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Tentative d’escroquerie de Béouindé : Les audios qui accusent le juge Narcisse Sawadogo

 

C’est la première fois qu’il se livre à un tel exercice depuis qu’il occupe la fonction de procureur du Faso près le Tribunal de grande instance de Ouagadougou. Harouna Yoda, puisque c’est de lui qu’il s’agit, était face aux hommes de médias dans la matinée du 18 juin 2020. Et si le patron des parquetiers est devant la presse, on imagine aisément qu’il s’agit de gros dossiers de la République en cours de traitement. Les affaires qui ont été enrôlées à l’ordre du jour : Béouindé/magistrats ; Jean Claude Bouda, ancien ministre de la Défense ; Groupement de sécurité et de protection républicain (GSPR) ; Agence conseil et de maîtrise d’ouvrage (ACOMOD) et celle impliquant le directeur adjoint de la Douane, Kaboré William Alassane.

 

 

 

 

Pour cette conférence de presse tenue au Tribunal de grande instance de Ouagadougou, le procureur du Faso avait à ses côtés trois de ses lieutenants : le premier substitut, Hyacinthe Yaro, et les substituts Seydou Barro et Patrick Léonard Kaboré, deux têtes bien connues dans l’instruction du dossier dit du charbon fin.

 

A l’annonce du rendez-vous avec les hommes de médias dans la soirée du 17 juin, les spéculations allaient bon train. Bon nombre de personnes avaient la certitude que l’affaire du maire de la capitale, Armand Béouindé, qui a fait parler d’elle tout au long de la semaine, allait être abordée, mais se gardaient  d’être affirmatives comme si elles avaient dîné avec le procureur. Leur intuition ne les a pas fourvoyés. En effet, l’affaire dite des 70 000 000 de francs CFA que des magistrats auraient sollicités à l’édile en vue de classer sa poursuite judiciaire sans suite a bel et bien été inscrite à l’ordre du jour.  

 

Les déboires du bourgmestre  avec la justice ont commencé après l’achat de 77 véhicules d’un coût de 4,6 milliards de francs CFA en crédit-bail avec la société Fidélis Finances Burkina. C’est notre confrère Courrier confidentiel qui en a fait l’écho dans sa livraison du 10 février 2020. Un écrit qui ne constituait que le début d’une série d’articles puisque deux semaines après, soit le  26 février, le canard est revenu à la charge avec un article dans lequel il dévoilait les intérêts économiques qu’avait le premier magistrat de la commune dans le processus d’acquisition de la quatre vingtaine d’engins. Ces véhicules devaient être assurés par Raynal Assurances IARD, entreprise dans laquelle Armand Béouindé et sa famille sont actionnaires, et qui détient 10% d’actions de Fidelis Finances Burkina. Cette fois, l’affaire est allée trop loin pour que le mis en cause reste indifférent. Par voie de presse, il est monté au créneau, déclarant que l’achat des voitures répondait à un besoin criard au regard de la vétusté des moyens roulants de la municipalité. Et d’ajouter que le processus d’achat des véhicules s’est déroulé en toute légalité et dans la transparence qui soit. Mais ses affirmations n’ont pas suffi à convaincre le procureur du Faso qui, conformément à ses attributions, s’est saisi de l’affaire pour pousser plus loin les investigations de notre confrère.  

 

 

 

Une affaire dans l’affaire

 

 

 

