Audition Général Diendéré : La boîte noire va-t-elle livrer tous ses secrets ?
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Depuis neuf bons mois que ce procès marathon dure, on a entendu les différents protagonistes ou présumés tels du putsch de septembre 2015 :
- des sous-officiers et des hommes du rang de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP) enivrés par le pouvoir indu dont ils jouissaient qui ont fait irruption dans la salle du Conseil des ministres pour arrêter le président Michel Kafando, son Premier ministre, Yacouba Isaac Zida, et deux membres du gouvernement (Augustin Loada et René Bagoro) ;
- des officiers dans leurs petits souliers parfois mis devant le fait accompli par des subalternes zélés qu’ils ne maîtrisaient plus;
- des agents doubles qui avaient plusieurs fers au feu et dont on ne sait finalement pas pour qui ils roulaient ;
- des civils qui ont peut-être entretenu des liaisons dangereuses avec la soldatesque, qui se sont investis dans l’accompagnement du nouveau régime ou qui se sont retrouvés comme on dit «au mauvais moment au mauvais endroit».
C’est dire si le puzzle de ce que le président Alpha Condé a qualifié de «coup d’Etat le plus bête du monde» est en train d’être reconstitué au prétoire. On ne sait pas encore si ces audiences permettront d’écrire la vraie histoire de ce pronunciamiento, si on aura la Vérité à l’issue du jugement, mais on en décèle néanmoins certains des tenants et des aboutissants.
L’affaire, qui ronronnait depuis quelques semaines au fur et à mesure que les accusés défilaient à la barre, a en tout cas amorcé son tournant décisif ce lundi 26 novembre 2018. Avec l’entrée en scène du cerveau présumé dont on se demande bien ce que «l’encéphalogramme» révélera qu’on ne sache déjà.
On revoit encore le général Gilbert Diendéré, épuisé par dix jours d’un bras de fer entre lui et ses éléments d’un côté, la rue burkinabè et le reste de l’armée de l’autre, abdiquant piteusement et reconnaissant qu’il n’aurait pas dû se lancer dans cette folle aventure sans issue. «Le plus grand tort a été de faire ce putsch», avait-il lâché en substance.
Hier pourtant au premier jour de sa déposition en barre d’audience, celui qui est poursuivi pour cinq chefs d’inculpation (1) a déclaré à haute et intelligible voix qu’il n’a «ni commandité, ni planifié, ni organisé, ni exécuté ce que les gens ont appelé coup d’Etat». Ce sont donc «les gens» qui ont pris pour tel une situation qu’il a assumée «sur conseils des sages médiateurs et sur accord de la hiérarchie militaire». On croirait entendre le Maréchal Pétain après l’invasion allemande de juin 1940 faisant «à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur». La comparaison, fort heureusement, s’arrête là.
Rien de surprenant en réalité dans cette ligne de défense puisque le prestigieux convive de la salle des banquets a toujours affirmé à qui voulait l’entendre que ce sont les jeunes gens qui ont fait le coup et que c’est malgré lui qu’il se serait retrouvé dans le guêpier. Que cette thèse soit vraie ou fausse, elle confirme en tout cas les propos que d’autres accusés ont tenus. Il est vrai qu’entre petits calculs (question de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier) et grande lâcheté, la crème de l’armée, à commencer par le chef d’état-major général des armées d’alors, le général Pingrenoma Zagré, a pédalé dans la choucroute et on comprend que nombreux soient ceux qui auraient voulu voir ces justiciables pas comme les autres cités ne serait-ce qu’à titre de témoins. Pour l’histoire. Mais comme par hasard, les nouvelles autorités burkinabè sitôt installées ont trouvé des planques sûres pour certains hommes de tenue qui ont joué un rôle-clé en septembre 2015 ; c’est le cas justement de l’ancien CEMGA, du secrétaire général du ministère de la Défense au moment des faits, le colonel-major Alassane Moné, ou du chef d’état-major de la gendarmerie d’alors, le colonel Coulibaly Tuandaba, respectivement nommés ambassadeurs au Ghana et en Egypte et attaché de défense près de l’ambassade du Burkina en France. N’y voyez surtout pas une quelconque relation de cause à effet.
Ce n’est donc pas la faute de Golf mais de tous ces galonnés ainsi que de l’ancien président Jean-Baptiste Ouédraogo et de l’archevêque métropolitain de Bobo, Mgr Paul Ouédraogo, qui ont fait les bons offices. Mais aussi, selon Diendéré, de Zida, présenté comme le diable personnifié qui aurait poussé à la faute ses anciens compagnons en instrumentalisant des OSC acquises sur fond de débauche de moyens et en manipulant Mba Michel. Là également, rien de bien newzy tant il est de notoriété publique que l’ex-numéro deux du RSP, qui s’attribue aujourd’hui le beau rôle dans son autobiographie (2), a joué un jeu trouble pendant la Transition, même si cela ne saurait être une excuse absolutoire pour ceux qui seraient tombés dans son piège. Tout au plus ce contexte sociopolitique permet-il de mieux donner du sens à ces vicissitudes.
On attend donc encore le scoop. On ne sait pas combien de temps l’homme mince va passer sous les fourches caudines de la justice militaire et de quels éléments concrets disposent les juges, le parquet et les avocats des parties civiles et de la défense, mais sauf développements ultérieurs, on a bien peur que celui qui était présenté comme la boîte noire du régime Compaoré ne crache pas sur cette période sombre de notre histoire récente des secrets susceptibles de faire sauter la république mille fois. Et qu’au finish, tous ceux qui sont suspendus à ses lèvres depuis 24 heures soient déçus. A moins qu’il ne veuille pas couler seul.
Et si finalement celui qu’on devrait surtout attendre et entendre était le général de gendarmerie Djibril Yipènè Bassolé, présenté par nos confrères de « Courrier confidentiel » comme «le vrai cerveau du putsch » mais dont les avocats ont toujours nié l’implication, criant à la cabale politicienne et à la vacuité du dossier ? Est-ce un pur hasard si les juges ont réservé pour la fin ce qui pourrait s’avérer le meilleur morceau ?
Ousseni Ilboudo
Notes :
(1)Attentat à la sûreté de l’Etat, meurtres, coups et blessures volontaires, incitation à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline militaires et trahison.
(2) « Je sais qui je suis »
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