Menu

Mathias Tankoano, Président du CSC : «J’ai été journaliste. J’ai même été primé aux Galian»

 

Les pourfendeurs du nouveau président du Conseil supérieur de la Communication, Soahanla Mathias Tankoano, savent-ils qu’il fut journaliste dans une autre vie ? Mercredi dernier, c’est ce que nous a rappelé celui qui a été élu le 20 juillet dernier et qui était des nôtres dans le cadre d’une visite qu’il a rendue à la rédaction où, pendant une heure d’horloge, il s’est entretenu avec les journalistes de L’Observateur paalga. Cette interview est le fruit de cette rencontre que nous avons eue avec celui qui a été élu à l’unanimité par le collège des conseillers, après d’âpres tractations faites par une partie de la corporation qui trouvait à redire sur le mode de nomination et le profil de ceux qui seront chargés de la régulation de l’information et de la communication au sein des médias. Les circonstances de son élection, surtout que pour, une certaine opinion, « il ne ferait pas partie du corps », ses relations avec le Président du Faso ainsi que la touche qu’il compte imprimer au CSC ont été, entre autres, au menu des échanges que l’on a voulu sans langue de bois avec ce juriste et ancien (?) conseiller spécial du locataire de Kosyam. Du reste, c’est au lecteur d’apprécier.

 

 

 

 

Comment vous vous sentez dans vos nouveaux habits, disons votre boubou, de président du CSC ?

 

 

 

Être porté à la tête d’une institution républicaine, c’est toujours un privilège, même si dans le contexte actuel qui est celui du CSC, on peut se demander ce que diable on est allé chercher dans cette galère. Mais avec le soutien de l’ensemble des conseillers et l’esprit d’équipe qui anime tout le monde, on a des forces pour relever le défi.

 

 

 

Quelle analyse faites-vous justement de la crise qui a secoué le CSC ces dernières années ?

 

 

 

Depuis sa création, le CSC a connu des mutations sur les plans institutionnels et juridiques. La crise est donc inhérente à l’histoire même de l’institution. Les facteurs sont de deux ordres : endogènes et exogènes. Au début, quand c’était le Conseil supérieur de l’information (CSI), l’institution était plus perçue comme un appendice du pouvoir exécutif. Du reste, c’est ce que le procédé de désignation de ses membres laissait entrevoir.  Avec le temps, il y a eu sa mutation en Conseil supérieur de la communication (CSC). Le travail mené par feu Adama Fofana a repositionné le CSI, et les gens ont commencé à lui faire confiance. Quand Madame Béatrice Damiba y est arrivée, cela s’est poursuivi et l’institution a pris une place importante dans le concert des institutions au Burkina. Suivant cette évolution, il y a eu l’arrivée de Madame Nathalie Somé sur la base des premières élections du président à l’interne par les conseillers. C’est là où les facteurs endogènes ont eu leur importance dans la crise au sein du CSC.

 

Nous sommes des humains, si vous n’arrivez pas toujours à transcender vos considérations personnelles, lorsque vous cherchez le pouvoir et qu’au finish vous ne l’avez pas, pour travailler avec ceux qui ne vous ont pas voté, c’est très difficile. Vous êtes toujours porté à croire que ceux qui ne vous ont pas voté sont contre vous. Et forcément, le clanisme va naître. Le management des hommes en prendra un coup et cela déteindra sur le fonctionnement de l’institution.

 

 

 

Cette crise a écorné l’image de l’institution ; quelles sont les mesures que vous allez prendre pour y remédier et éviter de retomber dans les mêmes travers ?

 

 

 

Même si les journalistes ne sont pas d’accord, l’une des forces de quelqu’un comme moi, qui n’est pas du milieu, c’est qu’il n’a pas de clan.  Je prends cela déjà comme un avantage. L’ensemble des conseillers et moi, nous ne sommes ni pour X ni pour Y.  Nous sommes là pour le bon fonctionnement de l’institution CSC. J’ai déjà eu une rencontre avec l’ensemble des conseillers pour dire au personnel que s’il pense aujourd’hui qu’il peut continuer à évoluer en fonction des clans, il se trompe. Tout le monde nous regarde et nous n’avons pas droit à l’erreur. Nous sommes là pour travailler et nous devons la loyauté à l’Etat. C’est un principe qui ne se discute pas. Je crois que, pour le moment, les gens ont compris et se sont engagés. Nous avons donc mis immédiatement en place un comité ad hoc composé de cinq conseillers pour recueillir les doléances de chacun. Qu’est-ce qui ne va pas ? Qu’est-ce qui nous a amenés dans cette situation ? Qu’est-ce que nous pouvons faire pour en sortir ?... Le comité a deux semaines pour déposer son rapport. En nous inspirant des réponses à ces questions nous allons repartir sur de nouvelles bases.

 

 

 

Il y a eu beaucoup de bruit autour de votre nomination ; est-ce qu’à un moment donné vous ne vous êtes pas senti un peu gêné ?

 

 

 

Pas du tout, au contraire, cela m’a rassuré.  Si vous partez dans un endroit où il n’y a pas de bruit, il y a deux cas : soit c’est un cimetière, soit l’endroit n’intéresse personne. S’il y a beaucoup de bruit, cela veut dire que les gens s’intéressent à l’institution. Dans ces différents sons de cloche, tu regardes ce qui est justifié et ce qui ne l’est pas. Personnellement, je n’ai pas demandé à aller au CSC. Nous sommes tous des serviteurs de l’Etat, nous sommes tous des Burkinabè. Lorsqu’on vous appelle à une fonction ou qu’on vous envoie dans un service, vous devez à un moment donné vous demander pourquoi le choix a été porté sur vous.  La première préoccupation, ce n’est pas de dire que c’est parce qu’il y a des problèmes qu’on vous envoie là-bas. Quand j’ai été nommé, tout le monde m’est tombé dessus, mais j’ai eu la chance, par le passé, d’avoir été commissaire à la CENI. J’ai donc ma petite idée du fonctionnement de ce genre d’institution. Aujourd’hui, j’ai été désigné président d’une institution, quelle sera ma marque personnelle pour éviter certaines situations fâcheuses ? C’est cela, le défi.

 

 

 

Qui vous a désigné, est-ce le collège des conseillers de façon souveraine ou le président du Faso qui vous a imposé ?

 

 

 

Pas du tout. Voilà ce qui s’est passé : j’ai été d’abord proposé par le président de l’Assemblée nationale pour siéger au CSC.

 

Lorsque nous nous sommes retrouvés, nous avons fixé une date pour une première prise de contact. A cette date, les gens allaient exprimer leurs intentions. Il y a eu deux personnes qui étaient intéressées à présider aux destinées de l’institution (NDLR : notre interviewé et Victor Sanou).  Tirant des leçons des facteurs dont on parlait tantôt, nous avons décidé de reporter l’élection au lendemain pour que les uns et les autres se concertent. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés le lendemain après avoir discuté entre nous (les prétendants au poste) la veille.  Il y a eu un consensus sur le président et le vice-président.

 

 

 

Sans qu’on ait forcé la main à personne ?

 

 

 

Pas à ma connaissance. Vous savez qu’en l’espèce, il y a ce que vous avez vécu et ce vous entendez. Souvent vous entendez des choses dehors et vous en êtes dépassé, vous vous demandez si c’est ce qui s’est passé réellement. Si on a forcé la main à quelqu’un, personnellement, je ne suis pas au courant de cela. Quand nous sommes revenus, personne n’a exprimé de sentiment d’amertume à notre endroit pour dire qu’on l’a forcé. Ce qui a prévalu et que je retiens, c’est que tous les neuf, nous avons dit que nous votions la personne par consensus, que nous voulions aller en équipe. C’est ce qui s’est passé quand nous nous sommes retrouvés le lendemain.

 

 

 

Vous venez d’aborder ce qui s’est passé lors de votre nomination. Aujourd’hui, quels sont vos rapports avec Victor Sanou, qui avait menacé de claquer la porte si ses ambitions étaient contrariées ?

 

 

 

Je suis surpris de ce que vous dites. A ma connaissance, il n’a jamais menacé de claquer la porte.  Ce que vous ne savez peut-être pas, c’est qu’il est un grand frère pour moi.  Depuis que je suis élève, dans le cadre du handball, c’est quelqu’un avec qui j’ai eu une très grande familiarité. A deux, nous avons longuement discuté avant d’aboutir à ce consensus. Est-ce qu’il avait menacé de claquer la porte ? Je viens de l’apprendre. Ce n’est pas ce qu’il m’a laissé comprendre. Il m’avait expliqué les raisons pour lesquelles il voulait le poste. Pour avoir déjà été deux fois au CSC, il pensait qu’il pouvait apporter sa contribution au plus haut niveau.  Je lui ai expliqué aussi mes raisons. Parce que pour moi, les accointances avec le personnel peuvent être un handicap. Contrairement à ce qu’on pense, la régulation, ce n’est pas le fait des journalistes. L’ironie du sort, c’est que Victor dirigeait en 2009, je crois, le réseau des journalistes en information judiciaire.  Au lendemain de l’assassinat de Norbert Zongo, j’étais un grand défenseur des droits de l’homme. Je fais partie des premiers qui ont lancé le Collectif pour que justice lui soit rendue. Nous avions repris le flambeau du journal L’Indépendant, même si j’avais un pseudonyme pour pouvoir écrire. D’ailleurs, j’ai obtenu un prix spécial aux Galian dans le domaine de la justice, et c’est Victor Sanou, alors président du jury, qui me l’a remis. Si je vous raconte tout cela, c’est pour vous dire qu’entre lui et moi, il n’y a aucun problème.

 

   

 

Comme « L’Indépendant » ne marche plus, est-ce qu’on peut connaître le pseudonyme que vous utilisiez ?

 

 

 

(Rires). Non, ce n’est plus important puisque après cela, je me suis retrouvé avec le doyen Germain Nama et Newton Ahmed Barry (NDLR : actuel président de la CENI) pour créer le journal « L’Evènement », dont j’ai été le premier gérant.

 

 

 

Votre désignation a été décriée par certaines structures professionnelles des médias. N’est-ce pas un handicap de départ ?

 

 

 

Pas du tout. Ce n’est pas seulement ma désignation, mais aussi celle de certains de mes collègues qui l’ont été. L’intérêt que suscite le CSC va au-delà des individus et des personnes pour qu’aujourd’hui on s’arrête là. Pour moi, le plus important, c’est comment, ensemble, nous devons relancer cette maison sur laquelle toutes ces personnes et structures ont émis des doutes, des appréhensions subjectives ou objectives.

 

Dans un futur proche, je vais inviter à la table de discussion l’Association des journalistes burkinabè (AJB) et le Syndicat national des travailleurs de l’information et de la culture (SINATIC) avec le « kôrô » Siriki Dramé pour que nous regardions quelles sont les insuffisances et leurs préoccupations, car ce n’est pas nous qui adoptons les lois mais le législateur. Ce que nous allons faire, c’est essayer de faciliter les choses, de susciter le débat pour permettre des améliorations. Ce qui est important pour les institutions, c’est de penser à l’ancrage institutionnel dans l’Etat et à la construction de notre Etat. Nous devons avoir suffisamment d’humilité pour toujours nous demander : qu’est-ce qu’on peut apporter comme contribution ? » Il faut aussi qu’on évite de toujours dire que c’est notre organisation qui est la plus représentative ou la plus crédible. Ne jetons jamais systématiquement l’anathème sur les autres. C’est ensemble que nous pourrons trouver des points de convergence dans notre vision. Pour moi, il faut prendre en compte toutes les critiques qui ont été formulées sur ma désignation et celle des autres.

 

 

 

Si ce n’est pas indiscret, comment avez-vous connu le président du Faso et quelle est la nature de vos relations ?

 

 

 

(Rires). J’ai connu le président du Faso quand j’étais encore élève. Nous entretenons une relation de grand frère à petit frère. D’ailleurs, à un moment donné de ma lutte, j’avais des difficultés avec certains camarades, qui étaient toujours dans la théorie de la démarcation physique. Pour eux, je n’étais pas bien. Ils disaient que j’étais un progressiste, c’est-à-dire de gauche. Je suis d’une culture judéo-chrétienne, je suis né catholique, j’ai été éduqué par les prêtres, donc pour moi, ce n’est pas l’idéologie politique qui doit nous diviser. Pour les gens, quand vous êtes au campus et avez une connaissance au niveau du pouvoir, ce n’est pas normal, car pour eux vous jouez double jeu. Tout le temps qu’il a passé à l’ODP/MT ou au CDP, le président ne m’a jamais demandé de militer dans son parti. Mais il m’a toujours considéré comme un petit frère. On se sent donc plus en sécurité avec une telle personne qu’avec ses propres camarades de lutte.

