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Une Lettre pour Laye : «Jésus» est mort

 

Cher Wambi,

 

C’est après une grande pluie qui s’est abattue hier sur la capitale que je t’écris cette lettre. Preuve que la saison s’installe dans la région du Centre et ses environs.

 

Comme tu le constates, au cours de cette semaine, comme de la précédente, la pluie est tombée sur presque tout le territoire national, en atteste le relevé pluviométrique de la semaine du jeudi 11 au mercredi 17 juin 2020 :

 

Dori : 70,1 mm ; Ouahigouya : 1 mm ; Ouagadougou-aéro : 13,2 mm ; Dédougou : 3,9 mm ; Fada N’Gourma : 69,9 mm ; Bobo-Dioulasso : 25,7 mm ; Boromo : 4,2 mm ; Pô : 12,1 mm ; Gaoua : 11,1 mm ; Bogandé : 32,6 mm.

 

 

Cher Wambi, rarement conférence de presse du procureur du Faso aura été aussi attendue que celle donnée hier jeudi 18 juin 2020. La raison en est très simple : elle tient à l’actualité judiciaire, dominée, comme tu l’as déjà appris, par la tentative d’escroquerie dont a été victime le maire de Ouagadougou, Armand Béouindé :

 

en effet, suite à la procédure d’acquisition par leasing de 77 véhicules au profit de la mairie et des douze maires d’arrondissement, opération qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive, le parquet s’était autosaisi du dossier pour s’assurer de la légalité ou non de ce crédit-bail.

 

Suite donc à cette intervention de la justice, Narcisse Sawadogo, substitut du procureur général près la Cour d’appel de Ouagadougou, et Alassane Baguian ont approché l’édile de la capitale afin de lui proposer un service pour le moins scabreux : déclasser le dossier contre le paiement d’un montant de 70 millions.

 

Dans des enregistrements audio abondamment partagés à travers les réseaux sociaux, on entend les deux hommes sus-cités en train d’expliquer au maire le modus operandi de la soustraction du dossier et les modalités de versement de la somme convenue.

 

Les oreilles bien exercées qui ont écouté l’élément sonore ont vite conclu que lesdits enregistrements ont été effectués par le bourgmestre lui-même avant que le procureur du Faso, Harouna Yoda, ne le confirme dans sa déclaration liminaire d’hier.

 

Placés en garde à vue depuis le dimanche dernier, le juge Sawadogo Narcisse et Bagagnan Alassane ont été déposés à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) ce mercredi pour « tentative d’escroquerie et pour diffamation ».

 

Cher cousin, depuis l’incarcération des deux prévenus, certains se demandent pourquoi il n’en a pas été de même pour le maire. C’est qu’il ne faut pas confondre l’affaire dite de 70 millions avec celle des 77 véhicules quand bien même de par leur corrélation, la première pourrait être considérée comme étant « l’affaire dans l’affaire ».

 

Cher cousin, au cours de cette même sortie, le procureur du Faso est revenu sur d’autres grands dossiers brûlants dont les médias s’étaient fait l’écho : il s’agit du cas de « délit d’apparence » contre l’ancien ministre Jean-Claude Bouda, du dossier sur « l’établissement de faux ordres de mission pour se faire payer » pratiqué par des agents du Groupement de sécurité et de protection républicaine (GSPR), de l’affaire du DG adjoint des Douanes pour « achat et mise en valeur de quinze parcelles à Ouagadougou », et enfin des ennuis judiciaires du DG de l’Agence de conseil et de maîtrise d’ouvrage (ACOMOD) pour « passation de marchés au profit de son épouse ».

 

C’est dire donc, cher cousin, que la justice a donné un véritable coup de pied dans la fourmilière où se mêlent et s’entremêlent toutes sortes de malversations. On ne peut donc que saluer toutes ces actions qui dénotent d’une certaine indépendance du troisième pouvoir. Mais l’institution judiciaire gagnerait plus en estime à expurger toutes ses brebis galeuses dont les derniers agissements viennent montrer, une fois de plus qu’il y a quelque chose de pourri dans nos palais de justice.

 

 

 

Cher Wambi, quand il y a de l’eau dans le gaz entre une banque et son client, très souvent le problème finit par atterrir au prétoire. Et c’est ce qui s’est passé entre la banque Atlantique et son client SONATAB. Comme dans une idylle, les premiers instants sont ponctués de passionnantes et langoureuses étreintes. Les deux partenaires sont sur la même longueur d’onde et donc décident de faire affaires. C’est ainsi qu’en 2012, ils ont conclu une convention de financement. L’accord prévoit que la banque s’engage à octroyer un prêt de plus de 2 milliards de nos francs à la SONATAB, un projet d’industrie porté par des investisseurs nationaux.

