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Procès putsch manqué : « Je défendrai Diendéré jusqu’à ma mort » (Me Olivier Yelkouni)

L’audience du procès du putsch manqué de septembre 2015 s’est poursuivie hier, mercredi 27 mars 2019, avec la diffusion des écoutes téléphoniques suivie des observations et questions des différentes parties au procès. Elle a été marquée par une passe d’armes entre Me Olivier Yelkouni de la défense et son confrère Hervé Kam de la partie civile. On retiendra à ce propos cette déclaration de Me Yelkouni : « Je défendrai le général Diendéré jusqu’à ma mort ».

 

 

La grande majorité des éléments sonores diffusés en cette journée d’audience portait sur le processus de désarmement de l’ex-Régiment de sécurité présidentielle (RSP). Dans une conversation téléphonique, un certain Bili prend des nouvelles du Burkina Faso avec le général Diendéré. Il lui demande s’il a le moral haut. « Le moral est à terre maintenant », a répondu le cerveau présumé du coup de force, avant de signifier à son interlocuteur au bout du fil que le camp Naaba Koom a été pilonné à l’artillerie lourde. « C’est fini. Le camp n’existe plus », a-t-il ajouté. Des informations qui aiguisent la curiosité de Bili. Il demande au général s’il est en sécurité. Celui-ci répond par l’affirmative. Il veut ensuite savoir s’il y a eu des morts. « Je n’ai pas été là-bas, mais je suis sûr qu’il y a eu des pertes en vie humaine ».

Au début de la communication, celui qui a demandé au général de l’appeler Bili fait savoir au père spirituel de l’ex-RSP que ce qui a été dit n’est pas la position de la CEDEAO. « Il faut dire aux jeunes de tenir bon. Un émissaire de la CEDEAO viendra ». Le général se presse de lui demander le jour où cet émissaire viendra parce que les choses sont en train de prendre une autre tournure à Ouagadougou.

Le 26 septembre à 22h39mn, le général reçoit un appel. C’est Sidi Lamine Oumar qui vient aux nouvelles. Le sociologue malien veut s’assurer que le général a le moral. « C’est grave, ils ont gelé vos comptes », a-t-il lancé. Golf tempère. « Ce n’est pas grave. Je n’ai rien dans mon compte ». Pour ce qui est du désarmement, Gilbert Diendéré dit à Sidi Lamine que les militaires de l’ex-RSP permettent aux hommes qui conduisent l’opération d’enlever un peu un peu les armes. Il ajoute même que d’ailleurs, les armes récupérées ne sont pas celles de la garde prétorienne. Des propos qui ont rassuré Sidi Lamine. Celui-ci finit sa communication par des bénédictions.

Les dernières affirmations du général vont renforcer la conviction du parquet selon laquelle certains hommes du RSP n’étaient pas sincères dans le cadre du désarmement. « Le général dit qu’ils donnaient un peu un peu. Et même que le matériel remis n’appartenait pas au RSP, que c’est celui récupéré lors de la mutinerie de 2011 », a signifié le ministère public. Pour Me Hervé Kam, avocat de la partie civile, les militaires du RSP qui refusaient le désarmement n’agissaient pas de leur propre chef. Ils n’étaient donc pas des indisciplinés. Ils obéissaient, selon lui, à des ordres illégaux.

Dans un entretien téléphonique avec le colonel Bamba, le général lui faisait savoir qu’il allait lui faire parvenir deux enveloppes. Une pour lui et l’autre pour le colonel Abdoul Karim Traoré. Appelé à la barre pour réagir après l’écoute de l’audio, le colonel Bamba a fait cette précision au parquet. « Je n’ai pas de commentaire. Sauf cette précision : je n’ai pas appelé le général. C’est lui qui m’a appelé ».

Un détail qui lui vaudra les félicitations du parquet et des avocats de la partie civile. Selon Me Séraphin Somé, il y a deux catégories d’accusés. La première est celle qui continue à se réfugier dans la dénégation. La deuxième, a-t-il indiqué, est celle portée par le colonel Bamba. « Bamba est l’homme qu’on peut présenter comme le visage du coup d’Etat, mais quand il est arrivé à la barre, il a fait profil bas. Ce matin encore c’est ce qu’il a fait. Mais son vis-à-vis, le général, continue dans la dénégation ».

Fatimata Thérèse Diawara, qui a refusé de commenter les écoutes, a, dans un entretien avec le général, affirmé, qu’elle a pu réunir les 40 millions, mais l’inquiétude résidait dans l’acheminement de l’argent jusqu’au camp Naaba Koom. Mais cela ne semblait pas être un gros problème puisque dame Diawara a signifié que quelques éléments de la gendarmerie nationale étaient acquis à leur cause et ceux-ci pouvaient faire parvenir l’argent. Dans le même appel, elle annonçait au général Diendéré que le général Bassolet a été arrêté. « Ils sont allés arrêter Bassolet chez lui. Il m’a dit ne pas m’inquiéter que s’il y a une issue, il va me faire signe ». Après cette information le cerveau présumé du putsch lance ceci : « Ça va être compliqué maintenant ».

Dans un développement, Me Kam a attribué le grade de général à Fatimata Diawara. Une erreur qu’il a vite rattrapée. Même s’il reconnaît que l’ex-belle-fille de Golf donne des instructions comme un chef militaire. Pourtant son confrère Me Séraphin Somé est d’avis avec lui. « Il est vrai que mon confrère Me Kam a commis un lapsus, mais il sera difficile de trouver des femmes de la trempe de dame Diawara dans notre pays. Tutoyer des généraux, des gens que nous, nous craignons, c’est osé. Mais elle, elle l’a fait ».

Pour Me Latif Dabo de la défense, le parquet jette l’anathème sur les accusés, car n’arrêtant pas de dire qu’ils ont pris un chemin sans issue. Dans ses observations, l’avocat a remis en cause le mode opératoire utilisé par le ministère public pour identifier les voix. « Nous entendons une voix féminine, certes, mais rien ne dit que c’est celle de Fatimata Thérèse Diawara. Le parquet dit que telle inconnue serait Rebecca, telle autre inconnue serait Diawara. Nous sommes en droit et le parquet doit prouver ce qu’il avance ».

Son confrère de la défense Me Olivier Yelkouni, lui, prendra la parole pour s’attaquer à deux avocats de la partie civile, notamment Kam et Somé, qu’il a qualifiés d’avocats de Yacouba Isaac Zida. Me Yelkouni a fait savoir à ces derniers qu’il a opiné, opine et opinera. « Je suis ici pour cela, autrement, j’allais rester chez moi. Je n’ai pas de leçon de défense à recevoir des avocats de Zida ».

Comme il fallait s’y attendre, ceux qu’on qualifie d’avocats de Zida, ne sont pas restés de marbre. Me Kam, lui, a signifié qu’il préfère défendre une victime que de plaider pour un putschiste. « Je suis fier de défendre une victime qui qu’elle soit ». Et la passe d’armes continue. Me Yelkouni répondra qu’il n’est pas moins fier de défendre le général Diendéré. « Je le défendrai jusqu’à ma mort. Monsieur le président, c’est vous-même qui avez dit ici que si quelqu’un sait qu’il ne peut pas recevoir de coup, il ne faut pas qu’il soit le premier à en donner ». Ambiance !

Dans la suite de l’examen des audio, il est ressorti qu’un élément a été enregistré deux fois avec des heures différentes. Une chose que la défense ne comprend pas et sur laquelle elle aimerait avoir des explications. Le parquet ayant été incapable de donner une réponse convaincante, la partie civile est venue à son secours. Pour Me Kam, l’essentiel c’est le contenu. « Qu’un agent ait mis deux fois le même fichier, on s’en fout ». Me Pierre Yanogo, lui, dira à la défense de formuler une requête si elle en a une. Ainsi, ils pourront débattre.

 

La défense n’en revient pas. Pour elle, la partie accusatrice, qui a fourni les pièces, est incapable de justifier cet état de faits et c’est la défense qui doit avoir les arguments pour justifier ce dysfonctionnement… « Waouh !» s’est exclamé Me Dabo.

Me Mamadou Sombié, l’avocat du colonel Mamadou Bamba, est mal à l’aise quand il entend les félicitations pleuvoir sur son client. Il se demande si ce n’est pas du ‘’blaguer tuer’’. « Mes confrères Kam et Somé sont du Sud-Ouest. Quand ils partent au combat, ils n’y vont pas avec une seule flèche. C’est avec plusieurs. Je serai plus à l’aise de les voir lors des plaidoiries plaider en faveur de mon client ».

Dans les éléments sonores, un certain Soumaoro a appelé le général Gilbert Diendéré et a passé le téléphone au général Soumaïla Bakayoko. Le ministère public a déploré ce qui est dit dans ce long entretien. Pour le parquet, on ne donne pas de tels conseils à son ami. En effet, dans l’élément sonore, le général Bakayoko dit à Diendéré de créer des incidents pour avoir l’avantage, car c’était la seule solution face aux agissements de la CEDEAO. Diendéré en retour lui a dit qu’il se sentait seul, qu’il ne sentait plus que les hommes étaient engagés. Il ne compte plus trop sur les officiers, ceux dont il peut encore espérer quelque chose, ce sont les soldats du rang et les sous-officiers. Son interlocuteur lui fait savoir que lorsqu’un militaire est coincé, la solution c’est de sortir avec force. Il signifie à Diendéré que s’il y a une attaque contre le RSP, les chefs seront les premiers à être visés. Il demande donc au général de revoir sa copie.

Entre-temps, Diendéré lui affirme que les choses coincent. Alors Bakayoko lui dit de profiter de cette situation de blocage. « Quand un soldat est pris dans une situation, il tire pour se dégager », a conseillé l’ancien chef militaire de l’ex-rébellion de Côte d’Ivoire. Qui n’a pas manqué de faire une comparaison avec la crise ivoirienne de 2010. « Quand ils nous ont dit de poser les armes, nous leur avons dit que s’ils sont garçons qu’ils viennent ». Selon le parquet, le général Bakayoko donne des conseils qui ne sont pas bons, car la solution pour lui, c’était l’affrontement entre frères d’armes du Burkina Faso.

Dans son entretien avec l’ancien président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire, Guillaume Soro, le cerveau présumé du pronunciamiento lui faisait le point de la situation. Il lui annonçait par la même occasion que le général Djibril Bassolé avait été arrêté. Soro lui demande s’il a appelé le président ivoirien Alassane Ouattara. Il répond par la négative. Soro prend l’engagement de le faire.

L’audience se poursuit le vendredi 29 mars 2018 dans la salle des Banquets de Ouaga 2000, toujours avec les éléments sonores.

 

San EvaristeBarro

Akodia Ezékiel Ada

Dernière modification ledimanche, 31 mars 2019 20:08

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