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Hépatites : «On peut vivre avec pendant 20 ans sans le savoir» (Dr Moumouni Niaoné)

 

L’hépatite ou, disons, les hépatites, inflammation des cellules du foie, continuent de faire des ravages au sein des populations. A l’occasion de la Journée internationale de lutte contre l’hépatite, célébrée le 28 juillet, Carnet de santé revient sur cette maladie sournoise à travers cette interview du Dr Moumini Niaone, spécialiste en santé sociale, communautaire et comportementale, par ailleurs directeur exécutif de l’ONG Pull for Progress Burkina Faso.

 

 

 

 

Qu’est-ce que l’hépatite ?

 

 

 

Hépatite veut dire simplement inflammation des cellules du foie. Il est important de rappeler que le foie est un organe essentiel dont la défaillance peut être fatale à l’homme : par exemple, quand l’organisme fonctionne, il produit des toxines que le foie se charge de rendre non toxiques pour l’organisme ; quand nous prenons un traitement, certains éléments passent par le foie pour être transformés avant d’agir au niveau de notre organisme ; enfin, le foie produit et stocke l’énergie dont notre corps a besoin pour fonctionner.

 

 

 

Combien de sortes d’hépatites y a-t-il ?

 

 

 

La classification peut varier un peu : il y a les hépatites médicamenteuses, les hépatites virales et les hépatites éthyliques (liées à l’alcoolisme).

 

Pour ce qui est des hépatites virales, ce sont elles qui nous intéressent le plus, nous avons les virus A, B, C, D et E.

 

 

 

Quelle en est la forme la plus grave ?

 

 

 

C’est une question bien récurrente, mais je dirais qu’il faut relativiser. Toutes les hépatites doivent être prises au sérieux.

 

Cependant, les hépatites A et E n’ont pas de forme chronique, c’est-à-dire que leur évolution ne dépasse pas 6 mois, donc il n’y a pas de risque de complications. Elles ont des manifestations bien plus discrètes et le pronostic est beaucoup plus favorable.

 

Les hépatites B et C sont les formes, si l’on s’en tient aux possibilités d’évolution vers des complications, les plus graves. L’hépatite D survient toujours en coïnfection ; cela veut dire qu’elle profite d’une autre infection pour être là et c’est avec l’hépatite B qu’elle arrive à le faire.  On peut retenir que, les hépatites B et C sont relativement les plus graves.

 

 

 

Quelles sont les formes les plus fréquentes au Burkina ?

 

 

 

Notez que presque tout le monde a croisé le virus de l’hépatite A qui se transmet par la voie oro-fécale (le manque d’hygiène, la consommation d’eau ou de nourriture contaminées par le virus, les mains salles, la défécation dans la nature favorisent son expansion).

 

L’hépatite B concerne plus de personnes que l’hépatite C au Burkina. On peut estimer à environ 2 millions les personnes ayant l’hépatite B, et à plus de 600 000 les personnes qui ont l’hépatite C.

 

 

 

Pouvez-vous nous fournir des chiffres sur cette maladie au Burkina ?

 

 

 

Une étude du professeur Nicolas Méda (ex-ministre de la Santé) et de ses collaborateurs en 2011 montre qu’au Burkina Faso, sur 100 personnes, 9 avaient l’hépatite B et environ 4 l’hépatite C. Mais il est important de retenir que la répartition des hépatites n’est pas homogène au Burkina, il existe des zones à forte prévalence. 

 

 

 

 

 

Quelles sont les causes de l’hépatite ? (Il s’agit de la forme la plus fréquente)

 

 

 

Il existe trois importantes causes :

 

- Les causes virales, de loin les causes les plus importantes, et comme je le disais plus haut, il y a cinq principaux types de virus : A, B, C, D, E.Environ 325 millions de personnes dans le monde avaient une hépatite virale B ou C en 2015 selon l’Organisation mondiale de la Santé.

 

- Les causes liées à l’alcoolisme

 

- Les causes médicamenteuses (particulièrement les médicaments de rue, les décoctions dont on ne connaît pas les compositions)

 

 

 

Y a-t-il des manifestations, car à ce qu’on dit certaines personnes l’ont sans le savoir ?

 

 

 

Oui, c’est ce qui fait de l’hépatite une maladie dramatique. Les Anglais l’appellent « Silent Killer », tueur silencieux. Ils ne se manifestent pas en général, on peut faire plus d’une vingtaine d’années sans savoir qu’on l’a. Quand on découvre qu’on l’a, c’est déjà trop tard. La période entre l’infection et les premiers signes varie selon le virus en cause : de 30 à 120 jours pour l’hépatite B et de 2 à 12 semaines pour l’hépatite C.  Les signes les plus fréquents sont la fièvre, la fatigue, le manque d’appétit, les nausées, les vomissements, les courbatures, les maux de tête, les douleurs articulaires, les douleurs abdominales, les urines foncées (beaucoup plus jaunes), et parfois la coloration jaune des mains et des yeux et en dessous de la langue.

 

 

 

Comment se fait le diagnostic ?

 

 

 

Il est très important de signaler qu’on ne peut pas poser le diagnostic sans examens de sang. On prélève donc le sang et on recherche. Quand on trouve que la personne est positive, on fait un ensemble d’examens complémentaires tels que l’échographie, le fibroscan, la charge virale, etc., pour voir s’il existe déjà des complications ou s’il y a nécessité de mettre la personne sous traitement.

 

 

 

Y a-t-il des personnes plus à risque de faire l’hépatite ?

