Menu

Sanctions de la CEDEAO contre le Niger: Quand des «hors-la-loi» réclament justice

On ne sait pas si elles y croient vraiment ou si c’est juste pour marquer le coup, mais les autorités nigériennes ont décidé d’attaquer la CEDEAO...devant la Cour de justice de la CEDEAO elle-même.

Mardi 21 novembre 2023 en effet, la juridiction sous-régionale a examiné une plainte de l’Etat du Niger contre les chefs d’Etat membres de l’institution.

Le casus belli ? La prise de sanctions commerciales et financières drastiques suite au coup de force du général Abdourahamane Tchani qui a renversé le 26 juillet dernier le président Mohamed Bazoum.

Les plaignants invoquent notamment les graves conséquences sociales et économiques pour les populations, avec notamment l’augmentation des prix des produits de première nécessité de 15% en moyenne, le ralentissement de l’activité bancaire, sans oublier la fourniture d’électricité que le Nigeria voisin a coupée dès le putsch, privant le pays de plus de 75% de ses besoins en électricité.

La société nigérienne d’électricité, Nigelec, a d’ailleurs évalué le préjudice à plus de 6 milliards de francs CFA. C’est donc pour toutes ces raisons que Niamey estime être en droit d’attaquer ceux qui ont pris la lourde responsabilité de mettre en branle cette batterie de mesures qui a asphyxié du jour au lendemain l’activité économique du pays. Mais si les effets de ces sanctions sont bien réels, on peut se demander qui sont les premiers responsables de la précarité dans laquelle baignent en ce moment les Nigériens, entre ceux qui ont poussé à la  prise de sanctions en entrant par effraction sur la scène politique et ceux qui les ont décidées.

Un autre question, plus pratique celle-là : le Niger étant suspendu des instances de la CEDEAO, ses autorités n’étant pas reconnues peuvent-elles ester en justice devant les instances de cette même CEDEAO?

Pour les avocats de l’organisation sous-régionale, cette question  ne mérite même pas d’être posée, du fait justement de l’illégitimité du nouvel homme fort de Niamey.

L’affaire est d’autant plus cocasse que devant cette même juridiction pend un autre dossier impliquant l’Etat du Niger, dossier qui vise le retour à l’ordre constitutionnel normal et la remise en selle du président Mohamed Bazoum. Cette éventualité, le général président s’y oppose depuis maintenant quatre mois.

Dans ces conditions, on voit mal sa requête prospérer. On imagine d’ailleurs difficilement les juges communautaires désavouer de la façon la plus criarde les chefs d’Etat membres, quand bien même la Cour de justice serait censée être indépendante. Mais indépendance pour indépendance, il y a certainement des limites politiques qu’ils se garderaient de franchir. Cela dit, ce n’est pas la première fois qu’un Etat intente une action en justice contre les sanctions de la CEDEAO. Ce fut  en effet le cas du Mali en février 2022. Pour dire vrai, tout cela ressemble plus à un gag judiciaire qu’à autre chose.

 

 

Hugues Richard Sama

En savoir plus...

Paul Kagamé à nouveau candidat: Un règne aussi long que le longiligne de Kigali

Ce n’est pas vraiment une surprise, on s’en doutait un peu. Mais  c’est désormais frappé du sceau officiel. A la faveur d’une de ses exclusivités régulières avec Jeune Afrique et son ami François Soudan, le président rwandais Paul Kagamé a en effet annoncé qu’il comptait briguer un quatrième mandat lors de l’élection présidentielle d’août 2024.

Arrivé au pouvoir après le génocide qui a fait 800 000 morts entre avril et juillet 1994 et après avoir écarté pasteur Bizimungu, président postiche qui a dirigé le pays entre 1994 et 2002, l’ancien chef rebelle est devenu le seul maître du navire battant pavillon rwandais qu’il dirige en réalité depuis bientôt 30 ans. Et il n’est pas prêt de débarquer, bien au contraire. Cette nouvelle candidature après celles de 2000, 2010 et 2017 a en effet été rendue possible par la réforme constitutionnelle de 2015 qui lui laisse la liberté de rester au pouvoir jusqu’en 2034. Si tout se passe bien, il aura alors 77 ans dont 40 années passées au pouvoir. A moins qu’un obstacle biologique l’en empêche, on ne voit pas ce qui peut arrêter «l’homme mince» de Kigali qui est parti pour un règne aussi interminable que sa silhouette longiligne.

Paul Kagamé symbolise à lui seul cette espèce de géométrie variable non seulement des puissances occidentales, pour ne pas dire impérialistes, mais aussi des panafricanistes à tous crins. On l’a encore vu récemment à la faveur des nombreux putschs qui ont émaillé le continent. 

