Procès séparatistes camerounais : Un verdict qui vaut son pesant de crime
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Dans un pays où la justice n’est pas réputée indépendante mais plutôt aux ordres de l’exécutif, pour ne pas dire du président Paul Biya, on ne sait pas sic’est ce dernier qui a proposé le tarif, mais le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il est particulièrement salé.
A l’issue d’une audience marathon, le verdict du tribunal militaire de Yaoundé est tombé hier mardi 20 août 2019 peu avant six heures du matin.
« Tombé », c’est le mot qui sied pour cette sentence, puisque Julius Ayuk Tabe, chef des séparatistes anglophones du Cameroun, et ses neuf coaccusés, poursuivis pour « terrorisme et sécession », ont été condamnés à la réclusion criminelle à perpétuité. Ils devront donc passer le restant de leur vie en détention, et on peut compter sur la justice camerounaise pour que ce ne soit pas dans une prison cinq étoiles.
Et ce n’est pas tout : les dix condamnés doivent payer solidairement à l’Etat des dommages, tenez-vous bien, de 250 milliards de francs CFA, soit 5% du budget national exercice 2019.
Difficile de trouver meilleurs contributeurs, même si on ne sait pas comment la puissance publique va faire pour recouvrer cette somme.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la justice a eu la main particulièrement lourde. C’est que le crime qui leur est reproché n’était pas moins lourd. Loin de là.
En effet, le Cameroun anglophone est traversé depuis de longs mois par une crise sécessionniste qui a culminé le 1er octobre 2017 avec l’auto-proclamation de ce qui devrait être l’Ambazonie avec un président tout aussi auto-proclamé qui n’était personne d’autre que Julius Ayuk Tabe.
Une crise parsemée d’attaques contre des postes de police et de gendarmerie, de sabotages de biens publics, de prises d’otages et dont le bilan humain s’élèverait à ce jour à quelques trois milles morts et des déplacements de populations.
On peut certes reprocher beaucoup de choses au locataire du Palais d’Etoudi qui, à 85 ans dont 37 au pouvoir, ne songe toujours pas à faire valoir ses droits à la retraite.
Mais peut-on lui en vouloir face à des séparatistes qui veulent déchirer l’acte d’union entre les parties francophone et anglophone conclue en octobre 1961 à la suite d’un référendum ?
Certes le greffon anglophone, après cette opération, ne s’est pas bien intégré à l’ensemble de la nouvelle République fédérale du Cameroun.
Certes, encore, les locuteurs de la langue de Shakespeare ont des raisons objectives de se sentir délaissés, voire méprisés, par le pouvoir central.
Mais le pays peut-il se payer le luxe d’une remise en cause de ce compromis historique vieux de 58 ans ?
Une chose est sûre, cette sentence tombe comme un message fort envoyé à tous les irrédentistes qui continueraient de lutter pour l’indépendance ou même l’autonomie.
Mais elle pourrait contribuer à raidir davantage les partisans de Julius Ayuk Tabe.
Alain Saint Robespierre
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