Menu

Crise scolaire à Koudougou Explications dans la rue entre élèves et CRS

Depuis le lundi 3 mai dernier, les élèves de Koudougou sont hors des classes. La raison ? Protester contre les réformes introduites par leur ministère de tutelle concernant les examens du BEPC et du BAC. Ces grèves, souvent de 24h, 48h, voire 72h, observées depuis un certain temps ont été commuées en grève illimitée depuis le début de cette semaine. Dans les milieux des contestataires, il est dit que la seule condition pour que les scolaires retournent en classe, c’est le retrait pur et simple du projet de réforme des examens scolaires par le ministère de l’Education nationale.

 

Si depuis le déclenchement de leurs actions de rejet des réformes, les élèves se contentaient de vider les établissements et de rentrer chez eux, force est de constater que les choses sont en train de prendre une autre tournure dans la cité du Cavalier rouge. En effet, le mardi 4 mai, les élèves, conduits par l’Association des scolaires de Koudougou (ASK), étaient au haut-commissariat pour recevoir la réponse d’une lettre remise au maître des lieux. Pendant ce temps, quelques dizaines d’élèves, restés devant le lycée provincial, perturbaient la circulation sur la Nationale 14 en déviant les usagers et en barricadant la voie. Une action isolée qui, bien qu’indisposante, n’inquiétait personne outre mesure, car par moments, les croquants laissaient passer les usagers pour peu qu’on ‘’négocie’’ avec eux. Nous mêmes, autour de 11h, alors que nous revenions de la SONABEL, située à quelques encablures du lycée provincial, avons bénéficié de cette ‘’largesse’’ pour rallier notre agence. ‘’Les autres sont rentrés et vous, vous êtes là à déranger les gens’’, se plaint un riverain de la voie, les yeux rougis par le gaz. ‘’D’ici 12h à 13h, avec la faim, la soif et la chaleur, ils vont rentrer chez eux’’, rétorque un autre.

Un optimisme contredit moins d’une heure plus tard, quand nous avons été informés qu’il y a un affrontement entre la police et les élèves. Arrivés dans les parages, nous sommes accueillis par l’odeur du gaz lacrymogène. Les alentours du lycée et les routes adjacentes sont quadrillés par les éléments de la CRS, embarqués sur des pick-up, qui dispersaient systématiquement tout regroupement. Les détonations des tirs se faisaient entendre en même temps que les cris des manifestants qui par ailleurs s’adonnaient à des jets de pierres. Le gaz lacrymogène était utilisé à profusion. Tant et si bien que l’atmosphère autour du lycée provincial était devenue irrespirable. ‘’Ils sont allés jusqu’à tirer à l’intérieur de l’établissement. Des douilles se sont retrouvées dans la salle des profs et partout dans la cour’’, affirme un élève, le torse nu, l’habit enroulé autour de la tête et un mouchoir imbibé d’eau plaqué sur le visage. Une affirmation démentie par une source sécuritaire qui rétorque qu’aucun agent n’a mis pied dans l’enceinte du lycée provincial encore moins tiré à l’intérieur. Devant notre insistance en arguant que des douilles et des flacons de gaz y ont été ramassés, notre source réplique que ‘’les élèves peuvent les avoir ramassés à l’extérieur et les amener à l’intérieur. Par hasard des flacons de gaz peuvent avoir été projetés dans la cour, mais nous n’y avons pas tiré expressément’’.

Quoi qu’il en soit, cette situation en début de semaine et l’allure que prend cette crise scolaire ont laissé bon nombre de citoyens perplexes. Car certains estiment que le blocage de la voie ne valait pas cette réaction musclée de la CRS. ‘’Ils vont exacerber la crise et donner l’occasion aux élèves de faire dans la surenchère’’, prévient un agent de santé croisé non loin du théâtre des ‘’affrontements’’. Il ne pensait pas si bien dire, car hier mercredi, les échauffourées ont repris de plus belle. Les commerçants riverains du lycée et même un peu plus loin, face aux risques de débordement, au danger lié aux jets de pierres et aux tirs de gaz, ont dû fermer boutique. Des pneus incendiés sur la voie déversaient des volutes de fumée noire dans le centre-ville envahi par l’odeur piquante du gaz.

