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Saccage de l'ambassade, du consulat et des instituts français : Une connerie "populaire" que les princes et nous tous avons commencé à payer cash

« L’ambassade, le consulat général et tous les services français restent fermés jusqu’à nouvel ordre, l’ensemble des équipes restant néanmoins pleinement mobilisées. » C’est l’extrait d’un communiqué de l’ambassade de France au Burkina Faso rendu public le mercredi 5 octobre 2022 dans la soirée.

 

Cela fait suite aux actes de vandalisme et de saccage dont ont été victimes les enceintes diplomatiques françaises le samedi 1er octobre 2022, à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso lors des manifestations de soutien aux nouvelles autorités du pays. Ainsi pour les diplomates français en poste à Ouagadougou « L'ambassade, le consulat général et les instituts français à Ouagadougou et à Bobo-Dioulasso, ont été vandalisés et saccagés » par des manifestants favorables au capitaine Ibrahim Traoré et à ses hommes.

Ils accusaient la France de « protéger » le lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba ; laquelle position s’était renforcée lorsque le nouveau chef de l’Etat a affirmé que son prédécesseur s’était réfugié à la base militaire française à Ouagadougou dans le but de mener un contrecoup. Il faut ajouter que les déclarations de certains partis politiques, de certaines organisations de la société civile (ou supposées telles) et de regroupements composites d’OSC et de partis politiques sans oublier les propos « néo-anti-impérialistes » médiatisés (médias traditionnels et médias/réseaux sociaux) des leaders de nombre de ces structures ont contribué à mettre de l’huile sur le feu. A partir de ce moment, les appels au calme des nouveaux dirigeants du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) étaient devenus inaudibles de la part de manifestants déchaînés. L’onde de choc a même atteint les milieux syndicaux, à travers l’Unité d'action syndicale (UAS), regroupant six centrales syndicales et 17 syndicats autonomes. La France avait donc du souci à se faire. En effet, pour ce collectif, « Le coup d'État du 30 septembre 2022, avec l'annonce d'une implication de la France pour soutenir le président déchu, a bénéficié d'un soutien populaire ». Il a, en outre, apporté son pesant de dénonciation de la France en réclamant le départ des troupes françaises du Burkina Faso et en appréciant positivement « l’expression claire du sentiment anti-impérialiste de notre peuple, en particulier sa jeunesse ».

Au-delà du fait d’avoir ravivé la flamme révolutionnaire blafarde chez certains des plus âgés qui ont été des acteurs de la Révolution démocratique et populaire (RDP) ou du mouvement estudiantin ou permis aux plus jeunes de mener des actions qu’ils considèrent comme des actes patriotiques, le saccage, le vandalisme et l’incendie des composantes de la mission diplomatique française n’étaient ni légaux au plan du droit international, ni opportuns au regard du contexte, ni moralement recommandés.

 

L’Etat porte la responsabilité de la violation de l’immunité des enceintes diplomatiques françaises

 

D’abord, du point de vue du droit international, c’est contraire aux dispositions des Conventions de Vienne dont le Burkina Faso est partie Les dispositions de ces conventions confèrent des immunités aux représentations diplomatiques.  Elles constituent une protection offerte aux membres du corps diplomatique, à leurs familles et aux missions diplomatiques par les États d'accueil.La violation de l’immunité diplomatique est un acte illégal susceptible d’engager la responsabilité de l’État d’accueil.La convention de Vienne sur la relation diplomatique de 1961 à son article 22 dispose que : « Les locaux de la mission sont inviolables » à moins que ce soit avec le consentement du chef de la mission.

Le paragraphe 2 de cet article ajoute que l’État accréditaire a l’obligation spéciale de prendre les mesures appropriées afin d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou endommagés. Ce paragraphe met à la charge de l’État accréditaire l’obligation d’assurer la sécurité de la mission vis-à-vis de ses propres ressortissants. Le MPSR, par la bouche de son président le capitaine I. Traoré, s’étant engagé à respecter les Conventions et traités régionaux et internationaux dont le Burkina Faso est signataire, il urge de tout mettre en œuvre pour que le triste sort subi par la mission diplomatique trouve réparation. Impératives sont aussi les actions à mener pour poursuivre en justice les coupables de ces actes inqualifiables. Sans nul doute, la crédibilité des nouvelles autorités vis-à-vis de nos partenaires en général et de la France en particulier sera fonction, au moins en partie, de la façon dont ce dossier va être traité.

 

Un déshonneur pour un pays baptisé « Pays des hommes intègres »

 

« Ce qui s’est passé est bien triste et préoccupant. Au final c’est bien le Burkina, son image internationale et les Burkinabè qui en seront les plus grandes victimes… » C’est ce qu’a lâché un diplomate français dépité qui n’avait jamais cru que des Burkinabè s’en prendraient à la mission diplomatique française, encore moins avec autant de violence. Et un ami français de dire : « Ce n'est pas contre nous, c'est contre vous-mêmes. C'est le coupable qui se fait du mal en pensant nuire à la victime ». Dans cette foule (ou parmi les gens qui tiraient les ficelles dans l’ombre) prétendument sankariste et anti-impérialiste, il y en a qui, effectivement, sont les premiers à demander le visa Schengen et/ou à vouloir envoyer leurs enfants étudier en France ou dans un autre pays européen.

Et les choses ne s’arrêteront probablement pas là puisque malgré la fermeture temporaire des locaux, leur réouverture exigera que des mesures soient prises par les nouvelles autorités afin que pareilles situations ne se reproduisent pas. Par ailleurs et en attendant la réouverture desdits locaux, les services comme celui du traitement des demandes de visa Schengen connaîtront des perturbations ; or, demander par exemple le visa Schengen auprès de l’ambassade du royaume de Belgique pour se rendre en France requiert davantage d’explications pour ne pas dire plus. Il ne faut pas non plus exclure des conditions non-écrites qui seront désobligeantes à l’endroit des Burkinabè, toutes catégories sociales confondues.

En fait, ces actes de violence, gratuits à la limite, constituent une contre-illustration de ce que fut la RDP. Elle n’a jamais incité ses militants à saccager quoi que ce soit encore moins des missions diplomatiques ; or, ses premiers responsables, à commencer par le président du Conseil national de la révolution (CNR) le capitaine Thomas Sankara, exploitaient toutes les occasions qui se présentaient à eux pour dénoncer les relations iniques qu’il y avait (et qu’il y a hélas encore) entre la France et notre pays.

Pour « populaire » qu’elle puisse avoir été, la furie contre les enceintes nous coûtera cher à tous alors que les débauches d’énergies dont nous avons été témoins et le coût de la réparation des préjudices subis auraient dû servir à financer la lutte contre l’insécurité.

 

Moïse Diallo

Dernière modification lelundi, 10 octobre 2022 19:27

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