 

Mais l’idylle entre l’institution financière et son client sera de courte durée : en effet, alors que les travaux de construction ont débuté, la contribution de la banque se faisait toujours attendre. Las de patienter durant plusieurs mois, la SONATAB va aux nouvelles, mais c’est pour s’entendre dire par la banque qu’elle n’allait plus apporter son financement. La SONATAB menace alors de saisir les tribunaux pour « rupture abusive de contrat de financement », mais rien n’y fit.

 

Finalement, après deux ans d’atermoiements, la banque Atlantique revient à de meilleurs sentiments pour exécuter la convention de financement conclue depuis 2012 avec  la SONATAB mais avec une enveloppe plus réduite que prévue dans la convention de financement conclu.

 

Cher cousin, comme il fallait s’y attendre, ce redimensionnement à la baisse de l’apport financier de la banque n’a pas plu aux associés de la SONATAB qui voyaient ainsi leur rêve industriel dangereusement compris : en effet, ils avaient déjà construit les locaux, acheté certaines machines, mais ne pouvaient plus finaliser l’usine ni commencer la production sans l’apport de la banque. Avec une trésorerie asséchée, la SONATAB ne pouvait entamer ses activités génératrices de revenus. Et donc adieu aux 150 emplois directs qui devaient être créés. 

 

Cher Wambi, c’est en désespoir de cause que les promoteurs de la SONATAB se sont résolus à en saisir la justice en 2017. Le litige a été ainsi porté devant le tribunal de commerce de Ouagadougou où, après une instruction contradictoire à la barre, chaque partie ayant exposé les faits et développé ses arguments, les juges ont condamné la banque à payer près de 3 milliards à la SONATAB dont les actionnaires avaient déjà investi leur apport personnel pour l’érection de l’usine. Comme la loi le permet, l’institution financière a exercé son droit d’appel devant la Chambre commerciale de la Cour d’appel de Ouagadougou. Là encore, la Cour, qui a rendu son verdict le 15 mai 2020, a condamné la banque.

 

Ne voulant pas cracher au bassinet, la banque, selon des informations qui me parviennent, serait décidée à se pourvoir en cassation. Mais en attendant, elle veut parer à l’urgence pour empêcher l’exécution de la décision de justice qui l’oblige à payer à la SONATAB son dû. En effet, il me revient que la banque, après avoir fait l’objet de saisies de ses biens, a décidé d’aller en référé devant la Chambre commerciale de la Cour de cassation afin de voir ordonner un sursis au paiement de sa condamnation.

 

Quel sera le sort de cette nouvelle procédure ? Difficile de le savoir. 

 

En attendant, j’ai appris, cher cousin, que depuis que l’affaire est arrivée au prétoire, il y a eu beaucoup de départs de responsables de la banque Atlantique au Burkina. Faut-il y voir une relation de cause à effet ? Je n’en sais rien.

 

 

 

Cher Wambi, l’affaire Boureima David Kaboré est celle de ce magistrat qui a démissionné de la magistrature pour devenir avocat. Il a ainsi entamé une procédure depuis 2008 qui s’est révélée un tunnel sans fin. Finalement il en a saisi la justice qui lui a donné raison en ordonnant son inscription au Tableau de l’Ordre des avocats en 2016. Cette inscription aurait été automatique si elle était intervenue un peu plus tôt mais hélas, car une année avant, le Règlement n°5 harmonisant la profession d’avocat dans l’espace UEMOA est entré en vigueur le 1er janvier 2015. Ce Règlement précise que tout magistrat qui veut devenir avocat doit justifier de 10 ans de pratique en juridiction avant de démissionner. Puis il adresse une demande d’inscription au Barreau et doit satisfaire à deux conditions obligatoires : suivre durant six mois des cours de déontologie au Centre de formation professionnelle des avocats, et effectuer un stage de trois ans.

 

Très vite des divergences sont apparues, car l’ex-magistrat entendait être traité selon les dispositions d’avant le 1er janvier 2015 alors que le conseil de l’Ordre n’est pas de cet avis.

