z. Boyou en l’occurrence, a répondu présent. Il a signifié avoir reçu une citation par le biais de l’avocat de l’accusé, Me Seydou Roger Yamba. Pour celui-ci, l’absence des deux autres (Moïse Moussa Kaboré et Issouf Guiré) le convainc davantage que les citations auraient dû être faites par le parquet militaire. Cependant, il dit avoir initié ces citations pour assurer ses arrières et ne s’est visiblement pas trompé dans la mesure où le débat s’est posé dans la matinée. Du côté du parquet militaire, Alioun Zanré a tout simplement fait savoir qu’ils sont un peu en phase avec la démarche adoptée par Me Seydou Roger Yamba.

 

La liste suivante a été  introduite par le capitaine Adoulaye Dao par les soins de Me Dieudonné Bonkoungou. Il y figure le nom de l’ancien président de la Transition, Michel Kafando. Cette liste ayant été déposée ce jour même à 9h38 au greffe du parquet militaire, la partie civile, par la voix de Me Sayouba Neya a estimé qu’elle doit être purement et simplement écartée car n’ayant pas respecté les délais impartis. «Le liste devait être communiquée 24h avant le début des débats », a-t-il relevé. «Nous n’en sommes pas au stade des débats, la disposition invoquée ne peut pas s’appliquer », a opposé Me Bonkoungou.

 

Une autre liste a été déposée par Me Bonkoungou mais cette fois-ci pour le compte de Djibril Bassolé. Le général de gendarmerie demande la comparution de onze personnalités dont des chefs d’Etat Macky Sall du Sénégal et Mahamadou Issoufou du Niger et un ancien président, Yayi Boni du Bénin. Se trouvent également sur cette liste, les noms des ambassadeurs français et américains, Gilles Thibault et Tulinabo Mushingui. L’ex-premier ministre, Yacouba Isaac Zida a été également cité. Selon le parquet militaire, cette liste a été dressée séance tenante, à main levée, puis a été reçu par le parquet, ce jour même, à l’audience et non au siège. « Monsieur le président, veuillez examiner le manque de sérieux de cette liste. Elle a été introduite ce jour même à 9h35 et quelques heures plus tard, on veut que ces personnalités se présentent à votre barre », a signifié Sidi Bekaye Sawadogo. Et Me Séraphin Somé d’appuyer «ce manque de sérieux» du requérant. L’avocat s’est amusé en déclarant qu’il s’attendait à entendre le nom de Guillaume Soro, président de l’Assemblée nationale ivoirienne. «Il n’y a aucun temps imparti, nous sommes à la vérification des listes et il n’y a rien de plus sérieux que de la faire examiner. Ces témoins peuvent toujours être cités, même au cours des débats à la lumière de l’article 118 du Code de justice militaire. Si la partie civile entend faire citer Guillaume Soro, qu’il le fasse, ça peut nous intéresser aussi», a répliqué Me Dieudonné Bonkoungou.

 

 

 

Le président du tribunal cité comme témoin

 

 

 

Des différentes listes, comment passé sous silence la dernière introduite par Me Yérim Thiam avocat des accusés Me Hermann Yaméogo, Djibril Bassolé et Léonce Koné. Il a demandé au tribunal de citer, le président Seydou Ouédraogo, him-self, comme témoin au cas où celui-ci viendrait à être récusé. Un aspect qui n’a pas manqué de déchainer les débats. Pour le parquet militaire, Seydou Ouédraogo ne peut pas porter une double casquette (président du tribunal et témoin). Me Guy Hervé Kam, avocat de la partie civile, lui, s’est demandé si «on n’a pas atteint l’étape ultime du manque de respect à l’endroit du tribunal. En tant qu’avocat, nous nous insurgeons face ce manque de respect». «En quoi c’est un manque de respect ? Il ne suffit pas de l’affirmer. Une personne témoin n’est pas forcément celle qui a vécu les faits. La personne visée est sereine, pourquoi vous vous insurgé ?», a répliqué Me Bonkoungou. Son confrère sénégalais, Me Yérim Thiam a demandé au tribunal d’apprécier cette liste au même titre que les autres d’autant plus que les textes prévoient qu’un juge d’instruction, par exemple, qui a eu à connaitre d’un dossier peut être cité comme témoin.

 

L’ultime acte de la journée a été l’examen d’un mémoire initié par Me Dieudonné Bonkoungou. Le document concerne l’arrêt de renvoi qui n’aurait pas été précis sur le nom de la juridiction devant laquelle a été renvoyée les accusés pour y être jugé. Dans son développement, il a conclu que la juridiction n’est ni la chambre de jugement ni la chambre de première instance. « On ne vous demande pas d’annuler l’arrêt de renvoi, mais l’arrêt ne vous désigne pas comme juridiction», a-t-il expliqué. Pour le parquet, cette requête est mal fondée. «La page de garde de l’arrêt de renvoi, dit bien le tribunal militaire de Ouagadougou, il y en a un seul qui a compétence pour tout le territoire national, il n’y a pas deux », a opposé Alioun Zanré.

 

Du côté de la partie civile, Me Sayouba Neya a du mal à comprendre que la défense dise à la juridiction de constater qu’elle n’a pas été saisie ; après qu’elle ait déjà rendu deux jugements avant dire droit et qu’elle ait déjà examiné ensuite les différentes listes de témoins. Coupant court aux joutes verbales, Seydou Ouédraogo a annoncé une suspension de l’audience sous le coup de 17h en précisant qu’il apportera  des réponses aux questions soulevées, le 30 mars courant  à 9h.

 

 

 

San Evariste Barro

 

Aboubacar Dermé

 

Hugues Richard Sama

 

Commentaires   

0 #1 Sacksida 28-03-2018 11:57
D’abord, qu’entend-t-on par témoins ? C’est une personne ou des personnes qui peuvent témoigner au procès devant un tribunal de l’existence effective d’un fait ou des faits au moment de son déroulement dont ils ont eu connaissance. Les témoins emblématiques, notamment les chefs d’états étrangers, que citent les accusés et leurs avocats ne sont pas dignes de sérieux car au moment du déroulement ou du début du « coup d’état du 16 septembre 2015 », ces prétendus témoins étaient-ils présents ? Qu’on cite des témoins au niveau du territoire national est à la limite compréhensible, mais vouloir impliquer des étrangers et pas des moindre venus pour nous assister est pour le moins indigne d’un officier supérieur Burkinabé. C’est une manière honteuse et indigne de se foutre ou de se « moquer de la république » et du peuple intègre Burkinabé qui s’est opposé de façon digne à cette forfaiture que d’aucuns on qualifié de « coup d’état le plus bête » du monde. Comme le disait un ex-membre du RSP, « c’est l’utilisation du RSP par Gilbert Diendéré qui est mauvaise et non le corps lui-même. Il se demande si il mérite le grade de général ». Un adage africain nous enseigne : « On guérit plus facilement d’une maladie, que d’une mauvaise habitude celle du refus de s’assumer dans ses actes ». Salut !
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