Kagame, nouveau président de l’Union africaine : L’homme mince pourra-t-il… dégraisser le mammouth ?
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Sa Majesté Kagame trône donc désormais au sommet de l’Afrique.
Sa Majesté Kagame trône donc désormais au sommet de l’Afrique.
La messe de la conférence des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine est dite. Alpha Condé de la Guinée passe le témoin de la présidence tournante de l’organisation à Paul Kagame du Rwanda. Un non-événement quand on sait que c’est depuis juillet 2017 que la candidature du président rwandais à la présidence de l’UA a été actée par ses pairs.
Ce 1er sommet de 2018 aura donc donné dans le lieu commun en attendant le second en juillet, si jamais il a lieu. En effet, parmi les propositions faites par la commission Kagame qui était chargée de réfléchir sur une réforme de l’institution, figure en bonne place la suppression de l’organisation de deux sommets par an. De toutes les mesures préconisées par cette commission pour faire des économies ou augmenter les recettes de l’UA, cette dernière semble la plus facile à appliquer. Il suffirait que les chefs d’Etat l’entérinent. A l’opposé, la plus difficile sera d’imposer une taxe de 0,2% sur les produits étrangers importés sur le continent. Bien des chefs d’Etat sont contre la mesure sans qu’on sache trop si c’est la proposition qui déplaît ou si c’est la personne du président Kagame qui pose problème. Peut-être les deux à la fois car taxer tous les produits non africains importés, c’est instaurer de fait un protectionnisme et on aura aussi noté que le président Kagame a brillé par un manque de concertation avec ses pairs avant que la commission des réformes ne mette cette proposition sur le tapis. Il faudra donc du doigté au nouveau président de l’UA pour faire avaliser cette taxe alors que justement certains redoutent qu’il veuille diriger l’organisation panafricaine d’une main de fer, comme il le fait du Rwanda.
On attend de voir non sans faire remarquer que, taxe nouvelle ou pas, il faut bien trouver des solutions de financement à ce machin de l’UA, très budgétivore, dont les ressources sont constituées à 80% par des subventions des pays du Nord. Pour des Etats qui se disent indépendants depuis 50 à 60 ans, c’est le comble du ridicule qui tranche avec ces discours grandiloquents qu’on nous donne d’entendre à chaque sommet de l’UA. Paul Kagame, qu’on l’aime ou pas, a donc raison de vouloir imposer une taxe régalienne afin d’aider l’UA à se prendre totalement en charge, au lieu de toujours tendre la sébile en espérant le regard compatissant d’un quelconque donateur, pas toujours désintéressé. C’est le prix à payer pour que l’organisation cesse d’être un exutoire de l’avant-gardisme panafricain avec des conférences de chefs d’Etat qui se suivent et se ressemblent par les discours enfiévrés d’envolées lyriques, de résolutions à la pelle, de petites phrases savantes sans que pour autant cela améliore la situation socio-économique des populations africaines.
Ce 30e sommet ne devrait pas faire exception à la règle même s’il a fait de l’année 2018 celle de la lutte contre la corruption sans oublier les sempiternelles questions de paix, de sécurité, d’intégration, de libre-échange dont la résolution reste chimérique. Mais dans cet exercice de rencontre au sommet où chaque chef d’Etat vient s’écouter parler, ira-t-on au-delà des mots pour s’attaquer vraiment aux maux qui assaillent le milliard d’Africains ? C’est connu, ces maux sont si affligeants qu’ils obligent nombre de jeunes à prendre des bateaux de fortune à la recherche d’un hypothétique eldorado en Occident. Ils finissent pour beaucoup en naufragés de la faim, s’ils ne sont pas retenus esclaves en Libye ou morts de soif dans le Sahara. Y a-t-il preuve plus tragique de l’échec de nos Etats et de leurs gouvernants ?
La Rédaction
Qui a bien pu commettre ce carnage ? Jusqu’à hier le double attentat à la voiture piégée qui a eu lieu mardi à Benghazi, dans l’est de la Libye, n’avait pas été revendiqué.