Pour Salif Kevin Bako, président de l’ASK et élève en classe de terminale au lycée provincial de Koudougou, les élèves n’intégreront pas les classes tant que le gouvernement ne reviendra pas sur ces réformes en donnant une réponse satisfaisante à leurs doléances (lire encadré). Il est urgent qu’on œuvre à désamorcer cette bombe.

A Koudougou, on sait quand les crises commencent, mais on ignore toujours quand elles finiront et quelles proportions elles prendront.

Cyrille Zoma

 

 

 

« Ça risque d’être un remake de 2011 »

Salif Kevin Bako, président de l’ASK

 

« Nous ne sommes pas dans la dynamique de nous battre avec qui que ce soit. Mais si la violence s’impose à nous, nous allons nous défendre. Le lundi 3 mai, après une marche pacifique, nous sommes allés remettre une lettre au haut-commissaire qui a promis de nous revenir. Le lendemain mardi, nous sommes allés pour prendre cette réponse et on nous a informés que le haut-commissaire n’est pas là. Nous avons décidé d’y rester jusqu’à ce qu’on donne notre réponse. C’est dans cette attente que la CRS est venue nous réprimer. Ce matin (hier mercredi), la répression s’est poursuivie alors que nous n’étions même pas dans une dynamique de rassemblement. Nous constatons que les autorités sont dans une logique de répression et nous n’allons pas céder tant que nos revendications ne trouveront pas une réponse satisfaisante dans les plus brefs délais. Le mouvement va évoluer en s’amplifiant et va gagner les autres localités du pays. Nous sommes au dixième anniversaire des évènements de 2011 et si le gouvernement ne revient pas sur sa décision, ça sera un remake de 2011’’.

 

Cyrille Zoma

 

En savoir plus...

Enlèvement d’un journaliste français au Mali: Cette « médiaphage » bande sahélo-saharienne

Il avait disparu des radars depuis près d’un mois et c’est dans une vidéo de 21 secondes qu’il réapparaît. Un enregistrement posté sur les réseaux sociaux dans lequel le journaliste indépendant français installé au Mali depuis 2015, Olivier Dubois, affirme avoir été enlevé par le GSIM, le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans. Des images qui viennent confirmer les craintes de sa famille, de ses amis et de ses confrères, notamment de Libération et de l’hebdomadaire Le Point, pour lesquels il écrivait, ainsi que ceux du Journal du Mali, dont il a été le rédacteur en chef.

La bonne nouvelle dans tout ça, c’est qu’au moins on sait que celui qui demande à ses proches et aux autorités françaises de faire tout leur possible pour le libérer est toujours vivant. Et il faut espérer que tôt ou tard, il humera de nouveau l’air frais de la liberté.

A l’origine de l’infortune de notre confrère, une interview projetée avec un ponte jihadiste pour la réalisation de laquelle il avait débarqué à Gao le 8 avril dernier. Le contact avec le mystérieux cadre terroriste avait été établi par l’intermédiaire d’un certain Souleymane, aujourd’hui entre les mains des enquêteurs. Celui-ci a-t-il servi d’appât pour attirer dans un traquenard le Français, journaliste qu’on dit pourtant aguerri ? Allez savoir…

Une chose est sûre : comme s’il subodorait ce qui allait lui arriver, Olivier Dubois aurait lancé à Souleymane : « Si dans 45 minutes tu n’as pas de mes nouvelles, il faut prévenir ma famille et Barkhane ». C’était le 8 avril et jusqu’à la diffusion de cette vidéo, cela faisait presque 30 jours que ces 45 minutes étaient épuisées.

Cette prise d’otage montre à souhait combien cette bande sahélo-saharienne est « médiaphage ». De Ghislaine Dupont et de Claude Verlon de RFI, enlevés puis exécutés en novembre 2013 à Kidal, à Olivier Dubois en passant par les journalistes espagnols et irlandais assassinés le 26 avril à Pama dans l’Est du Burkina, il sont nombreux, nos confrères qui ont été enlevés ou tués dans ce « Sahelistan » de tous les dangers. Selon Reporter sans frontières, « cette région est presque un trou noir de l’information aujourd’hui » où disparaissent ceux qui, au péril de leur vie, traquent l’information. Et on a beau très bien connaître les réalités du terrain et avoir organisé précautionneusement, comme Dubois, son expédition médiatique, on court toujours le risque d’être englouti par les sables mouvants de la bande sahélo-saharienne, où derrière chaque dune rôde le danger.

H. Marie Ouédraogo

En savoir plus...
S'abonner à ce flux RSS