Pendant que certains sont  tolérés et même soutenus à l’image de Mahamat Idris Déby  qui a hérité du pouvoir de papa tombé au front et du général Brice Clotaire Oligui Nguéma au Gabon, d’autres dirigeants qui ont commis les mêmes péchés sont considérés comme de véritables pestiférés à l’image des militaires à la tête des juntes sahéliennes en ce moment, le général Abdourahamane Tchiani au Niger, le capitaine Ibrahim Traoré au Burkina et le colonel Assimi Goïta au Mali. Chose qui nourrit d’ailleurs le ressentiment vis-à-vis de certaines puissances, notamment la France et qui montre que le souci de la communauté internationale n’est peut être pas vraiment la promotion de la démocratie et des droits de l’homme mais d’autres intérêts inavoués. Cela vaut non seulement pour les putschs  militaires mais aussi pour les coups d’Etat constitutionnels dont l’Afrique est malheureusement coutumière. A ce propos, on a le sentiment qu’on pardonne à peu près tout à certains dirigeants. Ce qu’on a refusé à certains chefs d’Etat comme Blaise Compaoré, Alpha Condé, Alassane Ouattara, et qui a été pour certains le motif de leur départ forcé du pouvoir, on le concède à Kagamé qui lui sera à son quatrième mandat.

La communauté internationale qui a peut-être beaucoup de choses à se reprocher dans la survenue et l’exécution du génocide ferme, elle, les yeux sur les violations des droits de l’homme, les privations des libertés individuelles et collectives et même les assassinats ciblés d’opposants en exil en Afrique du Sud ou au Mozambique.

Ce deux poids, deux mesures n’a rien de nouveau. De tout temps, au gré de leurs intérêts du moment,  les Occidentaux ont soutenu et même porté à bout de bras de véritables satrapes qui martyrisaient leur peuple. Paul Kagamé a d’ailleurs bon ton d’affirmer que ceux qui veulent dupliquer ailleurs leur modèle démocratique sont eux-mêmes antidémocratiques.

Dans son interview, le dirigeant rwandais n’a pas manqué de mettre en garde également ses opposants, notamment Paul Rusesabagina. L’homme dont l’histoire vraie a inspiré le célèbre film Hotel Rwanda a été condamné en 2021 à 25 ans de prison pour terrorisme avant d’être finalement gracié et exilé aux Etats-Unis. «Peu importe ce dont nous avions convenu en coulisses, là où il se trouve aujourd’hui, cet individu a repris ses anciennes méthodes. Nous verrons comment gérer cela plus tard», a prévenu Paul Kagamé.

Paul Rusesabagina sait donc ce qui lui reste à faire : la boucler et se tenir à carreau s’il ne veut pas subir le même sort que d’autres avant lui.

A la décharge du numéro 1 rwandais, si c’est vraiment une décharge, il faut lui reconnaître le mérite d’avoir fait progresser considérablement son pays sur les plans socio-économique et environnemental, chose qui lui vaut des lauriers que même ses pires détracteurs lui reconnaissent volontiers. Mais cela devrait-il être une excuse absolutoire ? Pour certains en tout cas, on peut bien être un autocrate bon teint, pourvu que les chiffres en matière d’éducation, d’accès à l’eau potable, de santé, soient bons. C’est là un paradoxe bien africain.

 

Hugues Richard Sama

 

En savoir plus...

Niger : On tire ou on ne tire pas ?

 

Attention, faites vos jeux, rien ne va plus ! Nous ne sommes pas dans un casino, avec tables et roulettes. Mais l’image s’y prête quelque peu pour décrire le suspense, l’incertitude, pour ne pas dire l’attente angoissée de la suite que la CEDEAO va donner à son ultimatum à l’encontre du général Tchiani et du Conseil national de la sauvegarde de la patrie (CNSP). En effet, la petite semaine que l’organisation régionale a donné aux auteurs du coup d’Etat du 26 juillet 2023 pour ‘’rendre le pouvoir au président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum’’, a expiré hier dimanche à 24 heures. Alors, on fait quoi maintenant ?

En savoir plus...

Procès du 28-septembre : « Toi aussi, mon neveu ! »

Cela fait un peu plus d’un mois que l’entracte du mélodrame qui se joue au palais de justice de Conakry dure. Il s’agit bien sûr du procès historique de l’ex-président guinéen, Moussa Dadis Camara, jugé pour un massacre commis le 28 septembre 2009 au pays de Sékou Touré, mais qui avait été suspendu depuis le 29 mai 2023 à cause de deux grèves successives.

En savoir plus...

