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Le festival Ganamaya de Bobo-Dioulasso: Diversité des démarches, singularité des œuvres

Du 17 au 21  janvier 2022 sest tenue la 14e édition des rencontres internationales de lart contemporain sous le thème de la création artistique et de la mobilité. Ce fut une riche rencontre avec des artistes aux démarches diverses et utilisant des matériaux variés.

 

 

Il est heureux de constater que contrairement à ce que lon pense, toutes les manifestations consacrées aux arts plastiques ne se tiennent pas à Ouaga. Lartiste récupérateur Issouf Diéro réussit à réunir dans la ville de Sya des artistes nationaux et internationaux pendant une dizaine de jours pour créer et échanger sur lart.

Cette année, les artistes sont venus dhorizons divers : du Chili, de Tunisie, de la France, de lItalie, du Tchad, de la Côte dIvoire. Ils ont produit des  œuvres fort intéressantes.

Sagissant de la Côte dIvoire, il y avait Patrick Yapaud, artiste et enseignant à l’école des arts de Bingerville, qui se réclame du Vohou-vohou. Ses « Sentinelles » sont des tubes cylindriques en carton habillés de papier peint avec des pigments naturels. Il y avait aussi, Soumaïla Kamagaté, dont la série sur les enfants a retenu lattention. Avec du café principalement  et quelques collages artistiques, il peint le royaume de lenfance avec des gosses de rue, torse nu mais heureux et espiègles.

Il y avait aussi le collectif ArtGombo composé de Bamory Ouattara et de Pierre Séjalon dont le travail de récupération avec les mortiers est très intéressant. Ce travail sur les mortiers, rappelle celui du sculpteur sénégalais Moustapha Dimé. Dailleurs le travail de ce collectif sinscrit dans une réinterprétation de lart mondial. En effet, l’œuvre Colonnes, composée dun empilement de mortiers, évoque la culture méditerranéenne avec larchitecture en colonne et lAfrique. Lautre œuvre est un ensemble de mortiers fêlés et suturés avec du bronze. Cest la technique japonaise du Kintsugi qui consiste à réparer les vases brisés avec de lor. Ici, cest une façon de panser les blessures nées de la rencontre violente entre lAfrique et lEurope à travers lesclavage et la colonisation.

Il y a aussi le Tchadien Apollinaire Guidimbaye, dont le travail de récupération avec le bitume d’étanchéité, le collage de papier journal, donne des tableaux en relief où domine le noir qui joue avec la lumière pour décliner ses multiples nuances. Ce travail commencé durant cette résidence de création à Bobo avec ces deux toiles, lartiste entend le poursuivre et explorer les possibilités quoffre le noir du bitume.

La démarche la plus radicale est celle du Français Michel Charmasson, dont le travail consiste à sopposer à tout ce qui est consumériste. Aussi ses œuvres sont-elles tirées de la nature et des rebuts. Cest un combat qui vise à retirer lart du marché, à en faire un objet non marchand dont la charge politique nest pas récupérable par le capital.

Il prend ce quil trouve, une feuille, une racine, un déchet et, à partir de ces éléments,  compose son installation. Cest un art conceptuel, peu pratiqué dans le milieu de la récupération au Burkina et dont la réception de l’œuvre à Bobo oscille entre rejet et étonnement. Mais il a fortement impacté le public par son discours et sa démarche. Et dans un milieu africain où les artistes rêvent dentrer dans le marché de lart, la démarche de Michel Charmasson, qui invite à en sortir, détone et étonne.

Il y a quelque chose de nouveau qui se lève à lOuest, des rencontres dartistes dAfrique, dEurope et dAmérique qui accoucheront dun art contemporain ancré dans le riche patrimoine local et ouvert sur le monde. Il faut juste espérer que lartiste Issouf Diéro, qui seul porte ce festival, se fasse accompagner dune structure pour porter lorganisation et confie lexposition à un commissaire dexposition pour mieux mettre en valeur les œuvres et les artistes.

 

Saïdou Alcény Barry

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