Mgr Laurent Monsengwo ne décolère et n’en démord pas. Déjà début janvier, après la répression de la première manifestation de la Coordination des laïcs catholiques qui avaient manifesté pour revendiquer la mise en œuvre de l’accord de la Saint-Sylvestre 2016, l’archevêque métropolitain de Kinshasa avait sorti l’artillerie lourde contre les oppresseurs au pouvoir. «Nous ne pouvons que dénoncer, condamner et stigmatiser les agissements de nos prétendus vaillants hommes en uniforme qui traduisent, malheureusement, et ni plus ni moins, la barbarie. Il est temps que la vérité l’emporte sur le mensonge systémique, que les médiocres dégagent et que règne la paix, la justice en République Démocratique du Congo», avait-il pesté.
Y avait-il enceinte plus symbolique qu’un stade pour celui qui en fut l’un des dieux, écrivant sa légende sur de nombreux terrains de football à travers le monde comme au « Tonnerre de Yaoundé », à l’AS Monaco, au PSG et à l'AC Milan et qui demeure à ce jour le seul Africain « Ballon d’or » ?
Les Gambiens, avec à leur tête le président Adama Barrow, ont célébré, ce 2 décembre le premier anniversaire de la défaite électorale de Yahya Jammeh. Une commémoration qui s’est faite dans un quartier de la périphérie de Banjul pour signifier les liens forts entre les populations et leurs nouveaux dirigeants.
Comment dit-on « pays de merde » en américain ? « Stinking countries », « godforsaken countries », « world dump » ou « shitole countries » qui aurait eu la préférence de Donald Trump pour parler des Etats africains lors d’une réunion jeudi dernier à la Maison-Blanche ? Quelle que soit l’expression choisie et qu’elle puisse signifier « trou à rats » ou « porcherie », elle était suffisamment offensante pour susciter dans lesdits pays de merde un mélange d’indignation et de colère qui n’est pas près de s’estomper.
Les chefs d’Etat qui condamnent ; des pays qui convoquent l’ambassadeur américain comme ce fut le cas au Sénégal de Tulinabo Mushingi ; l’Union africaine qui publie un communiqué très ferme ; les ambassadeurs africains à l’ONU qui exigent une rétractation de l’auteur de ce vocable fleuri… le concert de désapprobation qui a accueilli cette sortie de piste ne cesse, depuis, d’aller crescendo.
Quelle « dung fly », entendez mouche …à merde, a donc encore bien pu piquer cette anomalie statistique qui a emménagé contre toute attente dans le bureau ovale qu’il a mis sens dessus dessous à coups de tweets ravageurs, de déclarations intempestives, d’actions et de propos inconsidérés qui laissent souvent ses propres collaborateurs totalement abasourdis?
« Le langage que j’ai utilisé lors de la réunion était dur mais ce ne sont pas ces mots-là », s’est défendu maladroitement celui qui tweete plus vite que son ombre sans pour autant dire quels étaient les termes exacts sortis de sa putain de bouche. Que l’Afrique, dont il sait à peine sur quelle planète elle se trouve, ne soit pas la priorité de ce maudit pitre imbu de sa personnalité, on veut bien mais avait-il besoin d’être aussi méprisant vis-à-vis de ce berceau de l’humanité et de 1,3 milliard (17% de la population mondiale) d’hommes et de femmes qui ont juste le malheur de ne pas être milliardaires ?
A-t-on besoin de lui rappeler que ce sont des millions et des millions d’enfants de cette Afrique, arrachés à la terre de leurs ancêtres par ce crime contre l’humanité qu’est l’esclavage, qui ont en grande partie fait de son « America first » cette puissance économique qu’elle est de nos jours ? A-t-on besoin de lui apprendre que des descendants d’esclaves ont contribué à l’érection de cette fameuse Maison-Blanche, qu’il souille chaque jour que Dieu fait de ses extravagances ? A-t-on besoin de rappeler à ce monsieur qui dit tout ce qui lui passe par la tête que, pas plus tard qu’en septembre 2017 en marge de l’Assemble générale des Nations unies, il louait devant une brochette de présidents africains « le potentiel commercial exceptionnel » de ces pays de merde où l’Oncle Donald vient, comme tant d’autres puissances, se procurer pétrole, mines et de nombreuses autres matières premières indispensables à ses majors ?
