Décès d’Hamidou Valian : Dernier slam d’un activiste invétéré
- Écrit par Webmaster Obs
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La Faucheuse a encore frappé dans le monde des artistes burkinabè, avec le décès le lundi 30 avril 2018 à son domicile de Ouidi à Ouagadougou d’Hamidou Valian, précédemment chargé de la mobilisation et de la gestion des clubs au sein de la Coordination nationale du Balai citoyen. Egalement artiste aux talents éprouvés, ce slameur très prolixe quitte cette vallée des larmes à seulement 36 ans.
Hamidou, de l’avis de ceux qui l’on côtoyé, était un militant engagé et intègre. Il était de tous les grands rassemblements du Balai citoyen à la cause duquel il se donnait corps et âme.
Le slam pour Valian, c’était tout simplement de la poésie, et des poèmes, il en écrivait depuis la classe de 3e. Arrivé à l’université, l’artiste a continué dans sa passion. Ainsi sont nés des titres comme «La lettre d’Ibrahim», «Des mots et des maths», «Le chien aboie», «Le peuple», «Hommage à Norbert Zongo»…, des œuvres qui se laissent apprécier sur YouTube.
Dans ses textes, Hamidou Valian laissait apparaître un engagement qu’il assumait avec courage. Ayant milité dans des mouvements altermondialistes, il était inspiré par des thématiques liées au capitalisme, à l’exploitation de l’homme par l’homme, au phénomène des OGM…
Enseignant de mathématique et de physique, le disparu faisait la vacation dans quelques établissements de la capitale. On ne le verra plus sur les scènes comme celle de Ouaga Hip-Hop, où il faisait admirablement claquer les mots pour un public acquis qui en redemandait chaque fois.
D. Evariste Ouédraogo
Légende de la photo (Ph. Internet)
Ph. (1)
Hamidou Valian s’en est allé à la fleur de l’âge, à un moment où ses camarades de lutte attendaient encore beaucoup de lui. Il laisse ses nombreux fans sans voix. Salut, l’artiste !
Encadré
Un artiste ne meurt jamais. Ses œuvres lui survivent, faisant de lui un immortel que ses contemporains auront toujours dans leurs souvenirs les plus chers. Ci-dessous, « Chômeur diplômé », un texte signé par le désormais défunt Hamidou Valian, et publié dans le Monde diplomatique d’octobre-novembre 2015, repris partiellement dans la revue L’Autrement n°1.4 de mai de la même année.
Chômeur diplômé
Ici tout ce dont on rêve, c’est des conditions d’étude plus souples
SOS, Western Union : transfert d’argent
Je cherche une agence de transfert de souffrance, c’est trop lourd à supporter
La vie d’un étudiant, parcours du combattant
On s’en va tambour battant en quête de bouts de papier censés attester nos compétences intellectuelles
Mais si l’école de la vie délivrait des diplômes
Il aurait fallu des centaines de pages pour curriculum
Fermez le campus, fermer le RU
Jetez les enfants des autres dans la rue
Pendant que les vôtres sont dans le beurre en Occident
Mais quand ça va péter, faut pas dire qu’on est des délinquants
Et quelques années plus tard
Me revoilà
Bonsoir mesdames,
Bonsoir mesdemoiselles,
Bonsoir messieurs,
Que faites-vous dans la vie ?
Moi je travaille à mon propre compte
Ça fait plus professionnel
Que de dire chômeur
L’expression est de plus en plus conventionnelle
Mais pas vraiment consolateur
Chaque jour de ma vie est jour de sabbat
Ça n’a rien d’oisif, j’économise juste les semelles de mes sandales
Car des directeurs généraux aux techniciens de surface, J’ai déjà fait le tour
Et je n’ai emmagasiné que des cartes de visite
Pas un sou pour téléphoner, pour prendre un rendez-vous
Alors quand j’arrive à l’improviste c’est : « Veillez repasser la semaine prochaine s’il vous plaît, le boss est en mission »
C’est la même chanson depuis des mois
Alors sept jours sur sept je fais le fakir dans un six-mètre du quartier
En face de moi il y a un fourneau
Il est midi et au-dessus de ma tête il y a une fournaise
Mais les casseroles sont vides et les théières aussi
Si tu me cherches, ne va jamais chez moi, tu me trouveras ici
Bienvenu au grin
Ici lorsqu’on a du thé, il nous manque du sucre
Et quand on a du sucre, c’est le charbon qui fait défaut
Alors on guette les élections, c’est la saison de la moisson
Les politiciens ramènent du sucre puis du thé
Nous, on ne refuse jamais les dons, même si rarement on va voter
Et si par hasard on a 500 francs, ça fait 450 francs de pois de terre
Et 50 francs d’huile
N’essayez pas ça chez vous, c’est une bombe de constipation massive
Là d’où je viens, les jeunes se disent poètes
Pourtant ils écrivent plus de demandes d’embauche qu’ils n’écrivent de poèmes
Et les employeurs s’éprennent moins de leurs profils que de leurs phonèmes.
Hamidou Valian