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Littérature burkinabè: Sambaré, une histoire, deux vies de Baba Hama

Ce mince récit préfacé par le professeur Yves Dakouo est paru aux Editions lHarmattan Burkina Faso en 2021. Cest un récit autobiographique où Baba Hama, tout en rendant hommage à son père, esquisse son autoportrait. Exercice en clair-obscur dun homme qui se révèle tout en se dissimilant.

 

 

Dans lEnigme du Retour, le romancier et académicien Dany Laferrière disait que la nouvelle de la mort de son père a fendu la nuit en deux. Chez Baba Hama, cest le récit qui est fendu en deux : toute la première partie est consacrée à la vie du père et la seconde à celle du fils, les deux reliées par la parole du griot qui dévide la bobine du souvenir, permettant au narrateur dinteragir avec lui pour expliciter certains passages, combler les vides

Le vieux Sambaré meurt le 4 août 2019,  rejoignant la mère, partie huit ans plus tôt, le 4 juin 2011, laissant lauteur devant un vide immense. Et cela justifie sans doute le besoin de lauteur de revenir sur la généalogie de son père. De laïeul  du Fouta-Toro qui engagea ses deux fils dans larmée conquérante de  Sékou Oumarou dont lun est le père de Sambaré.

Tout en évoquant la vie du père, un interprète au palais de justice, lauteur en profite pour évoquer son parcours d’écolier, d’étudiant, de journaliste et enfin dhomme politique. Ministre du dernier gouvernement de Blaise Compaoré, emporté par linsurrection des 30 et 31 octobre 2014, il évoque les poursuites engagées contre ce gouvernement et produit un rapide mémoire en défense.  

Dans ce court récit, Baba Hama entrelace les voix narratives dun griot et dun jeune  lettré. A lun, la généalogie orale avec ses légendes et ses trous de mémoire, et  à lautre, la petite histoire officielle avec ses dates et ses faits. A la liberté  de loralité se joint la factualité de l’écriture pour remonter le temps et donner à voir autour des hommes qui se battent, comme Sambaré ou son père, des femmes fortes aussi. Cette histoire de famille est traversée par la grande Histoire et ce  sont des destins qui se croisent, se disloquent et dérivent entre le Niger, le Mali, le Burkina, etc., au gré des mariages, des décès, des départs et des arrivées

Si lon ne craint pas loxymoron, on pourrait dire que Baba Hama se livre beaucoup mais avec une grande retenue. L’écrivain sait, comme le poète, quune fleur est préférable au bouquet parce quelle exhale le même parfum sans encombrer les bras de celui à qui on loffre. Dans ce récit, transfiguré par le deuil, la langue est épurée, comme un minerai dont on extrait lor de la gangue.

Comment tient-il la bride du récit pour dire beaucoup avec peu de mots ? L’écriture est allusive, surtout dans la seconde partie du récit, celle relative au fils Mamadou, et seuls les lecteurs qui connaissent bien lhistoire politique du Burkina Faso peuvent comprendre, au-delà du dit, le non-dit du propos. Comme avec une noix, il faut casser la coque pour accéder à la graine.

Baba Hama réussit avec ce texte à faire entrer son père dans la littérature. Une forme d’éternité que le fils offre  au père par la magie de la littérature.

Saïdou  Alcény Barry   

 

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