 

 

 

Le Conseil supérieur de la communication (CSC) a presque toujours été considéré comme le gendarme des médias. Vous qui venez de Kosyam où vous avez été le conseiller spécial du président, est-ce que vous ne renforcez pas cette étiquette « gendarmesque » du CSC ?

 

 

 

Je pense que c’est le moment de travailler à effacer cette image de gendarme des médias de la mémoire des gens. Le but essentiel du CSC, ce n’est pas de censurer la presse, c’est d’abord de contribuer à la liberté d’expression. Selon la Constitution, le droit à l’expression libre est reconnu aux citoyens, et la presse ne fait que contribuer à cet exercice de droit constitutionnel. Nous devons au contraire aider les journalistes à être dans une posture où ils donnent l’information juste parce que le citoyen se nourrit de ce que le journaliste écrit. A partir de ce moment, il faut que le journaliste écrive ce qui est juste pour donner aux citoyens la possibilité de distinguer le vrai du faux. Si nous regardons partout dans le monde, dans tous les pays où on a toujours muselé la presse, ça n’a pas marché.

 

 

 

Vous étiez conseiller spécial du président du Faso qui avait la latitude de vous nommer. Comment se fait-il que vous ayez été proposé par le président de l’Assemblée nationale ?

 

 

 

Selon la loi, le président du Faso a la latitude de proposer 3 personnes et le président de l’Assemblée 2. Etant les deux premières personnalités de l’Etat, que ce soit l’une ou l’autre qui me propose, c’est d’abord une reconnaissance. Chacun peut avoir une vision qui n’est pas forcément celle de l’autre. Si le président de l’Assemblée a pensé à ma personne, j’imagine que les deux se sont parlé, l’évidence étant que le PAN ne puisse pas proposer le conseiller spécial du président sans consulter ce dernier et qu’il a pu trouver les arguments justes pour le convaincre. Et si jusque-là on assiste à ce mode de désignation, c’est pour juste répondre à une question de légitimité. Les deux personnalités représentent deux légitimités directes : le président du Faso qui est élu au suffrage universel direct et le chef du Parlement qui est aussi désigné au suffrage direct mais localisé.

 

 

 

Est-ce que vous trouvez normal et même sain que la majorité des conseillers soient désignés par des politiques ?

 

 

 

 Vous savez bien que dans nos pays francophones nos institutions et textes sont généralement de tradition français. Et le modèle du CSC est conçu sur le modèle du CSA français. Et vous connaissez aussi le mode de désignation des conseillers du CSA : trois par le Sénat, trois par le président de l’Assemblée, et le président du CSA est directement désigné par le président de la République. Le CSI ou le CSC ne sont pas tombés du ciel. Mais aujourd’hui cette manière de fonctionner pose problème aux yeux d’un certain nombre d’acteurs. C’est pour cela que je suis personnellement d’accord que nous puissions mener le débat avec l’ensemble des acteurs du domaine pour recueillir les suggestions des uns et des autres qui pourront converger vers quelque chose de plus consensuel, même s’il est difficile d’avoir l’unanimité autour de la question. Voyez aujourd’hui ce qui se passe à la CENI : cela fait 20 ans qu’on est dans ce système. Avec la sortie des commissaires de cette institution, le système est à bout. Parce que quand des commissaires qui ont prêté serment de travailler pour l’institution affirment : ‘’Nous répondrons à tout mot d’ordre de notre chapelle politique’’, c’est fini. Ce qui veut dire que ce qu’on a pris pendant longtemps comme étant le meilleur modèle ne l’est pas en réalité. C’est la même chose avec le CSC. Je suis donc d’avis que lorsqu’il y a problème, et surtout si ce sont les professionnels qui le posent, que l’on ouvre le débat tout en se disant que le CSC ne peut pas être un organe socioprofessionnel, mais une institution républicaine. Il faut qu’on l’admette, et qu’il y a des règles à respecter du fait même de la Constitution. Si les organisations de médias pensent qu’elles doivent être les plus nombreuses à siéger au CSC, c’est ce débat qu’il faut mener.

