Côte d’Ivoire : Elections locales, enjeu national
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Tenues dans une atmosphère tendue avec des échauffourées ayant entraîné des destructions d’urnes dans certains endroits et 3 morts dans le Centre-Sud et l’ouest du pays, les élections municipales et régionales ivoiriennes n’ont pas suscité une grande affluence des 6,5 millions d’électeurs aux bureaux de vote.
Les résultats avant d’être publiés sont contestés notamment par le PDCI. Le taux de participation, à défaut de chiffres officiels pour l’instant, devrait être en dessous de 36 et 44% respectivement pour les régionales et les municipales de 2013.
Qu’est-ce qui explique cette forte abstention des électeurs à ces élections de proximité qui n’en comportaient pas moins d’enjeux nationaux ? C’est une situation véritablement paradoxale qui, en dehors de la défiance habituelle des citoyens à l’égard de leur classe politique, s’explique par le grand agacement des électeurs devant la pauvreté du discours politique. Réduit à des invectives personnelles entre candidats et à une rivalité malsaine, due à des raisons de tactique purement politicienne entre les deux principaux partis du landerneau : le RHDP et le PDCI, ce discours a été loin de séduire les Ivoiriens. En effet, les amis d’hier devenus les meilleurs ennemis d’aujourd’hui se sont affrontés verbalement, des fois physiquement dans certaines circonscriptions électorales, chose à mille lieues des préoccupations quotidiennes des populations.
Qu’il a dû se retourner dans sa tombe, le président Félix Houphouët Boigny, de voir ses héritiers scotchés à leurs ego, incapables de fusionner leurs forces dans un parti unifié ! Au contraire, le RDR, qui forme l’essentiel de l’ossature du nouveau RHDP, et le PDCI, diminué par le débauchage de plusieurs de ses cadres, se sont durement affrontés lors de ce double scrutin. L’enjeu de cette bataille électorale sans merci est assurément la conquête d’une pole position pour la présidentielle de 2020. Ce combat fratricide a pu dérouter plus d’un électeur. Comme s’y sont ajoutés l’appel au boycott lancé par le FPI dit originel d’Abdouramane Sangaré et la guerre entre seconds couteaux du RDR, Guillaume Soro et Hamed Bakayoko, ces élections avaient tout pour éclipser les enjeux de gouvernance locale.
De fait, pour plus d’un observateur, au-delà de leur caractère local, voire régional, leur centre d’intérêt a glissé vers des réponses à des questions à enjeu national : qui mobilise qui, peut s’allier à qui avec quel poids politique et quelles chances d’être présidentiable en 2020 ?
La couleur politique de chacun des 201 maires et 31 présidents des conseils régionaux nouvellement élus sera un signe indicatif des nouvelles alliances en perspective sur l’échiquier politique ivoirien. En tout cas dans ces scrutins, le RHDP, pour une première sans le PDCI, y a joué sa crédibilité ; ce dernier sa survie ; Guillaume Soro et Hamed Bakayoko, leurs auras respectives de successeurs potentiels au président Alassane Dramane Ouattara.
Dans ces duels entre le RHDP et le PDCI, d’une part, Guillaume Soro et Hamed Bakayoko, d’autre part, le FPI, tendance Affi N’guessan, et surtout les candidats indépendants ont leur carte à jouer. Pas de doute que, dans les conseils municipaux et régionaux, à défaut d’avoir la majorité, ils seront les faiseurs de maires et de présidents de régions en attendant d’être faiseurs de roi à la présidentielle de 2020.
Zéphirin Kpoda
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