Menu

Mémoires vivantes de Sophie Heidi Kam: Pluie de poèmes pour des œuvres d’art

 

Sophie Heidi Kam est une écrivaine multilaurée par le GPNAL avec ses poèmes et ses pièces de théâtre. Cette année, son recueil  Mémoires vivantes, publié aux Editions Seprodif en 2019, a reçu le prix de la FILO 2021. Cest un ensemble de poèmes nés de la rencontre du regard de  lauteure avec  une sculpture, un tableau et quatre dessins.

 

 

Parfois, la rencontre entre un regard et une œuvre dart peut sapparenter à la collision entre un marteau et une enclume : elle produit des gerbes d’étincelles. La rencontre entre la poétesse et ces œuvres dart a généré des fulgurances poétiques, des guirlandes de mots, des odes à la femme, la mère et lamante et dautres qui sinquiètent du monde tel quil va.

Ce recueil est le fruit de la collaboration entre la poétesse avec lartiste belgo-burkinabè Attila et avec le dessinateur burkinabè Félicien Faha Koulaté. Les poèmes portent les titres des œuvres plastiques dont ils sont nés. Les poèmes Black Mona Lisa sont écrits sur la toile Mona Lisa at the M.O.M.A inspirée  des toiles de Leonard de Vinci et de Francis Bacon. Ce tableau où pose la femme dAttila a été exécuté par le portraitiste Adama Démé. Celui-ci a remplacé le pont et le ruisseau de larrière-plan du tableau original par les tours de New York avec les avions qui sy encastrent.

La poétesse imagine Black Mona Lisa à New York au lendemain des attentats du 11 septembre qui ont vu l’écroulement des tours jumelles de New York. Les poèmes rappellent tout dabord  la rencontre violente entre lAfrique et les Amériques avec lesclavage et heureuse avec la mélopée du griot qui a donné le jazz et ensuite le présent difficile de la ville meurtrie par les attentats. Mais elle sachève sur lespérance.

Car ton visage est ce livre où se dessine/la carte dun ciel nouveau

Et il aura toutes les promesses de / ton sourire

Dautres grappes de poèmes sintéressent à la sculpture Black Nefertiti conçue par Attila en collaboration avec le bronzier Moussa Ouattara. La reine égyptienne apparaît sous des  traits nègres très accentués avec des lèvres épaisses et un nez camus ; elle porte comme couronne un peuple dhommes  et de femmes. Les derniers poèmes de « Rescapée » sont consacrés aux dessins de Koulaté et évoquent lAfrique actuelle avec ses turpitudes présentes et le lourd passif de son passé.

De façon générale, la poétesse, sans doute à cause des œuvres dont les sujets sont fortement liés à lidée de race et de lAfrique sinscrit dans la Négritude. Dans les poèmes sur Black Mona Lisa et Black Nefertiti peuvent être classés dans la Négritude narcissique, celle qui célèbre la beauté et la grandeur de lAfrique et on y trouve des accents senghoriens. Avec les dessins, cest la Négritude militante qui affleure et  certains vers sont très césairiens surtout le Césaire du Cahier dun retour au pays natal. Ainsi, dans le poème, « La Miraculée », il y a lanaphore « je resterai debout » et la chute finale du poème « je resterai debout, droite et fière, parmi les nations ! »

Toutefois, on retrouve aussi lart poétique de Sophie Heidi Kam qui consiste à une langue vaste et riche dimages surprenantes qui  parfois reprend littéralement les expressions des langues nationales pour en faire des tropes dune grande originalité. Comme  « descends ton cœur » et «  assois ta douleur » dans le poème « Il vient le temps »

Avec ces poèmes, Sophie Heidi Kam prolonge l’écho et la  réception dune toile, dune sculpture et de quelques dessins. Elle renoue avec une tradition de dialogue entre le poète et lartiste plasticien qui a lié par exemple Baudelaire et Delacroix. Elle ne le fait pas à travers un  texte critique ou un poème mais en écrivant un recueil dune vingtaine à cet effet.

Avec Mémoires vivantes de Sophie Heidi Kam, on peut dire comme Horace It pictura poesis, cest-à-dire quelle met  les deux arts sur un pied d’égalité.

 

 

Saïdou Alcény Barry

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut