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Dialogue de Corps et FITMO 2020 : Repenser les arts de la scène sous la covid 19

 

En ce mois de décembre 2020, deux festivals, Dialogue de Corps  et le FITMO, ont organisé des panels sur l’art et sa réception dans un contexte de covid 19. Le festival de danse contemporaine a porté la réflexion sur le sens, l’esthétique et les publics tandis que le festival de théâtre et de marionnettes s’attaquait à la décentralisation culturelle. L’un et  l’autre ont compris la nécessité de repenser les arts pour les publics locaux sur le territoire national.

 

 

 

 

La covid 19 est passée par là et les arts tout comme les festivals qui les portent ont senti la nécessité de requestionner la place du public dans la création. Il faut dire que la fermeture des frontières ainsi que la raréfaction des soutiens du Nord aux créations du Sud obligent à repenser les créations artistiques à partir du territoire, et même du terroir. C’est une question de survie.

 

La table ronde de Dialogue de Corps portait sur « le sens et l’esthétique de la création en lien avec les publics, le marché des arts en temps de crise ». Il nous semble que la nouveauté dans ce questionnement est l’esthétique en lien avec les publics et le marché local. Les panélistes venaient de la danse (Olivier Tarpaga), des arts plastiques (Christophe Sawadogo), du théâtre (Odile Sankara) et de la littérature (Bernadette Dao).

 

De toute façon, la création  contemporaine africaine a difficilement réussi en trois décennies d’existence à se créer un public populaire, bien qu’elle ait réussi à conquérir les grandes scènes du globe. Est-ce un problème d’esthétique qui en fait un objet artistique non identifié pour les publics locaux et populaires ? L’élitisme est-il consubstantiel à ces créations ou peuvent-elles faire leur mue en repensant leur sens et leur esthétique pour des publics locaux et populaires ?

 

Dans ces arts contemporains, les arts plastiques et la danse sont ceux pour lesquels cette question se pose avec acuité. Pourtant, des pistes existent et méritent d’être explorées. Ainsi du spectacle Dambë de Salia Sanou qui puise dans le patrimoine sensoriel du village et convoque la chanson mandingue, écartèle le carcan du public élitiste pour aller vers des publics populaires qui se reconnaissent dans cet univers. Peut-être que c’est au prix de l’hybridation, de l’insertion du corps dansant dans le manteau patrimonial des arts populaires que la danse contemporaine rencontrera le public populaire. Cela vaut tout autant pour les autres arts qui comme les lamantins du poète Senghor doivent repartir boire à la source.

 

Pour le FITMO national, dont c’est la première édition, sa tenue en cette période de covid 19 témoigne du nécessaire décrochage avec l’international pour s’enraciner sur le territoire national. Sans doute que la pandémie de coronavirus a aidé à réorienter la réflexion vers le développement des arts à l’intérieur du pays, du moment que l’extérieur n’est plus accessible. Le thème de ce panel était « Quelles politiques culturelles après la survenue de la pandémie de covid 19 ? ».

 

Les panélistes, aux profils variés, ont investigué les politiques culturelles à travers plusieurs entrées : ainsi, le Dr Hamadou Mandé s’appesantit sur les référentiels tels l’Agenda 2030 de l’UNESCO ou la Charte culturelle africaine 2063 de l’Union africaine sur lesquels devraient reposer les politiques culturelles du niveau commune jusqu’au niveau sous-régional ; le Dr Idrissa Zorom a interrogé la réglementation et les politiques culturelles et le Dr Nelly Belemgnyegré a analysé les politiques culturelles, dans les communes et particulièrement le théâtre dans la commune de Solenzo ; le Dr Senikpo Koné a partagé l’expérience de la commune de Yopougon à Abidjan, et Parfait Kapioko a évoqué la diversité culturelle dans les politiques culturelles.

 

De ce panel du FITMO national il ressort la nécessité de renforcer la décentralisation en transférant plus de ressources aux communautés, de tenir compte de la spécificité des arts dans l’élaboration des lois et textes législatifs, de renforcer les capacités des acteurs communaux dans l’élaboration des politiques culturelles dans les plans communaux et la nécessité de repenser l’offre artistique pour qu’elle réponde aux attentes des publics locaux.

 

Abordant la question des publics par des versants différents, l’un par l’esthétique et le marché, l’autre par les politiques culturelles dans la décentralisation, les deux panels affirment en chœur la nécessité de lester les créations du poids de leurs terroirs pour leur donner un public et un marché local. La covid 19 aura réussi à faire prendre conscience aux créateurs de l’importance pour les créations contemporaines de conquérir les publics du terroir où elles se créent pour ne pas connaître le destin de la bulle de savon qui vole et éclate au moindre choc.

 

Si dans la mondialisation, l’Afrique reste le continent qui offre ses matières premières aux autres, il est temps que les productions artistiques cessent d’être seulement des produits d’exportation, elles doivent aussi profiter aux publics locaux. Et c’est à cela que les créateurs réfléchissent désormais en intéressant la logique de la création en rapport avec les publics et surtout les politiques culturelles locales.

Saïdou Alcény Barry

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