 

Au finish Boureima David Kaboré a fait apposer la formule exécutoire sur l’arrêt rendu le 10 décembre 2018 par la Cour de cassation, lequel arrêt déclarait irrecevable le pourvoi formé par l’Ordre des avocats contre la décision de la juridiction paritaire du 23 juin 2016 favorable à l’inscription de Boureima David Kaboré. Son serment d’avocat a été recueilli par la Cour d’appel de Ouagadougou le 18 mai 2020 sans l’aval de l’Ordre des avocats qui estime qu’il n’a pas satisfait aux obligations légales. Le Bâtonnier des avocats, Me Paulin Salambéré, en parle longuement dans l’entretien qu’il a accordé au journal de ton oncle Nakibeuogo. Tu pourras lire d’ailleurs cet entretien dans l’édition de ce vendredi 19 juin 2020 en page 10.

 

Mais, dès le 11 juin, le Bâtonnier a envoyé une note d’information à ses confères pour dénoncer l’usage frauduleux du titre et de la qualité d’avocat par Boureima David Kaboré. J’ai pu obtenir copie de celle-ci et je t’en propose un extrait :

 

« Il m’est revenu que depuis un certain temps monsieur Kaboré Boureima David fait usage du titre d’avocat alors qu’il n’est inscrit ni sur le Tableau ni sur la liste de stage de l’Ordre des avocats du Burkina.

 

Après vérification également auprès des Barreaux des autres pays membres de l’UEMOA, aucun avocat ou avocat stagiaire répondant à ce nom n’y est inscrit.

 

Je viens par la présente vous en informer afin que vous en tiriez toutes les conséquences de droit dans l’exercice régulier de notre profession, dans l’attente des dispositions légales qui seront prises par le conseil de l’Ordre ».

 

Visiblement, le chemin de croix de l’ex-magistrat n’est pas encore terminé.

 

 

 

Oui, cher Wambi, j’ai appris, mais malheureusement sur le tard, le rappel à Dieu de ton frère de Laye Sylvain Privat Ouédraogo, notoirement connu sous le sobriquet de « Jésus ». (Voir communiqué nécrologique en page 25) né en 1936. Après avoir fait toute son enfance en Côte d’Ivoire, il retourne en Haute-Volta dans les premières années de l’indépendance après ses études supérieures en France.

 

Directeur commercial de la société commerciale ouest-africaine (SCOA), ancêtre du Groupe DIACFA, il sera par la suite le pionnier du leasing dans notre pays, à la tête de TAW et de la SIEL.

 

C’est le 13 juin 2020 dans l’après-midi qu’il s’est endormi à son domicile de la Patte d’oie.

 

Il a été porté sous terre le mardi 16 juin dernier au cimetière municipal de Gounghin après l’absoute en l’église Notre-Dame des Apôtres de la même Patte d’oie.

 

Pour sûr, ta lettre perd un de ses fidèles lecteurs. 

 

 

 

Cher Wambi, à présent, je t’invite à feuilleter avec moi le carnet secret de Tipoko l’Intrigante.

 

 

 

- Dans sa livraison du vendredi 22 mai dernier, L’Observateur Paalga revenait une fois de plus sur le cas des élèves irrégulièrement inscrits dans les écoles publiques et privées de formation en santé.

 

Un rapport des sorties de terrain effectuées du 16 décembre 2018 au 2 février 2019 avait révélé que la gangrène concerne les filières «Infirmier d’Etat» (IDE) et «Sage-femme-Maïeuticien d’Etat» (SFME) de la promotion 2017-2020 ; ce qui avait conduit la Direction de la production des ressources humaines à préconiser l’interdiction aux élèves concernés de participer aux examens de fin d’études session 2020. C’est désormais chose effective avec la récente décision du ministère de la Santé de suivre la recommandation de la DRPH.

 

Une mesure qui contribuera à assainir le milieu des écoles publiques et privées de formation en santé où certains promoteurs, âpres au gain, ont pris l’habitude de se passer des critères d’inscription.

 

 

 

- 19 juin 2010-19 juin 2020. Cela fait exactement dix ans que la télévision confessionnelle Impact TV a officiellement lancé ses programmes. A cette occasion, une émission spéciale sera proposée aux téléspectateurs aujourd’hui vendredi à partir de 21 heures et portera sur « la marche de la TV du Royaume des Cieux ».

 

 

 

Tipoko l'Intrigante n'apprend rien d'elle-même, elle  n'invente jamais rien. Tipoko l'Intrigante est un non-être. Elle n'est ni bonne en elle-même, ni mauvaise en elle-même. Elle fonctionne par intuition, car "l'intuition c'est la faculté qu'a une femme d'être sûre d'une chose sans en avoir la certitude..."

 

 

 

Ainsi va  la vie.

 

Au revoir.

 

 

 

Ton cousin

 

 Passek Taalé

 

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