Diplomatie burkinabè : Yo-yo diplomatique dans le Détroit de Formose
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Alea jacta est ! La diplomatie burkinabè prend le large de Taipei pour voguer vers Pékin. Par un communiqué laconique rendu public hier matin, le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Alpha Barry, a officialisé la rupture des relations diplomatiques entre le Pays des hommes intègres et Taïwan.
Les rumeurs enflaient sur le sujet depuis que le P-DG de la radio Horizon FM, Labli Moustapha Thiombiano, avait levé le lièvre avant d’être relayé par nos confrères de Mutations il y a environ dix jours. Mais le doute persistait jusque chez l’ambassadeur taïwanais en poste à Ouagadougou qui déclarait au micro d’un de nos reporters, rien que lundi dernier, que le gouvernement burkinabè devrait apporter des éclaircissements sur la question. Nous, à la rédaction de L’Observateur Paalga, qui soupçonnions une réaction imminente de nos autorités à ce propos, avons eu le nez creux. Fin du suspense, car selon le communiqué du gouvernement burkinabè, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération, Alpha Barry, a été instruit par le président Roch Marc Christian Kaboré de «prendre toutes les dispositions nécessaires pour la fermeture de l’ambassade du Burkina à Taipei et de celle de Taïwan à Ouagadougou ».
Si cette rupture des relations diplomatiques avec Taipei a été officialisée ce 24 mai, nul doute que l’inclinaison vers Pékin a été amorcée depuis plus longtemps. Peut-être bien depuis que le président Roch Marc Christian Kaboré a pris ses quartiers à Kosyam et qu’il se faisait désirer en visite officielle, jamais rendue, à Taipei. Tout le contraire de Blaise Compaoré par qui les relations diplomatiques avec Taïwan avaient été renouées en 1994 et qui s’y était rendu officiellement au moins une dizaine de fois avant sa perte du pouvoir en 2014. Avant Blaise Compaoré, le Burkina, ou plutôt la Haute-Volta, avait coopéré avec le pays de Tchang Kai-chek de 1961 à 1973 avant que le gouvernement du Renouveau du président Sangoulé Lamizana n’opte de collaborer avec celui de Mao Zedong.
Il y a donc incontestablement un mouvement de balancier de la diplomatie burkinabè entre Taipei et Pékin depuis l’indépendance du pays. Un amour changeant, à la limite de la « prostitution » si et seulement si la coopération entre Etats ne se riait pas de la morale selon cette logique du général de Gaule : «Les Etats n’ont pas d’amis, ils n’ont que des intérêts ».
Rarement cette vérité aura été aussi crûment illustrée que dans les relations de coopération Burkina/Taïwan et Burkina/République populaire de Chine. On ne remontera pas jusqu’à Mathusalem pour faire remarquer que si la diplomatie du dollar avait fait pencher la balance du régime de Blaise Compaoré pour Taipei, celle du yuan aura attiré le gouvernement de Roch Marc Christian Kaboré vers Pékin. Se pose alors la question qui taraude les esprits de tous les analystes des relations internationales : qu’a bien pu promettre Xi Jinping à Roch Marc Christian Kaboré pour décider Ouagadougou à divorcer de Taipei ? Que gagnera le Burkina dans cette nouvelle idylle avec le dragon chinois ? On attendra le retour de Pékin du ministre Barry pour en savoir un bout. Mais d’ores et déjà on espère que le gouvernement burkinabè fera « racheter », rubis sur l’ongle par la Chine populaire les nombreux programmes et projets que la coopération taïwanaise finançait si généreusement : qu’il s’agisse des engagements nationaux, du projet riz pluvial, des périmètres irrigués de Bagré, de la formation professionnelle et que savons-nous d’autre, c’est le minimum que devrait faire Pékin pour que les Burkinabè ne regrettent pas Taipei.
Faites donc vos paris et croisez les doigts pour que le dragon chinois ne joue pas au poker menteur avec nos gouvernants. En clair, il faut souhaiter que cette nouvelle liaison soit rentable et permette de relever ce que le gouvernement appelle « les défis socio-économiques actuels de notre pays et de notre région ». Va donc pour des relations internationales d’un Burkina qui voit grand avec l’œil ouvert sur l’évolution d’un monde où la Chine populaire est une puissance économique, militaire et politique. Mais gare au panurgisme diplomatique qui fait se ruer tous les pays africains sur les bords du Yangtze à la seule exception du Swaziland pour l’instant, au prétexte que Pékin est plus disant en matière de dividendes économiques. Pas si évident que cela quand on sait que les héritiers de Mao Zedong aiment couper les cheveux en quatre pour répondre aux sollicitations de leurs partenaires africains et ne se préoccupent pas toujours de l’indispensable transfert de technologies dans l’exécution des projets qu’ils exécutent dans les pays partenaires. Plus grave, dans la mise en œuvre de ces projets, Pékin aime à débarquer avec capitaux et main d’œuvre, des ingénieurs aux ouvriers, au grand dam des chômeurs locaux. Tout le contraire de leurs cousins de « l’île merveilleuse ». Alors Roch Kaboré, Alpha Barry et l’ensemble du gouvernement burkinabè ont-ils vraiment pesé le pour et le contre avant de se jeter dans les bras de Pékin ? Ne faut-il pas craindre que le dragon chinois, une fois dans la bergerie burkinabè, n’ait un appétit d’ogre dans l’exploitation de nos maigres ressources minières sans grande contrepartie en matière d’investissement. On le voit malheureusement ailleurs, notamment en RDC, en Centrafrique, au Zimbabwe, etc.
Mais peut-être que si les autorités burkinabè avaient le choix, le pays coopérerait et avec Taïwan et avec la Chine populaire. Hélas, les relations internationales sont toujours marquées ainsi du sceau de l’iniquité qui fait que les Etats les plus forts, malgré les discours officiels, en imposent aux plus faibles. De fait, les Etats-Unis, la France, l’Allemagne, le Japon, bref, les grands pays du Nord, peuvent avoir des relations de coopération avec l’une et l’autre Chine mais pas les petits pays du Sud, comme le Burkina. Le risque est alors grand qu’après la lune de miel dans ce remariage diplomatique, les belles promesses des princes de l’Empire du milieu ne survivent à la raison du plus fort. Cendrillon n’aura alors que ses yeux pour pleurer.
Zéphirin Kpoda
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