Menu

Affaire du charbon fin«Essakane ne s’amuserait pas à ça»(Marie Diop, chargée de communication)

Les responsables de la société minière IAM GOLD Essakane SA ont initié une visite de presse sur leur site (Dori), le 31 mai 2019. Les journalistes d’une trentaine d’organes de presse ont suivi, le temps d’une demi-journée, le processus de traitement du minerai avec un accent particulier sur le rôle du charbon actif dont les résidus constituent le charbon fin, lequel justement qui est l’objet d’une polémique depuis que 30 conteneurs de cette matière ont été saisis à Bobo-Dioulasso, le 29 décembre 2018. Après le communiqué de presse que la société avait déjà produit pour lever toute équivoque sur le caractère frauduleux de l’expédition (cf. L’Obs. numéro 9857 du 21 mai 2019), elle a voulu, par ce stage pratique, donner des «informations justes et vraies» sur la question. Selon la chargée de communication de l’entreprise, Essakane ne s’amuserait pas à s’engager dans la fraude.

 

 

7h15 à Dori. «La sécurité est là, on embarque !», venait d’annoncer l’un des responsables à la communication de la mine. L’équipe s’exécute et emprunte la route Dori-Essakane, longue de 45 km. Après une heure de trajet, en bonne partie cahoteuse, dans une zone quasi déserte, elle voit poindre les installations de l’entreprise. Il s’ensuit d’interminables contrôles et protocoles de sécurité pour les visiteurs du jour qui prendront place dans une salle pour un briefing. La conduite à tenir sur le site, le but de la randonnée et surtout l’itinéraire sont expliqués avant que les «miniers d’une matinée» n’enfilent la combinaison de rigueur : gilet, casque, gants, bottes et lunettes. Première destination : la fosse principale.

 

C’est la plus grande des trois que compte le site (250 m de profondeur sur 1 km de long). «C’est d’ici qu’est extrait le minerai qui contient l’or. Pour avoir une tonne de minerai, il faut extraire trois tonnes de stérile. Sur la tonne de minerai, vous avez seulement  1g d’or. C’est une mine à très faible teneur» (1), indique le directeur général d’IAMGOLD Essakane SA, Mohamed Ourriban. Selon ses propos, 160 tonnes de matières «bougent» chaque jour. Il invite, dans la foulée,  ses élèves du jour à converger vers l’usine pour en savoir davantage sur le protocole technique à franchir pour obtenir le métal jaune.

 

Là-bas, c’est l’opératrice principale de la salle de contrôle qui prend la relève. Voici les principales étapes décrites méticuleusement par Salamata Kagambega : fragmentation du minerai, passage dans les broyeurs, classification en fines et en grosses particules, tamisage, décantation. Ensuite, dit-elle, intervient le charbon actif qui agit comme un absorbant. « On l’ajoute au niveau du dernier tank. Il capte le maximum d’or et l’emprisonne. Pour récupérer le métal précieux, nous préparons une autre solution, à savoir de la soude caustique et de l’eau chaude. L’or sort sous forme de liquide et c’est ce qui est utilisé pour la coulée (en lingots) au niveau de la salle d’or », décrit-elle. Au bout de ce processus, 92 à 95% de l’or est isolé. «Le charbon qui a été dissocié du métal ne doit surtout pas être jeté puisqu’il contient également de l’or qu’on peut toujours récupérer. Il est donc transféré vers un autre secteur qu’on appelle la régénération. Il passe enfin dans un four à 750 degrés. Ça donne du grossier et du fin charbon», conclut-elle.

 

«On n’est pas capable de le traiter dans l’immédiat»

 

Mais que devient alors ce produit fin ? Réponse de la chargée de communication de la mine, Marie Diop : «L’année dernière, nous avons pris la décision d’exporter ce charbon fin. Nous avons lancé un appel d’offres international pour recueillir des propositions, rechercher des fonderies qui nous proposeraient le meilleur taux en termes de paiement. Nous en avons retenu une et le contrat a été signé. Le 29 août 2018, nous avons demandé à notre ministre de tutelle une autorisation pour expédier ce stock qui s’est accumulé parce qu’on n’est pas capable de le traiter dans l’immédiat. Nous avons eu un accord de principe en octobre : d’accord, a dit en substance le ministre, mais je demande avant toute expédition qu’il y ait la présence des services techniques pour contrôler l’estimation des quantités ».

 

A en croire Madame Diop, des agents de la Direction générale des mines et de la géologie, du BUMIGEB et des Douanes ont séjourné à la mine pendant deux semaines pour effectuer les différents contrôles. La lettre définitive marquant l’accord du ministre des Mines et des Carrières leur est parvenue le 14 décembre. Quatre jours plus tard, c’est le service des Douanes qui donnait également son feu vert pour l’opération, la 3e du genre, qui s’est soldée, cette fois-ci, par la saisie de la cargaison à Bobo-Dioulasso, par la Brigade nationale antifraude de l’or (BNAF).

 

«Est-ce qu’Essakane, la main sur le cœur, peut rassurer les Burkinabè qu’elle n’a pas tenté de frauder ? » A cette question d’un confrère, Marie Diop répond : «Cela fait une dizaine d’années que nous sommes ici. Nous nous imposons de très hautes valeurs en termes d’éthique, de respect des lois aux niveaux national et international. Une compagnie comme la nôtre ne s’amuserait pas à s’engager dans des activités de fraude. Nous sommes cotés sur la bourse internationale, on n’entrerait pas dans ce jeu. C’est moins de 500 kg d’or sur une production annuelle de 14 tonnes. Je ne vois donc pas l’intérêt qu’on aurait en s’adonnant à ce genre de pratiques ». Et d’ajouter que cette partie vendue allait être également répartie entre la société et l’Etat selon le quota conventionnel et qu’il n’y a donc pas de crainte à ce sujet. 

Aboubacar Dermé

 

(1)                A titre d’exemple, des sociétés ont une teneur avoisinant 2g/T

 

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut