Menu

Crise à la FBF : «Ou Banssé organise une médiation, ou il démissionne» (Daouda Sanou dit Famozo, entraîneur, formateur)

 

L’actualité sportive au Burkina ces derniers temps s’est aussi déportée sur ces discordes entre les membres de la Fédération burkinabè de football (FBF) et qui minent le bon fonctionnement de l’organisation. Les sorties médiatiques ou encore ces publications sur les réseaux sociaux de tel ou tel camp témoignent à n’en pas douter de la profondeur du mal qui ronge la faîtière de notre football.  Pour conjurer ce sort que ne mérite pas le sport roi dans notre pays, l’entraîneur Daouda Sanou dit Famozo, professeur d’éducation physique et sportive spécialisé de football à la retraite et formateur de jeunes à Bobo-Dioulasso, invite le président de la FBF Lazare Banssé à prendre ses responsabilités ou à rendre le tablier. C’était au cours de cette interview qu’il nous a accordée le 2 mars 2022 au stade Wobi.  

 

 

 

 

D’abord, quelle appréciation faites-vous du parcours des Etalons à la CAN 2021 ?

 

 

 

Je dirai au regard de l’enthousiasme du public, que le bilan est positif. Parce que l’une des fonctions du sport, c’est de faire naître l’espoir d’un lendemain meilleur. Le peuple était heureux du parcours du onze national, et c’est déjà bien. Mais sur le plan comptable et sportivement parlant, je dirai que c’est bien mais ce n’est pas arrivé. Parce qu’on a déjà été finaliste. Avec  ça,  une quatrième ou une troisième place doit être toujours vue comme une contreperformance. Alors pour moi, il faut toujours redoubler d’effort et travailler encore plus. Parce qu’en sport, il faut toujours chercher à battre ses propres records.

 

 

 

Donc pour vous, les Etalons auraient pu faire mieux que cette quatrième place ?

 

 

 

Bien sûr que oui. S’il y avait une bonne planification depuis 2013 où on a été finaliste, on devrait aujourd’hui remporter le trophée et c’est tout ce qu’il nous reste. Nous aurions pu capitaliser les acquis de ces années précédentes et élaborer une bonne feuille de route qui devrait nous conduire à la victoire finale.

 

 

 

Que pensez-vous de cette équipe des Etalons cuvée 2021 ?

 

 

 

On n’a fait que rassembler des joueurs venus d’horizons divers; personnellement, je n’ai pas vu un groupe, ou une génération de joueurs qui montaient. Cette équipe à mon avis était du préfabriqué. Le soubassement n’y est pas du tout et la dynamique du groupe est fragilisée. Lorsqu’on fait du préfabriqué à ce niveau, cela porte des germes de division et des crises de leadership. Les germes dont je parle on commencé à se manifester dans le groupe. Il y a le problème des égo et de leadership. Mais quand on travaille de manière planifiée  et que ce sont des générations qui se côtoient depuis les minimes en se bonifiant, vous verrez qu’à ce stade aucun problème de leadership ne peut surgir et l’esprit du groupe est le mieux partagé. C’est ce qui fait surtout la force d’une équipe.

 

 

 

Est-ce que des joueurs burkinabè vous ont particulièrement impressionné durant cette CAN ?

 

 

 

Je suis un formateur et j’ai mes principes. Moi, je suis très exigeant et pour vous dire vrai, je n’ai pas été impressionné par un joueur des Etalons au cours de cette CAN. Parce que moi mon rêve c’est de voir un joueur burkinabè de classe mondiale. Dans le groupe il n’y en a pas. Je suis très ambitieux et je ne faits rien à moitié. Il est vrai que certains se sont défoncés comme il se devait, mais j’avoue encore qu’ils ont du chemin à faire pour atteindre le haut niveau de compétition et rayonner partout dans le monde.

 

 

 

La FBF est aujourd’hui minée par une crise jusque-là sans issue. Qu’en dites-vous ? 

 

 

 

Je ne suis pas étonné par ce qui se passe aujourd’hui à la Fédération. Pour moi c’est d’ailleurs un phénomène normal. C’est une crise de croissance dans la mesure où les activités du football ont pris du volume. Il y a aujourd’hui beaucoup d’argent injecté dans le football. Les exigences ont aussi pris du volume. Malheureusement, nous n’avons pas su anticiper. Nous aurions pu depuis un certain temps, mettre en place une organisation scientifique au lieu de rester au stade de la compétence individuelle. C’est autour d’un projet, d’une ambition commune qu’on peut fédérer les clubs et les ligues. Nous n’avons aucun projet dans ce sens et on ne fait que naviguer à vue. Voilà comment naissent les querelles de leadership. Ces querelles ont fini par révéler tout le caractère du Burkinabè dans ce domaine. L’égoïsme, l’affairisme, le népotisme et la politique du « ôte-toi que je m’y mette » sont devenus le sport favori de beaucoup de gens dans le sport. Mais avec la crise actuelle, nous ne devons pas avoir peur parce qu’il s’agit d’une crise pubertaire. Si nous maîtrisons bien la situation, nous sortirons de cette  crise  avec des projets communs, une organisation scientifique et un football qui nous donnera plus de satisfaction.

 

 

 

Que reprochez-vous concrètement à cette Fédération dirigée par Lazare Banssé ?

 

 

 

Lorsque je dis qu’on n’a pas su anticiper, j’accuse la Fédération, le ministère et l’ensemble des acteurs de notre football. Mais la gouvernance actuelle semble avoir exacerbé les choses par ses méthodes. Je suis à la fois triste et heureux. Heureux parce que les difficultés que nous vivons ont permis de mettre en relief la crise de croissance de notre sport roi. Mais je fonde l’espoir que nous allons nous mettre autour d’une table pour trouver la solution afin que le football gagne et non des individus. Je suis triste aussi parce qu’on aurait pu faire l’économie de tout cela. Il y a eu des alertes qui n’ont pas été prises au sérieux. A la lecture de la gouvernance de Lazare Banssé, on voit plutôt quelqu’un qui veut s’affranchir de son mentor, au lieu d’affranchir le football des centres d’intérêts personnels. Et en voulant s’affranchir de son mentor, il emploie les mêmes méthodes qui portent les mêmes germes de division. Et si on le laisse continuer, notre football finira par s’embourber dangereusement. Donc il faut avoir le courage de lui dire d’arrêter. On rebat toutes les cartes et on repart sur une nouvelle base.

 

 

 

Alors faut-il que le président Banssé démissionne ?

 

 

 

Il a deux options à mon avis dans cette crise. Je voudrais en premier lieu, qu’il suscite une médiation. Pas une simple médiation entre lui et ses frondeurs, mais une médiation entre tous les acteurs de notre football. Et je reste convaincu que cette médiation que je sollicite de tous mes vœux va aboutir à un consensus. Ce consensus sera matérialisé par une charte ou un Code de bonne conduite afin que nous puissions mettre en place une organisation fiable pour ensuite parvenir à des élections transparentes. La deuxième  option pour moi est la démission du président Banssé. Et à partir de là, on met en place un organe ou un comité de normalisation. Mais la première option pour moi est la meilleure et j’espère qu’il agira dans ce sens en prenant en compte les critiques et les suggestions, qu’il se mettra aussi à l’écoute de tout le monde et travaillera à rapprocher les points de vue afin que tous ensemble nous puissions déboucher sur un socle solide pour notre football. Ce socle doit s’appuyer sur une vision avec des projets à court, moyen et long termes pour notre football. Laissons tomber nos intérêts égoïstes et partisans pour repartir sur une nouvelle base. Il faut aujourd’hui revoir l’architecture de notre football. De mon point de vue, les vrais acteurs du football croupissent dans la misère, tandis que d’autres ne font que profiter de ce sport pour se faire une place au soleil. Ils se battent pour des questions de leadership. Les vrais acteurs du football sont les clubs et l’Etat et non les ligues, les districts ou la Fédération qui ne sont en réalité que des mécanismes d’échanges sur les projets et les ambitions. Mais on a comme l’impression aujourd’hui que ce sont ces structures qui sont les vrais responsables du football. Alors qu’elles ne vivent pas du tout les réalités de cette discipline sportive. Les responsables de ces structures ne font que profiter de ce sport, à travers les missions et les multiples voyages à l’étranger. Voilà pourquoi tout est concentré sur les Etalons A. Ils sont toujours heureux de la qualification des Etalons à une CAN parce que leur marché est ouvert à chaque participation de l’équipe à une phase finale. Il faut plutôt travailler aujourd’hui à mettre en place des clubs solides que de concentrer tous les efforts au niveau de l’équipe nationale. Des clubs bien aguerris donnent une équipe nationale forte et compétitive.