 

 

 

Oui, il existe des personnes plus à risque de contracter la maladie : il s’agit des personnes qui ont fréquemment besoin d’être transfusées par du sang ou des produits sanguins, les patients sous dialyse et les bénéficiaires d’une transplantation d’organe.

 

Il y a en plus les personnes en détention, les consommateurs de drogues injectables, les contacts domestiques et sexuels des personnes porteuses d’une infection chronique par le virus de l’hépatite B, les personnes ayant des partenaires sexuels multiples, le personnel soignant et d’autres agents susceptibles d’être exposés à du sang ou à des produits sanguins dans l’exercice de leur travail.

 

 

 

Il paraît que les enfants qui se nourrissent de restes de repas dans les maquis/restaurants y sont exposés. Pourquoi ?

 

 

 

En fait le seul risque pour ces enfants, ce sont les hépatites A ou E. Car les hépatites B et C ne se contractent pas par voie oro-fécale. Il existe beaucoup de fausses idées reçues sur la maladie, et nous devons faire attention à ne pas les propager. Par exemple j’entends des gens dire que la sueur, la salive transmettent les hépatites B ou C. C’est très exceptionnel comme forme de transmission.

 

 

 

Il paraît aussi que la femme enceinte hépatique a de fortes chances de contaminer son bébé ? Comment ?

 

 

 

Oui, il y a des chances que la femme enceinte transmette la maladie à son enfant. Mais cette transmission est très faible directement quand l’enfant est dans le ventre, mais se fait plus pendant l’accouchement par le contact avec les liquides biologiques et le sang surtout quand la mère a une charge virale importante. Voilà pourquoi toute femme enceinte doit faire le test et se vacciner au besoin. Il est important de souligner que la vaccination n’est pas interdite chez la femme enceinte.

 

 

 

Y a-t-il un traitement contre l’hépatite ?

 

 

 

Pour l’hépatite C, les médicaments antiviraux permettent de guérir plus de 95% des personnes infectées, réduisant ainsi le risque de décès par cancer hépatique ou par cirrhose. Il faut signaler que le traitement est disponible au Burkina Faso depuis février dans les hôpitaux. Il dure 3 mois. Donc toute personne qui se fait dépister positive peut avoir le traitement. Il coûtait des millions dans le temps, mais il est désormais à moins de 300 000 CFA pour les trois mois. 

 

Les infections chroniques par le virus de l’hépatite B peuvent être traitées par des médicaments, notamment des agents antiviraux par voie orale. Ce traitement peut ralentir la progression vers les complications.

 

 

 

Quelles peuvent être ces complications ?

 

 

 

Les virus des hépatites B et C sont responsables à la fois de l’infection aiguë et de l'infection chronique. La forme aiguë de la maladie est généralement asymptomatique, et n’est que très rarement associée à une maladie engageant le pronostic vital.

 

Concernant l’hépatite C, environ 15 à 45% des personnes infectées guérissent spontanément dans les 6 mois qui suivent l’infection sans aucun traitement. Pour ce qui est des autres, soit 60% à 80% des personnes infectées, l’infection évoluera vers la forme chronique de la maladie. Parmi celles-ci, le risque de cirrhose du foie est de 15 à 30% pendant une durée de 20 ans.

 

Quant à l’hépatite B, nous avons deux cas de figure : quand l’infection survient en âge adulte, elle débouche sur une hépatite chronique dans moins de 5% des cas tandis que, chez les nourrissons et les jeunes enfants, elle provoque l’apparition d’une forme chronique de la maladie chez 95% des sujets. Les formes chroniques dans 25% évoluent vers la cirrhose ou le cancer du foie.

 

 

 

Peut-on prévenir la maladie ?

 

 

 

Il est important de savoir qu’il n’existe pas de vaccin contre l’hépatite C. Les autres mesures de prévention sont l’abstinence ou, à défaut, les rapports sexuels protégés, d’éviter de partager les objets tranchants.

 

Contre l’hépatite B, il existe un vaccin très efficace découvert depuis 1982. Il en existe une formule à 3 doses et une autre à 4 doses. Mais avant de faire le vaccin il faut faire le test et qu’il soit négatif.

 

 

 

Le coût du vaccin est-il accessible ?

 

 

 

A ce que je sache pour la vie que cela sauve, pour les complications que cela évite, il est très clair que tout le monde gagne à se vacciner. Je préfère laisser les gens se renseigner dans les pharmacies, car les prix peuvent varier.

 

 

 

A votre avis, quels sont les défis à relever au Burkina pour une lutte efficace contre l’hépatite ?

 

 

 

Le Burkina Faso, à travers le ministère, les partenaires financiers et techniques ainsi que les acteurs de la société civile doivent collaborer pour la sensibilisation, le dépistage et la mise sous traitement des populations. L’approche communautaire semble excellente, car elle assure une appropriation de la question par les communautés elles-mêmes.

 

Il faut féliciter le fait qu’il y ait désormais un programme de lutte contre les hépatites au niveau du ministère de la Santé, et aussi la société de gastro-entérologie qui fait un magnifique travail de formation des acteurs de la santé, de sensibilisation et de prise en charge des malades. Le grand défi aujourd’hui, c’est la mobilisation des fonds et un engagement politique fort en faveur de la lutte contre les hépatites. Les gens doivent connaître leur statut, se vacciner et avoir accès au traitement. L’instauration de l’assurance-maladie universelle sera une excellente chose qui soulagera les populations.

 

 

 

 Alima Séogo née Koanda

 

Tél. : 79 55 55 51

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