Présidentielle libérienne : Weah réussira-t-il le doublé ?
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Nombreux sont ceux qui se souviennent encore de ce but d’anthologie du 23 novembre 1994 marqué contre le Bayern de Munich sur ses propres installations lors d’un match de la ligue des champions.
Vingt-trois années plus tard, l’ancien orfèvre libérien du ballon réédite l’exploit. Cette fois-ci dans les urnes.
Ancien international de football, jusque-là unique ballon d’or africain qui a fait les beaux jours de Monaco, de Paris et l’AC Milan, George Weah a remporté, en effet, au second tour, la présidentielle 2017 de son pays avec 61% des suffrages.
Malgré son expérience politique, jugée approximative, « la légèreté » de son programme et la mauvaise réputation de certains de ses alliés, notamment sa colistière, la sénatrice Jewel Taylor, ex-épouse de Charles Taylor, et le sénateur Prince Johnson, ancien rebelle, l’enfant de Clara Town, bidonville de Monrovia, parvint à se hisser au plus haut sommet de l’Etat. Son capital de sympathie acquis grâce à ses nombreux investissements sociaux et le souvenir de ses exploits sportifs lui ont valu une popularité sans commune mesure avec celle de ses adversaires.
Naturellement donc, il a succédé à la présidente Ellen Johnson Sirleaf pour un bail de six ans à l’Executive Mansion sans qu’on sache trop si entre les deux il n’y a pas eu d’entente tacite.
Mais une chose est de briller sur le rectangle vert en enchaînant les prouesses techniques et une autre est d’en faire autant en politique, un terrain autrement plus glissant.
A ce propos, il faut reconnaître que le premier mandat de « Mister » George, comme on l’appelle affectueusement, reste fort mitigé.
C’est vrai, au cours des six dernières années, le Liberia a connu un coup de lifting avec la réalisation de nombreuses infrastructures comme les routes et les hôpitaux.
En outre, même si les contempteurs du président sortant rappellent à l’envi que sur sa kyrielle de promesses de campagne peu ont été suivies d’effet, la gratuité de l’université est aujourd’hui une réalité dans ce pays.
Toutefois, c’est avec un sentiment généralisé de déception que de nombreux Libériens se rendront aux urnes ce mardi 10 octobre 2023 pour renouveler leur Parlement et une partie du Sénat et, surtout, choisir leur président.
En effet, malgré un taux de croissance économique de 5%, plus de 52% de la population sont logés dans la case « multi-dimensionnellement pauvre ».
Mais la grande tache noire de ce sextennat restera la corruption endémique qui ronge la première nation indépendante d’Afrique. Un fléau entretenu dans toutes les sphères de l’Administration publique avec la souveraine indulgence du « big boss ». Nombre de proches du chef de l’Etat, dont le directeur de cabinet, sanctionnés par les Etats-Unis, n’ont jamais été inquiétés par la justice.
On reproche également au président Weah son manque de volonté de création de tribunaux devant connaître des crimes de guerre commis lors de la guerre civile de 1989 à 2003.
C’est donc lestée d’un bilan peu flatteur que l’ancienne star rechausse les crampons pour une seconde complétion face à dix-neuf autres prétendants à la magistrature suprême.
Réalisera-t-il le doublé ?
Pour sûr, ce ne sera pas une promenade de santé pour le président sortant, comme en témoigne la virulence de la campagne, émaillée de nombreux incidents physiques qui ont entraîné des pertes en vie humaine et fait de nombreux blessés.
Pour un pays qui a été le théâtre d’une des pires guerres civiles de ces trente dernières années, moins que l’identité de celui qui décrochera les clés de l’Executive Mansion, c’est la situation post-électorale qui est au centre de toutes les préoccupations.
Les Libériens réussiront-ils à conjurer les démons de la politique qui menacent de nouveau la tranquillité du fleuve Saint-John ?
Alain Saint Robespierre
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