 

 

 

Il y a eu aussi la polémique autour de l’entraîneur Kamou Malo pour le non-renouvellement de son contrat. Qu’en dites-vous ?

 

 

 

Dans cette affaire, la Fédération a mal manœuvré. Elle n’a pas été conséquente. Parce qu’avant d’aller à la CAN elle savait bien que le contrat de Kamou Malo arrivait à expiration en février et qu’il n’allait pas être renouvelé. Elle n’a pas abordé la question avec son employé. Quand je fais une analyse, je trouve que le parcours des Etalons a trahi les prévisions de la Fédération. En réalité, Lazare Banssé avait des doutes sur les compétences de l’entraîneur et espérait que les choses allaient tourner mal pour Kamou Malo au Cameroun. Mais en matière de compétition, on ne peut rien prévoir. Il y a eu de l’amateurisme de la part de la Fédération dans cette affaire. Parce que techniquement la FBF n’a jamais pu évaluer Kamou Malo. Elle n’a aucune structure habilitée à le faire. Le seul critère d’évaluation reste les résultats. Et s’il y a les résultats, il faut le laisser continuer.

 

 

 

Que pensez-vous d’Oscar Barro qui succède temporairement à Kamou Malo ?

 

 

 

J’ignore pour le moment la mission qui lui a été confiée mais je suppose que c’est dans la perspective des deux matchs amicaux à la fin de ce mois. En football, il y a ce que nous appelons l’autorité de l’entraîneur. Cette autorité s’appuie sur sa compétence. Je veux dire par là que les joueurs ne doivent aucunement douter de la compétence de leur entraîneur. Quand il y a des doutes, l’entraîneur ne peut jamais être autoritaire. Et cela n’est pas de bon augure pour le management du groupe. Je ne dis pas que Barro ne peut pas réussir, mais il doit tout mettre en œuvre pour être autoritaire dans son discours et dans ses méthodes de travail. De plus en plus, on veut mettre l’accent sur les entraîneurs nationaux. Pour moi, la compétence n’a pas de nationalité et peut s’acquérir partout dans le monde. Il faut que nous soyons sincères avec nous-mêmes en essayant d’évaluer nos entraîneurs et de les aider à corriger leurs lacunes dans la perspective d’encadrer un jour la sélection nationale. On ne part pas à l’équipe nationale pour apprendre, mais pour démontrer son savoir-faire. L’équipe nationale est un cadre de rayonnement et non un cadre d’apprentissage ou de formation. Mais souvent l’orgueil et la fierté font qu’on refuse d’être objectif. Barro pourra s’appuyer sur Aristide Bancé et le capitaine pour poursuivre le travail  et réussir sa mission.

 

 

Jonas Apollinaire Kaboré

Ajouter un Commentaire

Code de sécurité
Rafraîchir

Retour en haut