Menu

Conseil supérieur de la magistrature : Ça vire au cirque judiciaire

C’était censé être un tribunal des pairs pour laver le linge sale en famille, mais deux ans après, c’est devenu une véritable foire d’empoigne.

 

Tout a commencé en fin juillet 2016 lorsque le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) a décidé de la mise en place d’une Commission d’enquête sur de présumés manquements à l’éthique et à la déontologie par des magistrats et auxiliaires de justice. Une « Opération toge propre » confiée au juge Jean Kondé qui, après environ un an d’investigation, a déposé son rapport en début juillet 2017. Un document qui épinglait 37 personnes dont 34 magistrats sur qui pesaient de lourdes présomptions.

D’abord secrète, la liste Kondé, qui circulait sous le manteau, a fini par être étalée au grand jour, suscitant moult réactions de la part des mis en cause.

Dans ces conditions, la tenue des conseils de discipline, programmée en plusieurs sessions, s’annonçait plutôt houleuse et elle aura effectivement tenu le pari.

Certains membres du conseil ont été récusés pour diverses raisons ; des « accusés » qui se sont étalés dans la presse pour énumérer des griefs contre cette instance : le juge Armand Ouédraogo qui avait clairement annoncé qu’il ne déférerait pas à la convocation quel que soit ce que cela pourrait lui en coûter ; la présidente du CSM qui devait être entendue en début juin mais qui semblait mettre des chausse-trappes sous le pied du conseil de discipline…

L’affaire, il faut le dire, a tourné depuis plusieurs mois à un véritable règlement de comptes entre magistrats. Dans cette corporation où chacun semble avoir des cadavres dans son placard, on joue à « je te tiens, tu me tiens par la barbichette », on se renifle à qui mieux mieux, confirmant ainsi une idée déjà répandue dans l’opinion nationale qu’ils sont tous pourris, corrompus soit par l’argent, soit par des motivations politiques aux antipodes de l’idéal de justice.

Dernier épisode en date, la mise à la retraite d’office du juge Armand Ouédraogo, procureur général de la Cour de cassation et de la Haute Cour de justice, et du juge Thérèse Traoré, Premier président de la Cour de cassation et présidente du CSM dont justement émane la Commission d’enquête. Sans doute que Madame la présidente était loin de s’imaginer, en mettant cet outil sur pied, qu’elle en serait elle-même l’une des victimes emblématiques. Et on n’a rien vu encore comme on dirait au cirque.

Les deux magistrats sont emportés, si on ose le dire ainsi, par cette affaire d’annulation du mandat d’arrêt contre Guillaume Soro, le président de l’Assemblée nationale ivoirienne, dans le cadre de l’instruction du putsch manqué de septembre 2015.

A l’issue de ses sessions, le conseil de discipline a rendu les décisions suivantes :

- le renvoi du dossier d’un magistrat pour renseignements complémentaires ;

- la mise hors de cause de quinze magistrats pour absence de faute disciplinaire ;

- le blâme contre deux magistrats ;

- l’abaissement d’un échelon contre cinq magistrats ;

- l’abaissement de deux échelons contre deux magistrats ;

- la rétrogradation d’un grade contre trois magistrats ;

- la rétrogradation de deux grades contre trois magistrats ;

- la mise à la retraite d’office contre deux magistrats ;

- la révocation contre un magistrat.

Bien entendu, les décisions du conseil de discipline sont susceptibles de recours devant le Conseil d’Etat. Lequel Conseil avait émis en mai 2018 une ordonnance de sursis à exécution de la décision de mise sur pied de la Commission d’enquête. A l’évidence, tous ceux qui ont été épinglés squatteront devant le Conseil d’Etat afin de voir leur sort réexaminé. 

Mais ce qui se passe d’ailleurs au CSM n’est-il pas un véritable cirque judiciaire ? En réalité, le spectacle qu’il nous est donné de voir est assez pathétique. Voici des gens qui ont réclamé à cor et à cri leur indépendance, qui ont éjecté le président du Faso de la présidence du CSM parce qu’il était réputé brider leur liberté, qui ont tenu un forum national de la justice qui a accouché d’un Pacte, qui ont eu leur traitement salarial considérablement revalorisé depuis deux bonnes années mais qui ont fini par donner de cette noble institution l’image déshonorante qu’on voit actuellement sous nos yeux.

Il faut croire que le cancer qui ronge le corps de la magistrature depuis de nombreuses années a atteint sa phase terminale au point qu’il est impossible de le guérir.

On est alors en droit de se demander quand est-ce que les magistrats finiront de faire la bagarre entre eux pour enfin s’occuper avec diligence des dossiers des justiciables ordinaires. Cette question mérite d’être posée, car ce qui vient de se passer a mis à nu les clans au sein de la magistrature et il faut craindre que les différentes factions ne passent davantage de temps à se combattre qu’à étancher la soif de justice du citoyen burkinabè.

 

San Evariste Barro

Dernière modification lelundi, 11 juin 2018 23:10

Commentaires   

0 #1 Neilson 11-06-2018 10:30
S'il est établi que c'est juste pour l'annulation du mandat d'arrêt international contre Soro Guillaume que les juges Armand Ouedraogo et Thérèse Traoré sont " éjectés ", le CSM leur fait la force car nous savons tous que ce mandat d'arrêt international n'allait jamais aboutir et mieux les burkinabè, à commencé par notre Président, ont marqué leur accord et donné des instructions pour que " l'affaire " prenne plutôt la voie diplomatique et politique en lieu et place du judiciaire! Alors, qu'elle est leur faute donc, si ce n'est pas un règlement de compte?!
Citer

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut