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Roger Koussoubé dit Le Touareg : «Je n’ai jamais été le messager de Diendéré »

A la faveur des auditions complémentaires voulues par le président de la chambre de première instance du tribunal militaire de Ouagadougou, Seidou Ouédraogo, le sergent-chef Roger Koussoubé dit le Touareg était, de nouveau, à la barre hier, mardi 22 janvier 2019. Il a maintenu ses propos tenus du 10 au 13 juillet 2018, lorsqu’il comparaissait pour la première fois. Il a martelé n’avoir jamais été le messager du général Gilbert Diendéré contrairement à ce que soutiennent ses coaccusés ; message à partir duquel il y a eu l’arrestation et la séquestration  des autorités de la Transition, le 16 septembre 2015.

 

«Nous appelons à la barre le sergent-chef Koussoubé Roger Joachim Damagna. En rappel, vous êtes poursuivi pour attentat à la sûreté de l’Etat ; meurtre ; coups et blessures volontaires ; dégradation volontaire aggravée de biens ; et incitation à commettre des actes contraires au devoir et à la discipline militaire. Vous aviez déjà comparu les 10, 11, 12 et 13 juillet 2018, est-ce que vous maintenez vos déclarations ? », a dit en guise d’introduction, Seidou Ouédraogo, après avoir examiné une demande d’autorisation d’absence de l’accusé Mamadou Traoré (voir encadré).

Et le sergent-chef Koussoubé alias Le Touareg de signifier qu’il entend maintenir ses propos. A travers un bref rappel des faits qui ont précédé l’arrestation des autorités de la Transition, il a déclaré qu’il était en ville, le 16 septembre 2015, lorsqu’il a reçu, entre 13h et 13h 30, un appel téléphonique de l’adjudant Jean Florent Nion. Ce dernier lui disait de venir au palais avec le sergent-chef Laoko Mohamed Zerbo et le caporal Sami Dah, raison pour laquelle, il les a appelés au téléphone.

«Vous avez également appelé le caporal Hamidou Drabo, était-ce sur instruction ou c’était sur votre propre initiative ? », lui a demandé Seidou Ouédraogo. A en croire le natif de Bobo-Dioulasso, marié et père de 5 enfants, cet appel a eu lieu le 17 septembre et lui a été demandé par le promotionnaire de l’intéressé qui s’inquiétait de l’avoir perdu de vue depuis que le quartier avait été consigné. C’était à peu près le même argument qui l’a conduit à contacter le soldat Seydou Soulama.

«Avez-vous instruit le caporal Dah Sami de rejoindre la sécurité du général ? », a poursuivi le juge Ouédraogo dans sa quête d’éléments complémentaires pour asseoir la conviction du tribunal sur cet aspect. «Je ne l’ai pas instruit. C’est le major Badiel qui a fait l’articulation, il m’a dit de rester dans la sécurité du général. J’ai dit que je ne me sentais pas, il a alors demandé s’il y avait un élément du GUS. J’ai répondu par l’affirmative en donnant le nom de Dah Sami, donc il a dit de me remplacer. Je ne peux pas imposer le caporal dans le dispositif de l’adjudant-chef Moussa Nébié dit Rambo, il est plus gradé que moi », s’est justifié le mis en cause.

Dans la foulée, Seidou Ouédraogo a notifié au quadragénaire (né le 3 septembre 1976) que le major Badiel et l’adjudant Nion l’ont identifié comme celui qui a apporté le message du général Diendéré, leur ordonnant d’exécuter le pronunciamiento et de venir le chercher, une fois l’action terminée.

Mais le sous-off s’inscrit en faux : «Je n’ai jamais été le messager du général Diendéré. Jamais le général ne m’a dit de voir ni le major Badiel, ni l’adjudant Nion au moment des faits. Le major était l’adjoint du capitaine Dao, commandant du GUS. Nion était l’adjoint à la sécurité du président Kafando. Leur mission était de sécuriser le président. Si j’étais venu avec un message du général pour qu’il fasse un coup d’Etat, ce qui est archifaux, ils devaient m’arrêter immédiatement. Ils pouvaient me conduire directement chez le général pour vérifier l’info. Moi, sergent-chef, étant à la place du major Badiel, je sais qu’un coup d’Etat est illégal, aucun chef militaire ne va donner cet ordre. Si j’étais face à cette situation, dès que je sortais du domicile du général Diendéré qui est à 1 000 mètres du camp Paspanga, j’allais prendre le soin d’informer mon épouse, mon conseil, des journalistes, etc., et là je sais que j’allais être en sécurité en y allant pour faire ma déposition. Je n’ai pas l’expérience du major mais en tant que sergent-chef, c’est ce que j’aurais fait».

 

Koussoubé ne veut plus parler des clans

 

Avant de clore le chapitre des éclaircissements, le sergent-chef Koussoubé a précisé qu’il ne souhaitait plus revenir sur l’histoire des clans qu’il avait évoquée lors de sa déposition. Il croit n’avoir pas été la seule personne à en avoir fait cas et estime que si le général Bassolet dit ne pas disposer de clan, lui, sergent-chef, n’a plus quelque chose à ajouter dans ce sens.

L’accusé ne savait certainement pas qu’en exprimant sa volonté de ne plus y revenir, il ouvrait «un champ de tir » au parquet militaire qui,  lui, a débuté ses questions sur les clans au sein du RSP.

 «Hier, nous avons dit que le procès, c’est un moment de débat contradictoire, mais nous ne sommes pas d’accord que l’accusé ne veuille plus parler de clans. C’est votre droit et le tribunal va apprécier. Ce qui est sûr, c’est vous qui en aviez fait cas. Donc, est-ce que ces clans ont existé oui ou non, chef Koussoubé ? », a demandé le ministère public.

La réplique du mis en cause ne s’est pas fait attendre : «Comme il insiste, Monsieur le président, le colonel-major Boureima Kiéré a indiqué qu’il y avait des pro-Zida, ceux qui étaient restés fidèles au corps et des non-alignés. Je n’étais pas le seul. Le général Djibrill Bassolet dit qu’il n’a pas de clan, moi sergent-chef, je suis trop petit pour revenir sur les propos d’un général ».

«Est-ce qu’avant l’assaut, vous avez été oui ou non au niveau du palais, précisément sous le hall ? », a par ailleurs demandé le parquetier. L’accusé a répondu par la négative en dépit des propos de certains coaccusés qui soutiennent tout le contraire.

«Pourquoi alors le major Badiel et l’adjudant Nion cherchent à vous mettre en cause ? », a ajouté le procureur.

«Monsieur le président, c’est parce que j’étais absent. De retour de la Côte d’Ivoire, j’avais quatre mandats de dépôt. J’étais dans le dossier Yimdi, celui du pont Nazinon, j’ai pris trois mois pour désertion, et le dernier, c’est celui du putsch manqué. Les gens m’ont chargé mais à quelque chose malheur est bon. Si je n’étais pas rentré, on allait me juger par contumace et j’allais purger le maximum dans ces différents dossiers, 100 ans, j’allais perdre ma nationalité. De mon vivant, je ne vais jamais accepter que des gens mentent sur moi. Je sais que vous allez m’acquitter comme dans les deux premiers dossiers, Monsieur le président », a expliqué Le Touareg qui ne reconnaît d’ailleurs pas ce sobriquet qui lui colle la peau depuis le début de ses démêlés avec la justice.

Les débats entre le ministère public et le mis en cause ont également porté sur une somme d’argent que ce dernier aurait remise au caporal Sami Dah. Sur ce point, chef Koussoubé s’est lancé dans une narration en précisant que le capitaine Flavien, qui était son commandant d’unité jusqu’en août 2015, l’avait informé de ce que Yacouba Isaac Zida (ndlr : l’ancien Premier ministre), cherchait à le rencontrer. « Il m’a donné un message de Zida me disant de prendre une nouvelle puce, ce que j’ai fait et 48h plus tard, il m’a appelé. J’ai enregistré la conversation pour servir de preuve au cas où il y aurait un problème. Il m’a dit de travailler avec le capitaine Flavien pour la cohésion du corps. Un jour, Sami Dah me présente 3 à 4 millions de francs CFA, de la part du PM. J’ai montré cet argent à Céleste Coulibaly, mon chef de corps, et à Boureima Kiéré qui m’ont dit de repartir avec. J’ai ensuite appelé le capitaine Flavien pour vérifier si  c’est exact et il m’a assuré que c’est ça. J’ai reçu par deux fois de l’argent pour un montant cumulé de 8 millions. J’ai su que le caporal Dah a été honnête avec moi. J’ai donc enlevé la moitié et lui ai remis le reste, ce n’était pas pendant les événements », a fait savoir l’accusé, la main sur le cœur.

Mais cela n’a pas convaincu le parquet militaire qui fait plutôt allusion à des devises étrangères. «Dans le P-V d’interrogatoire du caporal, il dit avoir reçu de l’argent pendant la période du putsch. Il dit ceci : le 18 septembre 2015, Koussoubé m’a donné 500 000 francs CFA au poste Delta. Le 19 septembre, il m’a remis 1 million FCFA, 10 billets de 100 dollars, 20 billets de 50 dollars et d’autres devises. J’ai gardé cet argent dans mon sac qui était dans un des véhicules qui assurait la sécurité du général. Qu’en dites-vous, chef Koussoubé ? ».

A cette dernière question, le mis en cause a préféré que le caporal revienne à la barre pour s’expliquer. «Je ne peux pas expliquer à sa place », a-t-il insisté.

«Mais pourquoi et à quelle fin devaient servir les 8 millions de francs du PM ? », a demandé le parquetier. «C’est lui seul qui peut répondre à cette question », s’est contenté de répondre Koussoubé dans un premier temps avant d’être plus explicite sur le contenu de la communication avec Yacouba Isaac Zida qu’il a retranscrite dans son calepin.

 

«Même Ben Laden n’a pas été traqué comme l’a été mon client »

 

Me Alexandre Sandwidi, avocat du sergent-chef, a d’emblée relevé que le parquet militaire n’a aucun élément contre son client n’eût été la vidéo qu’il vient de brandir. Il s’agit, en effet, d’image montrant Roger Koussoubé dans les locaux de la radio Savane Fm au moment des faits. Il ne sait d’ailleurs pas à quel moment de la procédure, cette pièce a atterri dans le dossier puisqu’elle n’avait jamais été discutée lors de l’instruction, d’où déjà le problème de son authenticité.

Du reste, l’accusé avait reconnu sa présence en ces lieux mais a rejeté le terme «descente musclée», employé par la partie poursuivante.

Sur un autre chapitre, Me Sandwidi ne comprend pas pourquoi la personne qu’on qualifie de messager du général Diendéré n’a pas cherché à voir «Golf » quand ils sont allés à son domicile. «Monsieur le président, comment quelqu’un qui a apporté un message disant de faire un coup d’Etat, quelqu’un qui est vu comme un instigateur du putsch, peut se rendre chez le général et se mettre en dernière loge, en retrait et ne pas chercher à savoir si le général confirme l’information ? Comment se fait-il qu’il ne s’asseye pas avec Nion ? De ma petite carrière, c’est léger comme argument, il ne peut pas être retenu sur la base de cet élément », a plaidé le conseil, pour qui son client n’a rien fait dans cette affaire. Il s’est dit également surpris que son client ait été présenté comme le cerveau, l’élément dangereux de l’ex-RSP alors qu’il n’y a rien, dans ce  dossier, qui puisse établir sa responsabilité. «Ce n’est pas possible qu’on le présente comme le cerveau de l’opération, sa photo est sortie dans les journaux où il était le wanted (l’homme recherché), j’ai comme l’impression qu’il incarnait toutes les mauvaises choses qui se passaient au RSP, même Ben Laden (ndlr : Oussama Ben Laden, commanditaire des attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis)  n’a pas été traqué comme il l’a été. Et de tout cela, on ne peut pas avoir un élément précis sur ce qu’il a fait. Tout ce qu’on a, ce sont des propos de coaccusés, mis en cause par ces personnes, elles-mêmes. A ce stade, on ne devrait plus être au conditionnel : Dah Sami dit que Koussoubé devrait être au courant du putsch », a développé l’homme en robe noir qui n’a pas non plus manqué d’argument pour tirer son client d’affaire concernant l’argent qu’il aurait remis au caporal Sami Dah. «Le parquet militaire veut exactement insinuer, à travers les devises étrangères, que mon client a reçu de l’argent du général Diendéré. Quelle est la valeur ajoutée à l’instruction du dossier ? Cet argent devait servir à quoi ? Pour l’argent de Zida, il ne l’a pas caché », a indiqué l’avocat.

L’audience reprend ce 23 janvier 2019, dans la salle des Banquets de Ouaga 2000.

 

San Evariste Barro

Aboubacar Dermé

 

Encadré

Me Traoré n’ira pas à la CCJA

 

Dès la reprise de l’audience, le président Seidou Ouédraogo a débuté par l’examen d’une demande d’autorisation d’absence, introduite par l’accusé Me Mamadou Traoré. L’avocat a expliqué qu’il souhaiterait se rendre à la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) de l’OHADA pour des raisons professionnelles. Il dit avoir reçu la notification le 17 janvier dernier et doit y être le jeudi 24 janvier à 10h. «Je souhaite donc m’absenter mercredi pour revenir le vendredi, Monsieur le président », a formulé l’ancien bâtonnier.

Invité à se prononcer sur la question, le parquet militaire dira ceci au juge Ouédraogo: «La loi dispose que dès l’ouverture des débats, il vous revient de prendre toutes les mesures pour que le procès se déroule sans un retard excessif. Nous aurions été plus à l’aise si c’était des questions d’ordre sanitaire. Mais nous estimons que c’est de votre imperium d’en décider souverainement et conformément à la loi ».

A la reprise, dans l’après-midi, le président a jugé la requête recevable en la forme mais l’a rejetée comme étant mal fondée. Autrement dit, l’ancien bâtonnier n’ira pas à la CCJA.

 

A.D.

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