Ici ou ailleurs, on a connu de premiers magistrats qui n’ont pas toujours été à la hauteur de la charge suprême qui leur avait échu. La France a ainsi eu ses rois ou présidents chauds lapins, à l’image de Félix Faure, expédié sans escale du septième ciel au ciel tout court le 16 février 1899, frappé par un orgasme mortel au cours d’ébats élyséens avec sa maîtresse Marguerite Steinheil, ce qui valut à la pauvresse le surnom de « pompes funèbres » ; somnabulesques tel Paul Deschanel, atteint du syndrome d’Elpenor et qui se prenait tantôt pour Napoléon, tantôt pour la Vierge Marie. L’Afrique a connu les heures sombres de despotes sanguinaires, fantasques ou ubuesques du genre Idi Amin Dada, Bokassa, Menguistu Hailé Mariam, Macias Nguéma, Haïti a eu ses papa et baby Doc, les Philippines les Marcos mais rarement personnalité aura déshonoré autant la fonction présidentielle comme c’est le cas de ce dirigeant pour le choix duquel les Américains se seront lourdement … « trumpés ». Qu’on ne nous dise pas qu’il a été élu démocratiquement car après tout, Hitler aussi l’avait été.
Et dire qu’il faudra encore se le taper trois ans, trois longues années pendant lesquelles il va commettre trop de dégâts. Avec de tels propos dévalorisants et bêtement méchants, qui illustrent à souhait la haute estime dans laquelle il tient ses « homologues » africains qu’il reçoit, l’on est en droit de se demander ce que vont devenir l’AGOA, le MCC, l’initiative Power Africa, le PEPFAR (plan d’urgence pour la lutte contre le SIDA) et tant d’autres projets et programmes mis en œuvre par ses prédécesseurs au bénéfice de ces pays de merde.
Jusque-là on connaissait les génocides physiques, c’est-à-dire l’extermination de populations du fait de leur race, de leur ethnie, de leur croyance, de leur couleur de peau mais avec ces outrances verbales et ses « trumperies » à n’en pas finir, il faudrait que la Cour pénale internationale songe à inventer le crime de génocide moral qui est certes plus insidieux mais tout aussi dévastateur sinon plus, les insultes (cafards, rats, merde, etc.) et discours désobligeants préparant bien souvent le terrain aux actes violents. En attendant, mister Trump, bons baisers d’un pays de merde.
La Rédaction
On avait craint une journée chaude ce dimanche 14 janvier, jour anniversaire de la Révolution du jasmin en Tunisie : en effet, la semaine écoulée, le mercure social a pris l’ascenseur avec des manifestations émaillées de vandalisme, traduisant un mécontentement grandissant de la population. « Le peuple veut faire tomber la loi des finances », a-t-on entendu, entre autres slogans, en échos au « peuple veut faire tomber le régime » scandé par les insurgés de janvier 2011. 7 ans après, la rue a de nouveau parlé à Tunis, Sfax, Carthage et dans d’autres villes du pays, posant cette lancinante question aux Tunisiens : qu’est-il advenu de la Révolution ?
Un demi-échec que cette révolution, écrivions-nous dans notre parution du vendredi dernier, car, si la démocratie a pris ses quartiers dans le pays, les transformations économiques susceptibles d’apporter les solutions aux nombreuses demandes sociales se font attendre. Pire, pour beaucoup de Tunisiens, leurs conditions de vie se sont détériorées, et la loi de finances 2018, parce qu’elle en ajoute à l’austérité et à la vie chère, est la goutte d’eau qui fait déborder le vase de mécontentement. En une semaine, le Mouvement Fech Nestannew, traduisez «qu’est-ce qu’on attend », sous-entendu « pour protester », a donné des sueurs froides au gouvernement de Youssef Chahed. On a senti flotter comme une odeur de jasmin, c’est-à-dire les prémices d’une seconde révolution, obligeant les autorités à user du bâton et de la carotte pour endiguer la contestation sociale.
Pour ce qui est du bâton, entre 500 et 800 manifestants, selon les sources, ont été arrêtés et seront traduits en justice d’après les autorités. Diabolisés en « casseurs, pilleurs », ces manifestants risquent des peines de prison et de lourdes amendes. Concernant la carotte, le gouvernement multiplie les effets d’annonce en mettant en avant des mesures en faveur des Tunisiens les plus pauvres, notamment une augmentation des allocations sociales, la mise en œuvre d’un plan logement, d’une couverture maladie universelle et la fixation d’une pension minimale de retraite. Côté politique, on envisage sérieusement la formation d’un gouvernement ouvert à l’opposition qui verrait l’entrée en son sein du Front populaire, lequel ne fait pas mystère de son soutien aux manifestations de ces derniers jours.