 

Si les organisations professionnelles pensent qu’elles doivent non seulement être les plus nombreuses et aussi choisir les dirigeants, il faut qu’on mène le débat. Je suis entièrement d’accord avec vous, comme je vous l’ai déjà dit. C’est pour cette raison que nous allons inviter ces organisations afin que nous puissions échanger avec elles pour dégager des propositions. Nous allons les soumettre ensuite au législateur et ce sera à lui de décider.

 

 

 

En 2014, le CSC avait adopté une mesure visant la protection de l’enfant contre les programmes néfastes des télévisions. Ce qui est ‘’bien, mais ce n’est pas arrivé’’, comme le dirait le commerçant du coin, puisque aujourd’hui les ados font surtout face à des images inappropriées sur ces réseaux. Quel sera votre plan de riposte ?

 

 

 

Il nous faut deux approches. Quelle que soit l’approche que nous allons adopter sur le plan institutionnel, il faut l’implication des parents. Il faut que les parents comprennent que le développement d’Internet est une contribution à l’éducation, mais qu’il peut causer aussi notre perte si nous n’y prenons garde. Vous parlez de réseaux sociaux : aujourd’hui, pratiquement tous les jeunes élèves sont dans des groupes WhatsApp. Combien de parents savent ce qui s’y passe ? Tentez de toucher au téléphone d’un enfant de 13 ans, il le cache. Parce que, dans sa tête, il y a des choses que vous ne devez pas voir. Nous allons aussi spécifiquement tenir un séminaire et nous allons en discuter. Nous comptons sur les directeurs des organes, qui sont aussi des partenaires très importants. Pendant longtemps, on n’avait pas pris en compte cet aspect. Du fait de leur présence à la tête des médias, ils ont beaucoup d’informations qui peuvent servir. Il y a beaucoup d’informations collectées qui ne sont pourtant pas publiées. Mais il faut encore pousser la réflexion, parce qu’il n’y a pas que les contenus des réseaux sociaux. Prenez le cas des télénovelas qui passent à des heures où les enfants sont encore devant la télé. Il y a un problème. Il est clair que nous ne pouvons pas continuer ainsi. Comment nous allons régler ce problème ? Au-delà de nos chaînes, comment nous allons y parvenir avec les chaînes extérieures ? Il n’y a jamais de débat autour des messages que les télénovelas véhiculent. Pourtant tout le monde en voit l’inconvénient. En seulement une année, nous avons par exemple constaté la prolifération d’une nouvelle forme de tabagisme, la chicha. Mais personne n’en pipe mot. Nous en sommes tous responsables parce que nous n’en faisons pas une préoccupation. Qu’un enfant de 13 ou 14 ans se mette à fumer, même pas de la cigarette mais de la chicha, c’est très grave. L’on se demande quelle société nous voulons construire. Voilà une préoccupation à laquelle nous devons nous attaquer en tant qu’acteurs de la presse, de la publicité ou de la communication.

 

 

 

L’une des préoccupations majeures de la profession est la relecture de la loi instituant le Conseil supérieur de la communication ; est-ce que vous allez en faire un cheval de bataille pendant votre mandat ?

 

 

 

Je puis vous dire sans hésiter que cette relecture sera l’une de nos principales tâches pour que tout le monde se reconnaisse dans le CSC. Nous allons ouvrir les débats avec toutes les organisations professionnelles et soumettre les différentes conclusions au gouvernement qui va les transmettre à l’Assemblée nationale pour qu’il y ait le débat. Il est toujours important qu’on échange pour se comprendre entre Burkinabè dans la mesure où ceux qui critiquent ne sont pas contre le CSC. Au contraire, s’ils le font, c’est parce qu’ils ont des propositions pour régler les problèmes de l’institution. Et si ces personnes font des critiques objectives et constructives, il y aura toujours des points de convergence et nous en ferons une préoccupation dans les prochains jours.

 

 

 

Initialement vous venez de la société civile, on a parfois l’impression que cette fameuse société civile, si elle existe encore, sert de tremplin, à beaucoup de ses acteurs, à se mettre en orbite pour arriver aux premières loges du pouvoir. Avez-vous le même sentiment ?

 

 

 

Oui et non. Oui dans le sens où, à un moment donné, on a besoin de tous les acteurs. Il arrive que certains, grâce à leurs compétences dans un domaine donné, soient sollicités pour occuper certaines fonctions. Mais en ce qui me concerne, à un moment donné en 2013, j’ai quitté la société civile ; d’abord du poste de la RADDHO (Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme) et du poste de commissaire de la CENI parce que je voulais m’engager politiquement. Je suis donc passé par la case parti politique avant de continuer. Moi, j’avais en bonne et due forme démissionné. Ce que vous dites s’explique aussi dans la mesure où, que ce soit dans les partis politiques ou dans la société civile, vous êtes engagé. Et c’est ceux qui sont engagés naturellement dans ces structures qui sont généralement appelés à occuper les postes de responsabilité pour servir l’Etat. Je pense aussi que la société civile ne se résume pas à ceux auxquels vous faites allusion. Tous les acteurs du développement qui sont les plus nombreux, tels que les CVD et les organisations paysannes, ne se retrouvent pas tous dans la sphère politique. Et je vous assure que cette composante de la société civile existe toujours. Il y a énormément d’acteurs qui sont vraiment restés société civile et qui ne se sont pas tentés par la politique.

 

 

 

 Alors que vous entamez votre mandat, pouvez-vous nous tracer les principaux axes de votre feuille de route ?

 

 

 

Je crois d’abord que la première mission pour moi sera de ramener la sérénité au sein de l’institution et on ne pourra rien faire tant qu’il n’y aura pas une administration bien établie. C’est une tâche qui ne sera pas facile, je le reconnais, mais nous sommes prêts à relever le défi.

 

Deuxième point, replacer le CSC au niveau où il était dans le concert institutionnel burkinabè et surtout dans la sous-région. Nous savons tous que le CSC était l’instance-phare de la plateforme de l’UEMOA et de la Guinée Conakry. Au niveau de la francophonie, c’était le CSC burkinabè qui était mis en exergue et était l’exemple qui faisait la fierté du Pays des hommes intègres. Mais tous ces acquis sont perdus et il faut qu’on travaille à remonter la pente pour redorer le blason de l’institution. C’est l’engagement pris par mes collaborateurs et moi.

 

 Le troisième axe important sera comment aider nos organes de presse face à la concurrence de la presse virtuelle. Je crois qu’aujourd’hui, peut-être que je me trompe, mais il faut qu’on travaille à alléger les charges des organes de presse. Quand nous voyons comment partout les médias traditionnels mettent la clé sous le paillasson, surtout la presse écrite, nous devons travailler à aider celle-ci à acquérir du matériel lourd pour faire l’impression sans que le journal supporte ces frais. Ce qui sera une contribution énorme qui va leur permettre en retour de se mettre en règle vis-à-vis de la convention collective. Ce qui permettra de revaloriser le traitement des journalistes afin qu’ils soient à l’abri des diverses tentations et manipulations. C’est une préoccupation très importante et qui nous tient à cœur. Nous disons que le CSC doit contribuer à la promotion de la liberté de la presse et cela passe forcément par la liberté et l’autonomie de tous les acteurs de la liberté de la presse. L’acteur principal de la liberté de la presse est le journaliste et nous devons veiller à ce qu’il soit indépendant et économiquement fort, ce qui permettra de prendre de la hauteur dans ses analyses pour s’exprimer librement, car il a été formé à cet effet.

 

Enfin, avec le développement du numérique, un autre aspect important sera de travailler à réadapter nos moyens de régulation en fonction du développement de cet outil. Si nous arrivons à travailler sur ces différents schémas et à considérer que nous devons restructurer le CSC en lui donnant les moyens pour travailler, les résultats seront satisfaisants au grand bonheur de tous les acteurs. Cinq ans, c’est vite passé et ceux qui viendront après nous auront de la matière pour travailler et poursuivre l’œuvre commune.

 

 

 

Entretien réalisé par

 

Hadapté Dah

 

Dernière modification ledimanche, 26 août 2018 23:39

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut