Présidentielle algérienne : La main tendue des généraux reste … tendue
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Les Algériens auraient dû aller aux urnes hier : le 4 juillet était en effet la date initialement arrêtée pour trouver un successeur à Abdelaziz Bouteflika, qui avait été contraint à la démission le 2 avril 2019 après de longues semaines de manifestations contre sa volonté de briguer un 5e mandat malgré son état de santé. Une élection à laquelle le président par intérim, Abdelkader Bensalah, et, surtout, Ahmed Gaïd Salah, le véritable homme fort du pays, ont dû renoncer faute de candidats à l’expiration de la date butoir du dépôt des candidatures.
Depuis donc, la transition algérienne est au milieu du gué, ballottée entre les rendez-vous hebdomadaires des contestataires, qui n’entendent pas desserrer l’étau, et la marche forcée du général quatre étoiles, qui a mis sur la touche la plupart de ses rivaux avant de les traîner en justice alors que lui-même aurait dû être le premier sur le banc des accusés.
Finalement c’est un «dialogue national inclusif» qui va se tenir pour préparer l’élection présidentielle avortée. Telle était la principale annonce de l’allocution présidentielle mercredi dernier de l’intérimaire Bensalah, qui va donc rester aux affaires jusqu’à l’élection du chef de l’Etat. Voilà enfin une décision de sagesse, et c’est par là qu’il fallait commencer, au lieu de l’insensée fuite en avant à laquelle on avait eu droit depuis.
A quoi cela aurait-il en effet servi d’organiser un scrutin avec les mêmes acteurs et sans une refonte en profondeur du système électoral, à commencer par le fichier lui-même ? C’est notamment à cette tâche que devraient s’atteler les « personnalités nationales crédibles, indépendantes, sans affiliation partisane ni ambitions électorales » qui devraient conduire ces concertations auxquelles ni l’Etat ni l’Armée ne devraient prendre part selon Bensalah. On espère que, tout président intérimaire qu’il est, il a au moins requis l’avis du vieux général de 75 ans avant de faire son annonce pour ne pas avoir à subir des tirs de barrage.
Il faut aussi espérer que les insurgés, qui n’ont cessé de réclamer les têtes des deux « B » (Bensalah et Noureddine Bedoui), sauront saisir cette perche tendue s’ils veulent sortir de l’impasse dans laquelle le pays est embarqué depuis bientôt trois mois. Encore faut-il que ce corps volumineux de millions de manifestants ait une tête avec laquelle on peut discuter, car c’est tout ce qui lui manque jusque-là. Il faut en effet se résoudre à s’asseoir autour de la même table de négociations que ses adversaires, quand bien même on n’aurait pas envie de les voir, fût-ce en peinture. Sauf à vouloir ériger la traditionnelle marche du vendredi en mode de gouvernement.
Mais le danger qui pourrait guetter le dialogue national, c’est de vouloir le transformer en conférence nationale souveraine, comme on en a vu dans les années 90, où à peu près tout ou n’importe quoi est débattu. Ce qui ne devrait pas être le cas du dialogue national, au cours duquel ce sont les élections qui doivent être au menu des échanges. Le reste, le nouveau président démocratiquement élu s’en chargera.
Malheureusement, la concorde n’est pour le moment pas la chose la mieux partagée dans la patrie de Boumedienne. Aux dernières nouvelles, la société civile et les partis d’opposition ont accueilli avec méfiance la main tendue des autorités de la Transition et ne veulent pas pour le moment la saisir. A les entendre, la proposition des généraux n’est ni plus ni moins qu’une stratégie pour pérenniser leur pouvoir, une diversion et une tentative pour diviser la rue. En somme, à la veille de la fête de l’indépendance, qui doit être célébrée en principe aujourd’hui, il s’agit pour eux d’un cadeau empoisonné qu’ils ne sont pas prêts à recevoir des deux mains.
Issa K. Barry
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