Pendant que l’affaire initiale suivait son cours normal, est venue se greffer une autre, mais cette fois-ci, révélée par un autre journal d’investigation : L’Evènement. Barrait, en effet, la Une du 10 juin de ce bimensuel ce gros titre : « Poursuite judiciaire contre le maire de Ouagadougou : des magistrats sollicitent la somme de 70 000 000 de francs CFA pour classer l’affaire ». Pour apporter de l’eau au moulin du bourgmestre depuis quelques jours, des enregistrements audios sont devenus viraux sur les réseaux sociaux. Dans ces éléments sonores, une personne se propose d’intervenir au compte du maire pour lui sauver la tête. On apprendra avec le procureur du Faso que ces enregistrements ont été effectués par Armand Béouindé, himself. « Il ressort de certains enregistrements audios effectués par le maire et accessibles au public depuis le 16 juin 2020, que des magistrats chargés ou non du dossier ont été approchés par Sawadogo Narcisse et son acolyte Bagagan Allassane. Il est déclaré à tort par Sawadogo Narcisse que le juge d’instruction Koanda Daouda est chargé du dossier alors qu’aucun juge d’instruction n’a été encore saisi de ce dossier. Par ailleurs, Sawadogo Narcisse a déclaré qu’il a contacté le doyen des juges d’instruction Zerbo Emile, son promotionnaire de la magistrature et supérieur hiérarchique du juge Koanda, en faisant croire qu’ils avaient le soutien de ce dernier dans leurs manœuvres. A l’instar du substitut général, Bonkoungou Dieudonné, qui a été entendu et contre qui, il n’y a aucun élément probant, le doyen des juges d’instruction, Zerbo Emile, et le juge d’instruction Koanda Daouda ont été entendus mais il n’y aucun élément de l’enquête permettant de dire qu’ils étaient directement ou indirectement au courant de cette entreprise criminelle », a longuement expliqué le procureur Yoda.

 

A la clôture de l’enquête, selon ses propos, trois personnes sont poursuivies pour tentative d’escroquerie et pour diffamation suivant la procédure de flagrant délit. Il s’agit de Narcisse Sawadogo, Moussa Sané et Allassane Bagagan. Le premier en raison de sa qualité de magistrat, bénéficie d’un privilège de juridiction conformément à une disposition du Code de procédure pénale. « En conséquence, j’ai formulé une requête à la Chambre criminelle de la Cour de cassation à l’effet de désigner la juridiction de jugement », a signifié le procureur. «Maispourquoi le maire dont on reconnaît aisément la voix dans ces éléments sonores est toujours en liberté pendant que les autres sont à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO)? », a interrogé un confrère. « Il y a deux affaires différentes. Dans le cadre de l’affaire des 70 millions de francs CFA, il y a des acteurs et une victime. Cette victime présumée est Armand Pierre Béouindé, puisque c’est lui qui allait faire l’objet de l’escroquerie. Voilà pourquoi il n’y a pas de mandat de dépôt contre lui», a répondu Harouna Yoda, qui a par ailleurs indiqué que les mis en cause pour tentative d’escroquerie et pour diffamation, dans cette affaire, encourent une peine de un à cinq ans selon les dispositions du Code pénal.  

 

Akodia Ezékiel Ada

 

 

 

 

 

Encadré 1 :

 

«Les revenus illicites» de Jean Claude Bouda

 

 

 

La photo de sa villa dans son village à Manga avait fait le tour de la toile. L’opinion s’était indignée parce qu’elle se demandait d’où venait l’argent de l’ex-ministre de la Défense nationale et des Anciens combattants, Jean-Claude Bouda, pour se payer le luxe de s’offrir une telle maison. Lui qui en déclarant ses biens dès sa prise de fonction n’a pas laissé voir qu’il était riche comme Crésus. Une plainte a donc été déposée à la gendarmerie le 26 avril 2019 par le Réseau national de lutte anticorruption (RENLAC) après qu’il a vu le cliché. Plus d’une année après, le dossier a évolué en justice.

 

Depuis le 26 mai 2020, celui qui a été aussi au ministère de la Jeunesse séjourne à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou. Il est poursuivi pour «délit d’apparence, de blanchiment de capitaux, de faux et usage de faux en écriture privée ». « Il ressort du rapport ainsi que des pièces jointes que  monsieur Jean-Claude Bouda, avec un salaire mensuel de 1 023 320 francs CFA, s’est constitué en trois ans, un patrimoine immobilier d’un montant provisoire de 252 845 115 francs CFA qu’il ne parvient pas à justifier au regard de ses revenus licites », a affirmé le procureur du Faso. Mais interpellé sur la valeur de ses investissements immobiliers en lien avec ses revenus, le mis en cause soutient qu’ils ont été financés par ses ressources propres licites et traçables ainsi que les donations de certains membres de sa famille à hauteur de 205 373 400 FCFA ; chose que le ministre n’arrive pas à justifier avec des pièces à conviction appropriées.

