Coups d’Etat au Mali: Kati, ça aide à démissionner
- Écrit par Webmaster Obs
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Le scénario est maintenant bien rodé. Les militaires arrêtent le président et son premier ministre, qui sont embastillés au camp militaire de Kati, et 48 heures après, ils rendent leur tablier. Manifestement, un séjour, aussi bref soit-il, à Kati, ça aide à réfléchir…
Cela a déjà été le cas en août 2020, quand les soldats ont déposé Ibrahim Boubacar Keïta après de longues semaines de manifestations de rue.
Bis repetita hier, avec l’annonce de la démission du président de la Transition, Bah Ndaw, et de son premier ministre, Moctar Ouane. Les deux hommes, rappelons-le, avaient été arrêtés ce lundi dans l’après-midi pour avoir notamment remplacé le ministre de la Défense et celui de la Sécurité sans l’avis du tout-puissant vice-président, le colonel Assimi Goïta. Celui-là même qui s’était trouvé à la manœuvre neuf mois plus tôt. Difficile dès lors de croire que comme IBK et Boubou Cissé avant eux, les deux démissionnaires d’hier ont jeté l’éponge sans la moindre contrainte. Mission accomplie donc pour les militaires de Kati, au grand dam de la troïka Cédéao, Union africaine et ONu de nouveau dépêchées au chevet du malade chronique malien qui semble obstinément refuser la thérapie qui lui avait été prescrite.
Goodluck Jonathan, le médiateur de la sous-région, n’aura même pas eu le temps de remettre en selle les deux têtes de la Transition, puisqu’à l’arrivée des missi dominici à Kati, leurs lettres de démission étaient déjà prêtes. Le vin est tiré, il faut le boire, et il ne reste donc plus à Assimi Goïta que la prise en main des rennes du pays. Et c’est sans doute la tentation qui l’anime depuis toujours.
Il devra cependant compter avec l’hostilité de la Cédéao et de la communauté internationale, qui annoncent des sanctions, si elles n’ont pas commencé à pleuvoir. Les Etats-Unis ont fait part de la suspension de leur aide militaire. L’Union africaine bande les muscles, la Cédéao montre les dents tandis que l’Union européenne, elle, étudie la possibilité de sanctions ciblées comme le gel des avoirs ou l’interdiction de voyager à l’encontre de ceux qui se mettent en travers de la marche de la Transition.
Des menaces qui doivent rappeler de mauvais souvenirs à Bamako où des mesures de rétorsion prises par la Cédéao après le putsch contre IBK avaient porté un coup dur à une économie malienne déjà frappée de plein fouet par l’épidémie de coronavirus.
Le colonel Goïta et le quarteron d’officiers félons qui se bagarrent dans la capitale pour des postes au lieu d’aller casser du terroriste dans le grand nord sont-ils prêts à courir ce risque ? En vérité, si malgré les aléas dont ils sont sans doute conscients, ils ont osé perpétrer leur deuxième coup d’Etat, c’est qu’ils savent compter sur l’inconsistance et l’inconséquence de cette communauté internationale à l’indignation toujours sélective. Ainsi, la France et l’Union africaine qui aujourd’hui s’étranglent d’indignation ne se sont pas fait prier pour accompagner voire bichonner le général Mahamat Idriss Déby qui s’est emparé du pouvoir dans la plus pure tradition monarchique après la mort subite de son père, le maréchal du Tchad, Idriss Déby Itno. Une complaisance politico-diplomatique certes dictée par l’importance du Tchad dans la lutte contre le terrorisme dans le Sahel, mais dont on se demandait si elle ne ferait pas jurisprudence en créant un précédent fâcheux. Pourquoi donc la soldatesque malienne devrait-elle se gêner, même si on peut toujours dire que comparaison n’est pas raison ?
H. Marie Ouédraogo