Présumés pèlerins nigérians tués à l’Est : Le Burkina et la CEDEAO évitent tout départ de feu

C’est le président nigerian Muhammadu Buhari en personne qui a donné l’information : des ressortissants de son pays en partance pour Kaolack au Sénégal ont été interceptés et tués dans la région de l’Est au Burkina. Certaines voix du côté d’Abuja ont vite fait d’indexer l’armée burkinabè dans cette tuerie. La cheffe de la diplomatie burkinabè, Olivia Rouamba, a dans la foulée de ces accusations reçu le 6 février l’ambassadeur du Nigeria au Burkina à qui elle a assuré qu’ «aucune information concrète ni élément n’a été enregistré sur le terrain qui prouve la véracité des faits». Hier, mardi 7 février 2023, c’est une équipe gouvernementale plus renforcée qui a rencontré les ambassadeurs et consuls des pays membres de la CEDEAO pour réitérer les mêmes propos.

En savoir plus...

Relations Burkina-Ghana: Opération de déminage à Ouaga

C’est une véritable équipe de démineurs ghanéens qui a débarqué à Ouagadougou. 

Conduite par le ministre de la Sécurité, Albert Kan-Dapaah, et le général Francis Adu-Amanfoh, conseiller spécial du président ghanéen,  elle est arrivée hier dans la capitale burkinabè, où elle devait rencontrer les premiers responsables du Faso.

En temps normal, c’est une visite qui serait passée presque inaperçue, tant les relations entre les deux pays sont imbriquées depuis des lustres. On se rappelle encore cette période où les révolutionnaires John Jerry Rawlings et Thomas Sankara étaient au pouvoir et où l’un des slogans en vogue était : «Ghana-Burkina, same fight, same determination», autrement dit, «Ghana-Burkina, même combat, même détermination».

Hélas, depuis quelques jours, c’est un vent glacial qui souffle sur l’axe Ouaga-Accra.

Tout est parti de la déclaration de Nana Akufo Addo en marge du sommet USA-Afrique le 14 décembre dernier. La chef de l’Etat ghanéen a affirmé sans ciller que le «Burkina Faso a maintenant conclu un accord pour aller de pair avec le Mali en employant les forces Wagner là-bas », ajoutant qu’«une mine dans le sud du Burkina leur a été attribuée en guise de paiement pour leurs services.

Fureur à Ouagadougou qui non seulement a convoqué l’ambassadeur ghanéen en poste au Burkina, mais également a rappelé son plénipotentiaire à Accra, le général Pingrenoma Zagré, pour consultation.

Sauf erreur ou omission de notre part, une telle situation ne s’était plus produite depuis que le Burkina avait rappelé en 2017 son ambassadeur en Libye pour protester contre le traitement réservé aux migrants subsahariens.

On se rappelle qu’après la déclaration de Nana Akufo Addo, le ministre porte-parole du gouvernement s’était fendu d’une réaction disant qu’elle n’engageait que son auteur. Et pas plus tard que mardi dernier, son collègue des Mines, Simon-Pierre Boussim, était monté au créneau pour dire que contrairement aux allégations d’Accra, aucune mine n’avait été concédée à Wagner.

Vrai ou faux? Difficile dans ce méli-mélo de distinguer la vraie information de l’intox.

Qu’à cela ne tienne, on ne peut que saluer l’arrivée de la délégation ghanéenne, qui va contribuer certainement à faire baisser la tension entre les deux capitales. C’est la désescalade qui s’amorce.

Il faut dire que les deux pays n’ont pas intérêt à se brouiller longtemps, précisément pour les raisons sécuritaires qu’on connaît. Certes, parmi les pays de la côte, le Ghana est celui qui est jusque-là relativement épargné par l’hydre terroriste, mais il aurait tort de se croire définitivement à l’abri. Cela d’autant plus que de plus en plus, les terroristes font des incursions dans le sud du Burkina adossé au Ghana. Or en dehors de la coopération entre Etats, notamment sur le plan du renseignement, aucune victoire n’est possible, d’où l’intérêt des deux camps à mettre rapidement balle à terre afin de mutualiser leurs forces pour faire face à l’ennemi commun. Espérons donc que cette équipe de démineurs sera parvenue tant bien que mal à désamorcer la bombe.

Hugues Richard Sama

En savoir plus...

Soldats tombés à Gaskindé : Le Capitaine Ibrahim Traoré reconnaît la bravoure des hommes

Le chef de l'Etat, le capitaine Ibrahim Traoré, a rendu hommage, le samedi 8 octobre 2022 au camp Sangoulé Lamizana, aux 27 soldats tombés sur le champ d’honneur pour la patrie, lors de l’attaque terroriste contre le convoi de ravitaillement de la ville de Djibo, le 26 septembre dernier à Gaskindé dans la région du Sahel. Dix civils avaient également péri dans cette attaque terroriste.

En savoir plus...
S'abonner à ce flux RSS