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Noël 2020 à Bobo: L’enfant Jésus orphelin de Notre-Dame de Lourdes

C’est demain vendredi que les chrétiens du monde entier célébreront la naissance de Jésus de Nazareth. Comme chaque année, cette fête de la nativité sera marquée   en cette veille par la traditionnelle messe de minuit qui rassemblera des milliers de fidèles dans les différentes églises de l’archidiocèse de Bobo-Dioulasso. Hélas, la Cathédrale Notre-Dame de Lourdes, qui demeure en la matière le plus grand édifice catholique de la cité avec ses 3000 places assises et pouvant contenir jusqu’à 5000 fidèles, restera ce soir désespérément vide, silencieuse, plongée dans le noir et loin des chants d’allégresse annonçant la naissance de l’enfant Jésus. La raison de cela : ce gigantesque édifice religieux à la voûte nubienne plus que jamais considéré comme un des symboles de la ville de Sya est fermé depuis le 12 juillet 2020 pour des travaux de réhabilitation. Une première depuis son ouverture en 1962 et sa consécration en 1966 après plusieurs décennies de prières, d’ordinations presbytérales, de bénédictions nuptiales et, malheureusement, de requiem, etc. Nous y avons fait un tour lundi dernier. Reportage.

 

 

Dans l’enceinte de la cathédrale donc, l’heure n’est pas cette année aux préparatifs de la fête de décembre. Les traditionnelles et multiples rencontres des communautés chrétiennes de base et autres organisations de fidèles laïcs de même que les travaux de nettoyage et de décoration en prélude à Noël ont aujourd’hui fait place à un vaste chantier. L’attention du visiteur est tout de suite attirée par ces gigantesques grues installées tout autour de l’édifice décoiffé. Des machines bien adaptées aux besoins de l’entreprise en charge des travaux et qui assurent quotidiennement le transfèrement du matériel du bas vers le sommet sur une hauteur d’environ 23 m. Perchés au faîte du bâtiment, des ouvriers sont chargés de la réception des matériaux et de la pose de la toiture, qui demeure le principal lot de ces travaux de restauration. Dès le parvis, le visiteur est également impressionné par cette importante quantité de tôles stockées et empilées  dans la nef pour les besoins des travaux.  Du matin jusqu’au soir, ils sont plusieurs dizaines d’ouvriers qui fourmillent sur le chantier, occupés qu’ils sont à des tâches précises aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment. Outre l’église, il y a le presbytère qui connaît des travaux d’extension avec la construction de nouveaux logements et d’un réfectoire. A terme, il est également prévu des aménagements paysagers et la construction de parkings.  Lentement mais sûrement, ce projet de réhabilitation de la cathédrale et les travaux annexes dont des boutiques de rue sont devenus réalité. Du coup, l’épineuse question de son financement à travers diverses initiatives allant des contributions volontaires des fidèles chrétiens et autres généreux bienfaiteurs jusqu’au prêt bancaire a finalement trouvé une réponse après avoir fait couler tant d’encre et de salive.

 

Près d’un milliard de FCFA pour les travaux

 

En tous les cas, la réhabilitation de cette cathédrale s’imposait à l’archidiocèse au regard non seulement de sa vétusté très avancée mais également des dangers et de l’inconfort auxquels étaient exposés les fidèles durant les offices. « Tout a commencé au milieu des années 90 avec cette bourrasque accompagnée d’une forte pluie qui avait perturbé la cérémonie d’ordination qui se déroulait dans l’église. Ce jour-là les autorités et les fidèles chrétiens qui prenaient part à la cérémonie ont dû se débrouiller comme ils pouvaient pour éviter l’eau qui coulait à flots de la toiture et le vent violent qui menaçaient d’emporter les tôles. C’est à partir de cet incident que l’idée de la réfection de l’édifice a germé dans l’esprit de Monseigneur Anselme Titianma Sanou qui avait même ironisé en disant ce jour que c’est tant mieux que cela se passe en présence des autorités, a expliqué l’abbé Sylvestre Sanou, curé de la paroisse cathédrale. Le moins que l’on puisse dire est que plus d’un demi-siècle après sa construction, Notre-Dame de Lourdes de Bobo–Dioulasso commençait véritablement à perdre de son lustre avec ses murs qui se décapaient, ses vitraux qui perdaient chaque jour de leur éclat, cette sonorisation défaillante et ces gravures qui se délavaient sous l’outrage du temps. Mais il aura fallu attendre jusqu’en 2015 pour que ce projet de réhabilitation soit porté sur les fonts baptismaux avec la bénédiction du nouvel archevêque Paul Ouédraogo. L’un des défis majeurs que le comité de réhabilitation mis en place à cet effet devait relever était sans conteste la mobilisation des fonds. La première option, à savoir les contributions volontaires des fidèles chrétiens et généreux bienfaiteurs, n’avait pas permis d’atteindre les résultats escomptés. Un peu moins de 250 millions de FCFA avaient été collectés en quatre années de souscription pour un projet dont le coût initial était estimé à 751 millions. Malgré les sacrifices consentis par les nombreux donateurs, le rêve était encore loin de la réalité pour le comité de réhabilitation qui dut alors frapper à la porte de la Coopérative diocésaine d’épargne et de crédit (CODEC). Malheureusement les capacités de la CODEC sont limitées eu égard à son statut d’entreprise de microfinance.

Que faire ?  C’est alors que le comité va se tourner vers les banques commerciales.  Mais cette nouvelle option de financement va entraîner une modification du projet initial en y intégrant la construction de boutiques de rue. Pourquoi un tel ajout ? Ecoutons l’explication de l’abbé Sylvestre Sanou :  « Nous avons introduit notre dossier de crédit auprès de plusieurs banques de la place. Mais c’est à Wendkuni Bank International que nous avons reçu une oreille attentive. Elle a accepté de nous accorder un prêt d’un montant de 945 millions de FCFA ; et avec les frais y afférents, on se retrouve à 955 millions. Le prêt accordé par WBI est remboursable pendant une durée de dix ans. En 5 ans nous n’avons pu collecter que 250 millions, et à ce rythme, nous risquions de ne pas pouvoir respecter nos engagements vis-à-vis de la banque. Il nous fallait donc trouver une autre source de revenus plus sûre pour ne pas continuellement mettre à contribution les fidèles, qui ont déjà consenti d’énormes sacrifices. C’est pourquoi nous avons choisi d’intégrer les boutiques de rue dans le plan initial. Les contrats que nous avons passés avec les locataires nous permettront d’éponger facilement cette dette avec WBI et même de créer plus tard une fondation devant servir à épargner de l’argent pour financer des projets similaires dans les années à venir ». Une chose est sûre, l’aménagement des alentours de la cathédrale en boutiques de rue demeure à tout point de vue une idée salvatrice ; et cela, au regard de son apport financier à travers le renouvellement des contrats de location que l’archidiocèse a passés avec ces vendeurs de cycles et autres acteurs du secteur informel qui s’y étaient installés depuis toujours. Une démarche qui recevra d’ailleurs l’assentiment de ces locataires. Lesquels n’ont pas hésité à manifester leur pleine adhésion en honorant leurs engagements par ces cautions de trois, voire quatre ans à raison de 125 000 F le mois pour les boutiques au rez-de-chaussée et 75 000 F pour celles à l’étage.  Ce qui suffit à garantir le remboursement de la dette contractée auprès de WBI et à assurer surtout le lancement des travaux.

 

La toiture, l’étape la plus délicate

 et la plus importante du projet

 

A quelles entreprise ou entreprises ont échu ces travaux de réhabilitation ? Essentiellement à la société burkinabè EERI-BF (Entreprise d’Etude et de Réalisation Industrielle). Implantée à Bobo-Dioulasso depuis déjà plusieurs années et réputée pour ces grands chantiers comme la réalisation du dépôt Sonabhy de Péni, cette entreprise va en toute logique se tailler la part du lion dans l’attribution de ce marché de réhabilitation subdivisé en six lots. EERI-BF aura donc en charge l’électricité, la peinture, le carrelage et surtout la toiture, qui demeure le principal lot de ces travaux. Une occasion pour l’entreprise de prouver tout le bien que l’on pense d’elle à travers sa riche expérience des grands travaux et la qualité de ses ouvrages. La visite guidée du chantier en début de semaine nous a permis de nous convaincre du professionnalisme de l’entreprise au regard de l’important lot de matériel déployé sur le terrain et de l’organisation mise en place pour assurer la sécurité des travailleurs et le bon déroulement des travaux. « Comme vous le constatez, nous travaillons plus en hauteur sur une toiture en forme d’arc. Un tel chantier demande des moyens logistiques mais aussi un personnel qualifié et expérimenté pour minimiser les risques d’accident. A ce niveau nous n’avons rien à nous reprocher. La pose de la toiture se déroule dans de très bonnes conditions grâce à ces grues et ces nacelles qui sont certifiées et qui permettent à nos employés de travailler en toute aisance et en toute quiétude à une hauteur d’environ 23 m du sol. Et en plus, nous respectons les gestes barrières par le port obligatoire du masque. Et jusque-là tout se passe bien. A ce jour nous avons déjà réalisé 50% des travaux et espérons être dans les délais pour la livraison de l’ouvrage », a déclaré Martin Coulibaly, responsable technique à EERI-BF. C’est en principe en fin février 2021 que devra s’effectuer la réception des travaux. Mais en attendant, les habitués de la paroisse cathédrale devront continuer à se diriger bon gré mal gré vers les AUTRES lieux de culte qui leur avaient été indiqués depuis la fermeture de l’église en juillet dernier. Seulement, il y a encore ces paroissiens qui peinent à accepter le changement qui s’impose à eux. Des nostalgiques qui ne cachent pas leur amertume depuis que leur lieu de prédilection pour prier Dieu s’est momentanément transformé en chantier de réhabilitation. « Moi je fréquente la cathédrale depuis le temps de monseigneur André Dupont qui fut le tout premier évêque jusqu’en 1974. J’avais surtout l’avantage de loger à Sikasso Cira, un quartier qui n’est pas loin de l’église. C’est comme ça que j’ai pris l’habitude de fréquenter cette cathédrale à laquelle je reste profondément attaché. J’ai souvent un pincement au cœur de savoir que je ne peux pas m’y rendre depuis quelque temps. Mais je suis aussi heureux de savoir que je vais bientôt renouer avec notre église, entièrement relookée. Car il faut reconnaître que l’édifice était en train de se dégrader sérieusement et avait vraiment besoin d’une cure de jouvence. Je profite d’ailleurs de votre micro pour saluer le pragmatisme et la vision de monseigneur Paul Ouédraogo qui a su planifier et organiser ce projet. J’en suis très heureux parce que, pour moi, cette cathédrale est notre Israël ». Parole de Désiré Traoré.

 

Anselme Titianma se souvient

 

Avec la fermeture de la cathédrale, plusieurs églises et chapelles de la ville connaissent en ce moment donc une affluence inhabituelle, notamment lors des messes du dimanche.  Au nombre de celles-ci, la salle Saint André   de la mission catholique qui fut la toute première église à Bobo-Dioulasso, construite quand Bobo n’était qu’une préfecture apostolique. L’archevêque émérite Anselme Titianma Sanou se souvient encore que c’est à proximité de cette première église qu’on avait décidé d’ériger la cathédrale Notre-Dame de Lourdes. « Le premier site désigné pour la construction de la cathédrale se trouve être le pied-à-terre présidentiel situé à l’entrée de la mission catholique à proximité du camp Ouezzin- Coulibaly. Mais le choix sera finalement porté sur son emplacement actuel et la première préoccupation à ce niveau était qu’il fallait procéder à une déforestation ; puisque toute la zone était constituée de grands arbres et de lianes qu’il fallait couper pour dégager de l’espace. C’est aussi dans une partie de ce grand environnement, qui était la propriété de mes parents, que se tenaient également des rites coutumiers avec les autochtones. Nous constaterons par la suite le début des travaux de construction de la cathédrale et, en quelques années, c’est un gigantesque bâtiment surplombant la ville qui sortira de terre. C’était édifiant, et avant même la pose de la toiture, on avait commencé à prier dans cette église un peu vers la fin des années 50. Les choses se sont améliorées progressivement jusqu’à sa consécration en 1966 », a expliqué Anselme Titianma Sanou. Après environ 60 ans à accueillir les plus grands évènements religieux et sociaux de la communauté catholique de Bobo-Dioulasso, la cathédrale Notre-Dame de Lourdes n’a cependant rien perdu de sa splendeur dans une ville où elle semble toujours demeurer l’un des plus grands si non le plus grand édifice implanté au cœur de la ville de Sya. Ces travaux de réhabilitation vont sans nul doute redonner à cette infrastructure son lustre d’antan et l’imposer davantage comme un pan indéniable de l’évolution socioculturelle de la ville de Sya.

 

                                                                   Jonas Apollinaire Kaboré 

Encadré

Une urgence sanitaire  aussi

 

Une société ivoirienne en partenariat avec EERI-BF a effectué le déplacement à Bobo-Dioulasso pour la pose de la toiture de la cathédrale Notre-Dame de Lourdes. Les tôles, qui ont été importées de Lille en France vers la fin des années 60, pourraient contenir de l’amiante ; une substance dangereuse pour la santé et qui était pourtant très utilisée dans les constructions au cours de ces dernières décennies partout dans le monde. En effet, l’utilisation de l’amiante au début du 20e siècle suscitait de plus en plus d’inquiétudes, et des recherches commençaient à pointer cette substance comme l’une des causes principales des maladies pulmonaires. Du coup, les réactions des autorités ne se feront pas attendre. Et cela fait 24 ans aujourd’hui, jour pour jour, que, par décret n°96-1133 du 24 décembre 1996, la France interdisait l’utilisation de l’amiante dans la construction et l’industrie du BTP. En 1999, une directive européenne interdisait à son tour l’amiante à compter du 1er janvier 2005 dans tous les Etats membres. Des mesures visant surtout à prévenir les risques liés à l’utilisation de l’amiante dont la dangerosité commence à se faire sentir après quelques décennies.  Du coup les travaux de réhabilitation de la cathédrale Notre-Dame de Lourdes à travers le renouvellement de sa toiture apparaissent aujourd’hui comme une urgence sanitaire pour l’archidiocèse. C’est alors que la pose d’une nouvelle toiture à moins de deux ans de la date butoir (2022) était devenue la préoccupation majeure de l’église dans cette réhabilitation. Un travail de renouvellement assez  délicat et qui a suscité l’intervention de spécialistes étrangers avec des équipements bien adaptés. Les anciennes tôles ainsi récupérées ont été soigneusement  chargées dans des containers pour être acheminées et détruites conformément aux normes environnementales.

                                                                                     

J.A.K.    

  

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Prise en charge malades covid 19 au Burkina : Vertus curatives de la chloroquine

 

L’utilisation Hydroxychloroquine+Azythromicine pour soigner les malades du covid 19 avait suscité un débat houleux, dès l’apparition, en fin 2019, de la maladie à coronavirus qui a vite fait de gagner le monde entier. Cette désormais pandémie continue de donner du fil à retordre à la communauté médico-scientifique.

 

Ailleurs si des vaccins, dont l’efficacité n’est pas totalement établie, sont   en train d’être administrés, au Burkina Faso un essai clinique sur la  Chloroquine (CHLORAZ) suscite de l’espoir dans la prise en charge des patients du covid 19. C’est ce qui transparait du communiqué de presse ci-dessous dont nous avons eu copie signé du Pr Halidou Tinto.

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