Présidentielle congolaise : Ce coq gaulois qui caquette tant
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Félix Tshisekedi est-il le véritable vainqueur de la présidentielle congolaise du 30 décembre dernier ? La Commission électorale nationale indépendante (CENI) avait à peine proclamé les résultats provisoires au petit matin du jeudi 10 janvier 2019 que la suspicion et la polémique ont commencé à enfler en République démocratique du Congo, et même au-delà. Le fils d’Etienne Tshisekedi, l’opposant historique décédé il y a deux ans (et toujours pas enterré), a en tout cas été déclaré provisoirement vainqueur avec 38,57% des suffrages exprimés devant Martin Fayulu (34,83%) et Emmanuel Ramazani Shadary (23,84%).
En demandant, il y a quelques jours, à Corneille Nangaa, le patron de la CENI, de donner la vraie vérité des urnes, les prélats de la CENCO (Eglise catholique) avaient-ils effectivement sous leur manteau, pour ne pas dire sous leur soutane, le nom de celui qui veut endosser la plus haute charge de l’Etat au nom de son père ? ou faisaient-ils plutôt allusion à Martin Fayulu, le porte-drapeau de la coalition Lamuka qui crie au « coup d’Etat électoral » à juste titre semble-t-il? Hier en milieu de journée, l’abbé Donatien H’sholéa a, en effet, affirmé sans ambages que « les résultats publiés ne correspondent pas aux données collectées par la mission d’observation de la CENCO ». Verdict de la CENI opposé aux résultats du presbytère, voici donc l’affiche du match, lourd de tous les dangers, qui se joue depuis hier sur les rives du Congo.
Pour beaucoup, il ne fait pas de doute, le leader de l’UDPS, qui a, il est vrai, amorcé un étrange, pour ne pas dire suspect, rapprochement ces derniers temps avec Joseph Kabila qu’il a littéralement câliné, aurait été déclaré vainqueur suite à un arrangement avec le pouvoir qui, à défaut de voir son poulain du Front commun pour le Congo (FCC) gagner, a préféré la carte du tout sauf Fayulu, le candidat le moins accommodant issu des pourparlers genevois de l’opposition congolaise.
Etrange situation que celle-là, où ce sont les opposants qui se chamaillent entre eux dans la quasi-indifférence du régime. Alors que, sous nos cieux, c’est souvent la majorité présidentielle qui est accusée de hold-up électoral. Mais dans le cas d’espèce, ça s’explique dans une certaine mesure : c’est la division originelle de l’opposition qui se poursuit après la tenue du scrutin. On se rappelle en effet qu’après quelques jours de tractations tous azimuts, c’est finalement celui qu’on n’attendait pas (Martin Fayulu) qui avait été désigné candidat unique de l’opposition sur les bords du lac Léman. Un acte dénoncé dès le lendemain par le ticket Tshisekedi-Kamerhé qui a préféré jouer sa propre carte et qui vient de rafler la mise sous réserve de confirmation par la Cour Constitutionnelle des chiffres litigieux de Nangaa. Les lendemains postélectoraux, comme on le voyait venir, tant le bordel électoral était indescriptible, promettent donc d’être houleux, même si ce n’est pas ceux qu’on attendait qui seront sur le ring.
Et comme si la bagarre locale ne suffisait pas, il fallait en plus que le coq gaulois, qui caquette à tout va, s’en mêle : Jean-Yves Le Drian, ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, n’y est, en effet, pas allé par quatre chemins pour affirmer que les résultats ne sont pas conformes. Mais conformes à quoi ? A ce que prophétisait la CENCO ? Quand bien même ce que prêchaient les évêques serait parole d’évangile, appartient-il pour autant au chef de la diplomatie française de mettre les pieds dans un plat électoral déjà suffisamment problématique ? Cette France, pays des droits de l’homme, de la liberté et de la démocratie, qui est si soucieuse de ces valeurs, ne gagnerait-elle pas à dispenser ses leçons de bonne gouvernance électorale à son nouvel ami rwandais, Paul Kagame, et à ceux plus anciens comme les Idriss Déby, Paul Biya et Denis Sassou N’Guesso ? Ou même, tant qu’elle y est, à Mohamed Ben Salman ? Au demeurant, c’est ce genre de posture néocoloniale qui contribue à rendre sympathiques certains de nos despotes, juste parce qu’ils savent tenir tête aux Occidentaux.
Issa K. Barry
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