 

A.E.A.

 

 

 

Encadré 2 :

 

Les faux ordres de mission au GSPR

 

 

 

Le Groupement de sécurité et de protection républicaine (GSPR) compte dans ses rangs des brebis galeuses. Des gens à la recherche du gain facile. Il est reproché à certains agents d’établir de faux ordres de mission pour se faire payer des frais de mission qui n’ont pas effectivement eu lieu. C’est l’audition du commandant du GSPR qui a permis au procureur du Faso de faire une telle affirmation. Les éléments incriminés, tous des gendarmes, cassaient leur sucre sur le dos d’autres personnes. «Ils reconnaissent sans ambages les faits et ont perçu des sommes d’argent variant entre 700 000 et 1 480 000 francs CFA. Ces frais de mission ont été perçus par les agents commanditaires au détriment de ceux dont les noms figurent sur les ordres fictifs de mission. Les éléments supposés être des missionnaires ont été invités à émarger mais les sommes d’argent perçues leur ont été retirées par les premiers. Ils n'ont bénéficié que de gratifications pour avoir apposé leurs signatures sur les documents en sachant qu’ils n’ont pas effectué des mission », a expliqué le ministère public. Au total  7 ordres de missions ont été établis et ont abouti à la perception de la somme de 5 334 000 francs CFA.

 

E.A.E.

 

 

 

Encadré 3 :

 

Le DG de l’ACOMOD mis en examen

 

 

 

Que ne ferait pas un homme pour une femme ? Le directeur général de l’Agence de conseil et de maîtrise d’ouvrage (ACOMOD), Robert Lou, a autorisé la passation de deux marchés publics au profit de son épouse parmi un groupement de soumissionnaires. Il en est de même pour l’ex-président du Conseil d’administration de l’ACOMOD en la personne de Moussa Sankara, bénéficiaire effectif de l’entreprise 2ARTS, qui a été attributaire d’un marché de 155 704 000 francs CFA. Le parquet  a requis  l’ouverture d’une information judiciaire pour favoritisme, conflit d’intérêt, simulation illicite et blanchiment de capitaux contre le DG et le PCA de cette agence ainsi qu’un nommé Ibrahim Sanou ayant représenté la société 2ARTS dans le contrat. « Le juge d’instruction a déjà mis en examen le DG  sans le placer en détention provisoire », a informé le procureur du Faso.

 

A.E.A.

 

 

 

Encadré 4

 

Les 15 parcelles du Directeur général adjoint des Douanes

 

 

 

Le Directeur général adjoint des Douanes, William Alassane Kaboré, est dans le pétrin. Il a un dossier entre les mains de la justice. En effet, il est ressorti des investigations menées par le Commissariat central de police de Ouagadougou qu’il a, par simulation illicite, utilisé Anne Christophe Kaboré en vue de l’achat et de la mise en valeur de 15 parcelles dans la capitale. Le montant cumulé des terrains est de 1 300 000 000 francs CFA. «En sa qualité de fonctionnaire des Douanes, il est difficile d’amasser une telle fortune en 23 ans de service sous le couvert de tierce personne, ce qui veut dire que ces investissements n’incluent pas ceux que le mis en cause a réalisés en son nom propre. Le DGA a même usurpé l’identité de Salif Sylla pour acheter 655 tonnes de ciment pour la construction de plusieurs immeubles », a informé le parquetier. Au-delà de ses investissements sous le couvert d’autrui, il a fait des transferts de fonds dont il n’arrive pas à justifier l’origine et la nécessité des opérations. Le recours aux prête-noms, selon le procureur, atteste à suffisance que l’intéressé est conscient de la disproportion manifeste entre ses revenus et ses investissements. Les trois personnes citées dans ce dossier ont été mises en examen, sans être placées en détention, elles sont sous contrôle judiciaire pour des faits d’enrichissement illicite, de délit d’apparence et de blanchiment.

 

 

E.A.E.

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