On le voit bien, le gouvernement s’échine à parer au plus pressé, mesurant sur le tard l’impact négatif de la dernière loi de finances sur l’opinion tunisienne. Pourquoi n’a-t-il fait sienne la vérité assénée par l’adage : « gouverner c’est prévoir » ? Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir été prévenu des risques de troubles sociaux dont le projet de budget 2018 était porteur. En cela le gouvernement Youssef Chahed n’a pas le monopole de la bêtise d’attendre que le front social bouillonne pour penser aux couches les plus vulnérables de la population. Il y a comme de l’infantilisme chez nos gouvernants à ignorer la grogne des populations jusqu’à ce qu’une quelconque étincelle mette le feu aux poudres. Et les voilà en pompiers qui imaginent des dissolvants pour éteindre l’incendie. Pour quels résultats ?
Pour l’heure, le président Beji Caïd El Sebsi et son gouvernement semblent avoir contenu la grogne sociale en Tunisie, mais pour combien de temps ? En tout cas, en ce 7e anniversaire de la Révolution du jasmin, le cœur n’est pas à la fête sur l’avenue Bourguiba. Le plus puissant des syndicats du pays, l’Union générale des travailleurs de Tunisie (UGTT), et le parti d’opposition Front populaire ont appelé à une marche dans une mobilisation massive et patriotique pour crier la colère des Tunisiens devant le Parlement le 20 courant. On attend de voir.
Zéphirin Kpoda
« A cette allure, ils finiront par en avoir l’habitude. » Ainsi attaquions-nous notre édito de lundi dernier, parlant des Ivoiriens qui avaient encore vécu trois jours auparavant une descente de militaires dans les rues de Bouaké.
Depuis que les premiers cas de virus Ebola ont été signalés en janvier dernier en Guinée-Conakry, la situation épidémiologique va de mal en pis. La «peste rouge», ainsi que nous l’avons qualifié du fait de la fièvre hémorragique qui foudroie les personnes atteintes, semble installée pour longtemps alors qu’on s’attendait à sa disparition, du moins à un recul rapide comme c’est souvent le cas en Afrique centrale et dans la région des Grands Lacs. Rien de tout cela. Bien au contraire. Sa zone épidémiologique ne fait que s’étendre au-delà des frontières du pays de Sékou Touré, son foyer originel en Afrique de l’Ouest.
En effet, le virus s’est répandu en Sierra-Léone et au Liberia, et qui sait si d’autres Etats, comme le Mali et la Côte d’Ivoire, où des alertes avaient été données, ne couvent pas aujourd’hui le mal. La question mérite d’être posée quand on connaît les modes de transmission d’Ebolavirus (contact direct avec une personne infectée, consommation de certains gibiers comme la chauve-souris, le singe et l’agouti, considérés comme des réservoirs viraux), et la grande mobilité des populations dans des conditions qui jurent avec les règles d’hygiène et de prévention préconisées en pareille situation.
En tout cas, à ce jour, selon Médecins sans frontière (MSF), 60 foyers actifs ont été identifiés en Guinée, au Liberia et en Sierra-Léone. «Le risque d’une propagation est aujourd’hui réel», a averti le directeur des opérations de MSF, Bart Janssens, d’autant plus que ‘’l’épidémie est hors de contrôle’’ et a déjà fait 385 morts sur 567 cas recencés. Il y a lieu que les autorités sanitaires et même politiques des Etats de la boucle «ébolique» et des pays voisins prennent le Filovirus par les filaments, c’est le cas de le dire, de renforcer la surveillance épidémiologique, multiplier davantage les campagnes de sensibilisation sur le mode de contagion de la fièvre Ebola et arrêter, comme c’est le cas en Guinée Conakry, la polémique stérile sur le nombre de victimes. L’épidémie ignorant les frontières, la riposte doit en faire autant. Nos gouvernements doivent au plus vite mutualiser leurs moyens et leurs efforts pour la mise en place d’un plan sous-régional pour sinon l’éradication de l’infection, du moins l’arrêt de sa propagation. C’est à ce prix qu’on pourra espérer juguler cette ‘’peste rouge’’ contre laquelle il n’existe aucun moyen curatif, et conjurer la sombre prophétie de Jean-Marie Le Pen qui, dans une de ses abominations, a osé déclarer : «Contre l’immigration, monseigneur Ebola s’en chargera en trois mois».
Adama Ouédraogo Damiss