Mali : Ras Bath et les procureurs de la… rue publique
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Retour à la case prison pour Ras Bath, surnom du chroniqueur radio vedette contestataire malien Mohamed Youssouf Bathily. Il a été interpellé et entendu le lundi 13 mars dernier avant d’être placé sous mandat de dépôt en début de soirée, accusé par la justice malienne de « simulation d’infraction ».
On reproche à l’activiste d’avoir estimé le week-end dernier que l’ancien Premier ministre (PM) Soumeylou Boubèye Maïga avait été assassiné par la junte au pouvoir.
Depuis qu’il fait l’objet d’arrestations et d’emprisonnements, il doit également faire maintenant partie du décor de la maison centrale d’arrêt de Bamako Coura, un quartier populaire de la capitale malienne, où il vient encore une fois de passer sa première nuit lundi dernier.
En effet, les séjours en ces lieux du porte-parole du CDR, le Collectif pour le développement de la République, sont assez fréquents. En juillet 2017, il avait déjà été condamné à 12 mois de prison après son interpellation et sa comparution, un an plus tôt, devant la justice malienne pour « incitation à la désobéissance des troupes ». Ras Bath et plusieurs personnalités avaient ensuite passé près de quatre mois en détention, en 2021, après avoir été mis en cause dans la préparation d’un mystérieux coup d’Etat contre la junte.
Ce coup-ci, l’animateur goûte encore aux affres de la maison d’arrêt pour un autre délit. Quelque temps avant son inculpation, il avait déclaré qu’un ex-Premier ministre mort en détention il y a un an avait été « assassiné ».
L’ancien PM Soumeylou Boubèye Maïga est décédé le 21 mars 2022 en détention, malgré les appels pressants adressés par ses proches à la junte pour son évacuation à l’étranger, en raison de la détérioration de son état de santé. Le gouvernement avait fait la sourde oreille jusqu’à ce que sa mort intervienne. A tout le moins, on l’a laissé mourir.
Presque un an après sa disparition, le fantôme de ce poids lourd de la politique nationale malienne ressurgit donc. Sa mémoire a été évoquée samedi lors d’une conférence censée marquer le retour en politique de son parti, l’Alliance pour la solidarité au Mali. Le Premier ministre Maïga avait été, entre 2017 et 2019, le chef du gouvernement sous le président Ibrahim Boubacar Keïta, renversé en août 2020 par des colonels toujours au pouvoir.
L’accusé doit comparaître de nouveau le 13 juin prochain, mais le CDR annonce d’ores et déjà que ses avocats feront une demande de liberté provisoire. A sa décharge, son avocat soutient qu’il n’a accusé ouvertement personne, mais le gouvernement, se sentant morveux, a opté de se moucher bruyamment. Après Ras Bath, à qui donc le tour ? Avec l’inculpation de l’activiste, on est en droit de penser qu’on s’intéresse à l’alevin avant de harponner bientôt les gros requins.
Avant Ras Bath, une voix avait aussi avancé ce qu’on lui reproche actuellement. En effet, un haut magistrat, Mohamed Chérif Koné, pour ne pas le nommer, avait déclaré que M. Maïga avait « été ciblé » parce qu’il réclamait un retour rapide des civils au pouvoir, alors que les supporteurs de la junte « voulaient une transition sans fin ». Cet ancien avocat général à la Cour suprême avait été limogé en septembre 2021 après avoir protesté contre l’arrestation de l’ex-PM.
On se pose alors la question de savoir où tout cela va s’arrêter. Il s’agit là d’un couteau à double tranchant, puisque le procès de Rash Bath annonce en même temps celui du régime de Bamako, avec les éventuelles révélations qui pourraient être faites à cette occasion.
En tous cas, dans cette affaire, c’est à croire que la Transition malienne marche au rythme des vociférations de la rue. C’est comme un printemps des arrestations à la commande, et les activistes et autres acteurs des OSC ont intérêt à se mettre dans les rangs, au risque de se faire arrêter à leur tour.
D. Evariste Ouédraogo
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